Tante toge

Photos finissants

2024.04.22 17:18 Important-Log7877 Photos finissants

Qu’est-ce que vous recommandez pour la prise de photos en tant que diplômé? Recommandez-vous les forfaits de l’agence Voltaic? Ou est-ce que ça serait mieux de louer la toge et prendre des photos indépendantes (j’ai par exemple un ami photographe amateur qui les prendrait gratuitement)? J’hésite un peu avec cette dernière option parce que, selon le cite des collations des grades, la location au sein de l’UdeM inclut seulement la toge et aucun des accessoires (donc pas de mortier ni baudrier)…
Mon association étudiante n’a malheureusement pas planifié une séance photo pour les finissants 🥲
Je vous remercie à l’avance!
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2023.12.23 14:55 miarrial Le jour où Rome a éparpillé Carthage façon puzzle

Le jour où Rome a éparpillé Carthage façon puzzle
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En 146 av. J.-C. et après trois ans de siège, Rome s'apprête à faire enfin tomber sa vieille ennemie, Carthage, la capitale punique. Et cette fois, l'objectif est clair: il faut raser la cité. Mais pourquoi tant de haine ?

La femme d'Hasdrubal se jetant avec ses deux enfants dans le bûcher, gravure du XVIe siècle de Pierre Woeiriot
C'est un de ces rituels vaguement magiques dont Rome a le secret, de ceux qu'on réserve aux grandes occasions. Au mois d'avril 146 avant notre ère, le général et consul Scipion Émilien procède sous les remparts de Carthage à une «evocatio», sorte d'appel aux dieux de l'ennemi.
Devant ses légions, le général romain en appelle à Tanit, la première des déesses carthaginoises, et jure de lui construire un temple et de lui offrir des sacrifices à Rome –pour peu qu'elle lâche une bonne fois les Carthaginois. Il faut croire que Tanit s'est laissée faiblir, parce que l'interminable guerre qui oppose les deux grandes puissances méditerranéennes arrive à son terme.
Pour savoir comment tout a commencé, il faut revenir au IXe siècle avant notre ère, lorsque des colons phéniciens s'installent sur les côtes d'Afrique du Nord, près de l'actuelle Tunis. Tournée vers le négoce, la cité prospère: en deux siècles, sa flotte commerciale devient la plus importante de Méditerranée.
Et comme il n'y a pas que le pognon dans la vie, Carthage en profite pour s'imposer sur l'ouest de la Sicile, la Corse, la Sardaigne et le sud de l'Espagne grâce à sa marine. Mais les meilleures choses ont une fin. Au IIIe siècle, l'ambiance se tend un poil, avec la montée en puissance d'un nouveau joueur en Méditerranée : Rome, qui commence à pousser ses pions sur l'échiquier géopolitique méditerranéen. Inévitable, l'affrontement se joue en trois actes.

Ennemies jurées

Le premier démarre en Sicile en 264 avant J.-C. lorsque Rome entre en scène en prétendant répondre à l'appel à l'aide de la cité de Messine. Habituée à combattre sur terre, la République subit quelques belles tatouilles sur mer, avant que la bataille des îles Égades la place finalement en position de force. Carthage doit accepter un traité humiliant: celui-ci la force à céder la Sicile aux Romains et à leur verser un tribut de guerre qui la laisse sur la paille.
Incapable de régler ses mercenaires, Carthage voit ces derniers se retourner contre elle... C'est le décor du Salammbô de Flaubert, c'est surtout la crise sur le gâteau: Rome en profite pour mettre la main sur la Sardaigne et la Corse.
La deuxième manche mène Rome au bord du gouffre lorsque le très doué et très revanchard Hannibal débarque en Espagne en 218, traverse les Pyrénées, la Gaule, le Rhône et les Alpes, puis fond sur l'Italie en taillant des croupières à des légions dépassées. Mais le général carthaginois s'enlise du côté de Capoue et Rome renverse la situation. En 202, la victoire de Zama signe la fin de la deuxième guerre punique. Désormais sans flotte militaire, Carthage se voit privée du droit de faire la guerre sans l'autorisation de Rome.

Le coup des figues fraîches

Pourtant, à Rome, certains sénateurs redoutent un retour de leur vieille ennemie, réputée sournoise –on parle de «punica fide», de foi punique, pour évoquer la déloyauté ou l'hypocrisie. Un orateur surtout exhorte ses collègues matin, midi et soir: Caton l'Ancien, qui termine tous ses discours par une même formule: «Delenda Carthago». Il faut détruire Carthage.
Alors âgé de 80 ans, ce vétéran de la deuxième guerre punique a quelques raisons de s'inquiéter. Au cours d'une visite en Afrique, il a été stupéfait de voir avec quelle rapidité Carthage s'était remise de sa deuxième défaite. En quelques décennies, la ville est redevenue une cité «riche de jeunes gens, débordant de richesses et pullulant d'armes».

Le souvenir d'Hannibal est ravivé. Dans le doute, il faut raser Carthage.

La ville est tenue par des familles dont les ambitions inquiètent le vieil orateur, bien qu'elles restent imprécises. Pire, les mœurs des Carthaginois révulsent Caton, qui n'y voit que mollesse et dépravation –une menace à ses yeux pour les valeurs romaines.
En plein Sénat, Caton laisse échapper quelques figues gorgées de jus, comme tombées par mégarde des plis de sa toge. Lorsque ses collègues s'extasient, Caton jure qu'il les ramène de Carthage –et que si elles sont si appétissantes, c'est parce que l'ennemie jurée n'est qu'à trois jours de Rome. Caton a menti: la traversée prend au mieux six jours et il y a toutes les chances que les fameuses figues soient venues de ses propres plantations. Mais qu'importe: le souvenir d'Hannibal est ravivé. Dans le doute, il faut raser Carthage.
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Billard à trois bandes

Encore faut-il un prétexte: officiellement, Rome ne s'engage jamais que dans des «guerres justes» –ce qui ne veut pas dire justifiées, d'ailleurs, mais conformes au droit et à la religion. Pour poutrer sa meilleure ennemie une bonne fois, Rome décide donc d'exploiter le contexte géopolitique africain. Carthage affronte alors le royaume de Numidie, un allié de Rome qui mord sur son arrière-pays.
La ville réclame à Rome une aide qui ne lui est bien entendu pas accordée. Acculée, Carthage n'a plus d'autre choix que de lancer des troupes contre les Numides. Rome tient son prétexte: techniquement, Carthage vient de violer le traité qui lui interdit de combattre sans autorisation du Sénat romain...

Abandonner une cité vieille de six siècles, c'est abandonner son identité même, ses dieux et ses temples.

Carthage, qui voit pointer un merdier classé 9 sur l'échelle de Richter, multiplie pourtant les démonstrations de bonne volonté. La ville accepte de livrer 500 otages triés sur le volet et abandonne l'essentiel de son armement en 149, au lendemain du débarquement des troupes romaines. Mais rien n'y fait, et la cité comprend un peu tard que Rome a déjà décidé de son sort: soit les Carthaginois abandonnent une ville et un port promis à la destruction pour s'installer à l'intérieur des terres, soit les légions lancent l'assaut.
Pour les Carthaginois, l'idée d'être réduits à une sorte de colonie agricole est inacceptable. Abandonner une cité vieille de six siècles, c'est abandonner son identité même, ses dieux et ses temples. Un double blocus commence, sur terre et sur mer.

Guerre totale

Mais si Carthage s'est montrée naïve, la République a sous-estimé la résistance inouïe que la cité lui oppose. Alors que les officiers romains s'attendent à une victoire rapide, Carthage assiégée résiste pendant... trois ans. Soudés, les 300 000 habitants se retranchent derrière leur triple ligne de remparts et entrent dans une logique de guerre totale.
Toute la ville participe à l'effort de guerre. On coupe les cheveux des femmes pour tisser des cordages, on abat les charpentes pour récupérer des poutres destinées aux chantiers navals, et on fabrique des armes, beaucoup d'armes. Au plus fort de l'effort de guerre, on estime que 300 épées, 500 lances, 140 boucliers et 1 000 projectiles de catapulte sortaient chaque jour des ateliers. «Libérés», les esclaves sont aussitôt enrôlés dans une armée montée dans l'urgence.

En taillant dans les rangs d'ennemis épuisés par la faim, les légionnaires prennent le port de guerre, puis la ville basse –et l'enfer commence.

Exaspérée, Rome confie le commandement à un nouveau général, Scipion Émilien, dont le sens tactique change la donne. Après avoir nettoyé l'arrière-pays, il fait construire une digue qui lui permet de mieux contrôler le port, et érige une longue ligne de fortifications côté terre. Le dernier coup de dés des Carthaginois, qui finissent par percer les murailles de leur propre port pour se ravitailler par la mer, échoue.
La vieille cité commet alors un acte inouï: Hasdrubal, son général, fait exécuter des centaines de prisonniers romains, torturés et mutilés au sommet des remparts,. Ceux-ci sont jetés, encore vivants, sur leurs camarades impuissants.
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Mais cette fois, Carthage étouffe. Et, en avril 146, Scipion juge que sa proie est mûre. Au lendemain de l'«evocatio», les légions lancent l'assaut contre le port de commerce, qu'Hasdrubal fait incendier pour freiner la percée romaine. Mais rien n'y fait: en taillant dans les rangs d'ennemis épuisés par la faim, les légionnaires prennent le port de guerre, puis la ville basse –et l'enfer commence.

Guerre urbaine

Les soldats ne tardent pas à constater que malgré l'épuisement et la famine, la population est prête à tout. Le lacis des ruelles de la vieille ville favorise les défenseurs face à des assaillants qui découvrent à leurs dépens qu'on leur a un peu trop vendu l'idée d'une cité peuplée d'habitants amollis, paresseux et lâches.
Un déluge s'abat des toits sur les Romains, assommés par les pierres, les briques et les tuiles que leur lancent des femmes et des enfants désespérés. Les légionnaires doivent avancer maison par maison dans une ville où les pillages et les massacres succèdent aux viols et aux incendies. Partout, on égorge et on tue sans distinction, des vieillards aux nouveau-nés.

Maudite, la ville est vouée aux divinités souterraines et à Jupiter.

Ralentie, l'avancée romaine reste inexorable –il faut tout de même six jours et six nuits aux légions pour encercler la dernière citadelle: la colline de Byrsa. Les murailles tombent pourtant, sapées par les hommes du génie. Il ne reste bientôt plus que le saint des saints de la ville, le temple d'Echmoun), où quelques poignées d'hommes résistent encore.
Hasdrubal, alors, cède enfin et s'avance pour parlementer, acceptant de se rendre lorsqu'on lui promet la vie sauve. Suit un moment beau comme l'antique lorsque sa femme profite d'un moment de répit pour s'adresser à Scipion Émilien: «Je ne te souhaite, ô Romain, que toutes prospérités car tu ne fais qu'user des droits de la guerre. Mais je prie les dieux de Carthage et toi-même de punir comme il se doit Hasdrubal, qui a trahi sa patrie, ses dieux, sa femme et ses enfants.» Dans l'instant qui suit, l'épouse du dernier maître de Carthage se précipite avec ses enfants dans le brasier qui ravage le temple.
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Une légende tenace veut que les Romains aient ensuite labouré et salé la surface de Carthage pour la stériliser. Elle est fausse –ne serait-ce que parce que l'opération aurait coûté un rein vu le prix du boisseau de sel– mais révélatrice de la violence romaine. Après avoir massacré 150 000 habitants et réduit les autres en esclavage, les légions commencent à raser systématiquement ce qui reste d'une ville qu'ils laissent flamber pendant dix-sept jours.
Maudite, la ville est vouée aux divinités souterraines et à Jupiter. Tandis que «Carthage entre dans la nuit», pour citer l'historien Serge Lancel, Rome crée une nouvelle province romaine, «Africa Pronsularis». Et règne seule ou presque sur la Méditerranée.

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2023.11.01 13:04 fuyuki3 Halloween with Hoshino family (by @AozoraTsuru)

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2023.07.30 07:59 Global_Relative_3177 Chapitre 73: Le trésorier Taharqa

La lune se reflète sur les obélisques accueillant tout individu qui se rend plus haut au quartier Amon. Shedet remonte la cité en direction du trésorier, un petit palais situé près du temple d’Isis. L’effort l’essouffle tandis qu’il repense à sa conversation avec la bibliothèque et notamment le texte du frère de Neith. Sa réflexion s’interrompt lorsque son pied se cogne contre un pavé extirpé du sol, son regard se perd vers les extrémités de la rue. Les petits canaux bordant les routes sont presque toutes asséchés, des tranchées d’où coulaient une eau bleu clair avant de rejoindre la ville-basse. Seule la terre et poussière, accompagnés d’excréments à quelques endroits, remplissent ces artères. Une vision qui effraient Shedet. Ce dernier s’imagine en face du Nil subissant le même sort et dont le niveau et débit diminuerait chaque instant comme dans son cauchemar. Un rêve terrible qu’il avait fait étant petit après que sa grand-mère lui racontait des histoires sordides sur le royaume. L’un de ses contes ressemblait à une prédiction, avec le soleil couvert par un disque, le désert avalant les récoltes et le Nil dont le niveau s’apparentait à celui qu’une flaque. Cette vieille carne terrifiait Shedet et jamais il ne sut si cela était volontaire de sa part ou au contraire bien un délire dû à sa démence.
— Lui il fera un bon prisonnier, dit une grave voix masculine dans la ruelle adjacente, attrapez-le!
Avant même de pouvoir réagir Shedet est capturé par deux hommes entravant ses bras. La douleur est de plus en plus insupportable. Son bras gauche est presque tordu par l’obèse au visage défiguré par une balafre en diagonale, une cicatrice de la lèvre supérieur et disparaissant au front. Le second à sa droite est rasé de près avec une face bestiale ravagée par la drogue et l’alcool. Il dégage une odeur d’ordure irritant les yeux du déchu.
— On va te couper les tendons l’Égyptien, dit l’homme en face de lui munit d’un petit couteau, comme ça tu t’enfuiras pas. Nous aussi on doit avoir un exploit à raconter.
L’individu au couteau semble avoir la langue endommagée, ses mots sont quelques fois incompréhensibles et sa peau est constellée de cicatrices et de pustules prêt à éclater.
— Mais réfléchit, rétorque l’homme à sa droite, si tu le blesses faudra qu’on le porte. Peut-être que le dieu de la lumière il nous filera des doses pour sa capture.
— Par Amon, arrêtez! Je ne vous ai rien fait, vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre. S’il vous plaît cesser de me tordre les bras… je commence à ne plus les sentir.
— On s’est pas trompé de cible l’égyptien, déclare un troisième homme, on voulait trucider cette vache de prêtresse mais on nous a pas laissé le temps. On va se défouler sur toi.
Shedet s’apprêtait à répondre mais il entendit de lourds bruit de pas. En levant la tête une chose s’abat sur l’homme en face. Le sang l’asperge tandis que l’intrus se relève au-dessus de sa victime. Son khépesh magnifique a empalé le dos du criminel.
— Bordel t’es qui toi? demande le Kushite à droite.
Sans attendre de réponse, le malotru se rue, munit de son couteau de boucher, mais le sauveur de Shedet lui rompt le cou à l’aide d’un coup de poing surpuissant. Le bruit sec rend le déchu malade tandis que l’homme de gauche, tétanisé, ne bouge plus. Le déchu s’en extirpe facilement et s’écarte alors que le héros attrape la tête du dernier criminel. « Par Amon, c’est le fameux général Seni! Sa taille est impressionnante et il arrive à soulever d’un bras cette barrique ».
— Qui a tué la prêtresse? demande Seni sur un ton sec.
— Je sais pas mais cette vache a mérité…
Ces mots sont étouffés par la main du général, impatient, ce dernier lui casse le bras et aplatit sa tête contre le sol.
— Qui a tué la prêtresse? redemande-t-il en écrasant sa tête avec son pied.
Aucune réponse, seulement des gargouillis dû à la violence du choc. Le pied de Seni se relève, l’homme est déjà mort, il piétine une nouvelle fois le crâne qui éclate comme une pastèque. La chair et le sang se déverse dans le canal à proximité. « Par Thot, je commence à avoir la nausée…». Shedet se retient de vomir et s’agenouille en face de Seni, un colosse dont les reflets de la lune le font paraitre comme un protecteur royal.
— Majesté, enfin je veux dire général, je vous remercie de ce sauvetage, que la grâce des dieux vous soit octroyée.
Seni semble ignorer les remerciements, il extirpe son khépesh du cadavre, ce dernier gémit avant de s’éteindre pour de bon.
— Ne sais-tu pas que les Égyptiens ont tous leur tête mise à prix une fois arrivé à Kush? La prochaine fois tu finiras massacrés si tu traines sans raison dans les rues.
— Je me rends chez le trésorier pour une affaire majesté.
— Alors presse le pas!
Le général disparut en direction du temple d’Isis, malgré sa taille imposante il se déplace aussi vite qu’un chat, difficile de sentir sa présence. « Il se forçait à le cacher mais la colère qui s’échappe de lui est terrifiante, j’ai bien cru qu’il allait me faire subir le même châtiment. Les gens n’arrêtaient pas de parler du jeune Sittiu qu’il avait massacré sans raison ». Shedet s’éloigne autant que possible de cette scène de crime. Le sang émet des reflets macabre à l’intérieur de ces tranchées. Les habitants avaient raison, le sang coule plus que l’eau à Kush.
Dans la salle d’attente chez le trésorier, ressemblant plutôt à la cour d’un palais, Shedet parcourt le jardin extérieur. La vue donne à la fois sur la cité et le désert grâce à sa large terrasse décorée de colonnes et palmiers. En pénétrant dans le jardin ses poumons se remplissent d’air frais, ses muscles se décontracte, tout cela grâce aux nombreux systèmes de ventilations. « Au moins ceux-là ne sont pas détruits. Je dois me détendre, ici je ne risque pas de me faire attaquer. Bon, je crois que je suis en avance, misère, vingt personne attendent déjà cette entrevue ». En effet, une vingtaine d’hommes tous vêtus comme des maîtres scribes attendent dans leur coin. Certains discutent, d’autres roupillent, notamment les vieux, les plus jeunes courtisent des servantes esclaves ou fille de joie Égyptienne. Shedet s’assied sur un banc libre, la conversation avec la bibliothèque lui trotte encore dans la tête. « Le frère de Neith n’a quand même pas massacré ces gens par pur plaisir? Il a dû utiliser ce bassin pour mieux les tuer ou alors… pour un rituel? J’ai entendu dire que le romain Mors avait effectué une sorte de cérémonie avec une dizaine de Sittiu. Sans détails supplémentaires je ne peux faire que des suppositions… ». En face de lui un grand sycomore haut de trente mètres le surplombe. A sa base une femme exulte de joie assise à jouer à un jeu avec un scribe. La jeune Kushite est habillée de soierie jaune et orange ainsi que d’une robe en lin rouge. Ses nombreux bracelets en argent s’agitent lorsqu’elle lève les bras en signe de victoire.
— Prends-ça scribe! Je savais qu’aujourd’hui c’était mon jour de mon chance.
— C’est bon, prends-la cette foutue broche, dit l’homme en lui jetant sur la table, tu as gagné uniquement parce que je suis stressé…
— Bouhou, j’en pleure de tristesse, dit-elle en attrapant la broche qu’elle accroche aussitôt à ses cheveux. Je n’attaque jamais un ennemi lorsqu’il est à son avantage.
— Tu n’as aucun honneur femme, grimace le scribe en se levant d’un bond, profite de cette misérable petite victoire.
Deux pièces du jeu tombèrent sur le sol, l’une au pied de la femme tandis que l’autre roule au pied de Shedet faisant mine de ne pas prêter attention à la scène.
— Et toi tu manques de sang-froid, réplique-t-elle en ramassant la pièce, il n’est guère étonnant que ton nomarque perde autant de pouvoir depuis que tu es sous sa coupe.
Le scribe s’apprêtait à lui donner une gifle mais par chance l’escalade de violence s’estompe dès qu’un serviteur du trésorier ouvrit la porte. Un scribe en sort, la mine renfrognée et la tête baissée, ses bras portent trois papyrus électronique.
— Scribe Dedefhor! appelle le héraut d’une voix bien portante, que le scribe Dedefhor se présente devant moi.
Le mauvais perdant attrape sa grande sacoche puis s’enfuit après un regard acerbe sur la demoiselle. Cette dernière l’observe seulement en posant sa tête dans la paume de sa main, le regardant trembler de terreur pour rejoindre le fameux trésorier. « Ce Taharqa est si terrible? Ce n’est qu’un trésorier et il doit sûrement être ennuyeux et froid comme tous les autres. D’après ce que j’ai entendu les contrats sur les ressources de ce nome ne sont pas donnés à n’importe qui. Miysis a grand besoin de l’or mais si je saborde peut-être qu’il sera en mauvaise posture? En fait j’en doute, il m’a fait venir uniquement pour ne pas subir cet affreux blocus. Par Thot, je commence à avoir soif ». Une voix l’appelaient depuis quelques instants, celle de la demoiselle toujours près de son jeu.
— Puis-je avoir ma pièce? le déchu la ramasse et toute sourire elle demande, une petite partie?
— Non merci je ne suis pas d’humeur…
— Pourtant il va bien le falloir ancien ouvrier, interrompt-elle avec un regard malicieux.
« C’est pas vrai, soupir-t-il, Miysis a du transmettre mes informations ». Shedet rejoint la chaise en face d’elle tout en silence. Il sent le regard curieux de quelques scribes. Certains tapotent plus fort les accoudoirs de leur doigts et d’autres semblent sur le point de fuir tant leur pieds tremblent. Beaucoup risquent leur place durement acquises si les contrats font perdre des ressources à leur nomarque.
— Pourquoi moi? demande Shedet en posant la pièce sur le jeu, si tu sais qui je suis alors tu devrais m’éviter comme tout le monde.
— Premièrement parce que le destin a voulu que cette pièce de mon jeu se retrouve à tes pieds. Deuxièmement, ajoute-t-elle en positionnant les pions, j’ai un appétit vorace pour les choses hors du commun et toi tu en es une. Je commence bien évidemment, dit-elle en posant le premier pion.
— Crois-moi jeune demoiselle je ne suis pas très intéressant, contrairement aux autres scribes plus expérimentés que moi. A toi.
— Les autres sont ennuyeux alors que toi, j’ai lu des choses incroyable à ton sujet. Non seulement tu as survécu à ton horrible condition mais tu as gravi les échelons. Je me demande comment tu as fait?
— Ravi de voir que l’on s‘intéresse à moi, dit-il sur un ton méfiant, j’ai hâte de savoir ce que tu sais d’autres. Miysis, enfin le nomarque Miysis, reprend-il sarcastiquement, a eu la bonté de me faire venir à sa place et maintenant je comprends un peu mieux.
— Les marques que je vois sur tes bras c’est… quelqu’un t’a agressé dans la rue! s’écrie-t-elle presque excitée, qui était-ce? comment les as-tu tués? Ont-ils imploré ta pitié?
— Du calme, chuchote Shedet contrarié, je n’ai rien fait. Votre bon général est apparu comme par magie et m’a sauvé, d’ailleurs il m’a bien plus terrifié que ces Kushites. Est-il aussi féroce qu’il en a l’air?
— Non, cela est dû aux récents évènements, dit-elle d’une voix plus posée, le pauvre homme a perdu son frère l’ancien général Kama et la prêtresse en quelques heures. Moi aussi à sa place je serai furieuse.
La partie est plus compliquée que prévue, la demoiselle se débrouille bien. Le positionnement stratégiques des pièces est si délicat que cela lui fait penser aux nombreuses parties qu’il disputait autrefois. Depuis tout petit, Shedet avait appris ce jeu grâce à son grand-père qui, étant assez enfantin, ne le laissait jamais gagner. Le niveau de jeu du déchu est assez bon pour avoir essuyé peu de défaite durant ses nombreuses parties avec des citoyens. Néanmoins ses pensées sont sabotées par la conversation.
— Et donc jeune scribe, comment trouves-tu Kush?
— Assez violente mais bon, ce nome n’est pas réputé pour son côté touristique. J’aimerai bien rencontrer le vice-roi, les rumeurs prétendent qu’il cache son visage sous un masque d’or.
— Son nom tout le monde le connait mais plus son visage. Certains disent que c’est un imposteur mais j’en doute fort, d’autres prétendent qu’il n’a plus rien d’humain, qu’une maladie le ronge mais cela aussi semble faux. Pourquoi, tu veux l’assassiner?
— Quelle idée stupide, c’est un prince et donc il me surpasse physiquement. Peut-être que je pourrai entrer à son service et gravir les échelons.
— Après ton parcours chaotique avec les Sittiu je t’aurai pensé moins… orgueilleux mais bon je t’apprécie.
— Quel est l’enjeu de cette partie? Je te préviens je n’ai aucun objet de valeur sur moi.
— Je joue simplement pour m’amuser, répond-elle nonchalamment en prenant un pion de Shedet. Ces histoires de contrat et le fait que la cité va sans doute subir une énième sédition me terrifie un peu.
La main de Shedet se stoppe dans son mouvement, ce mot sédition a été trop souvent prononcé dans la journée.
— Je savais que Kush est victime de nombreuses séditions mais celle-là me parait plus grave que les autres. Ai-je raison de croire qu’un cataclysme se prépare?
— D’après ce que je sais l’eau risque de disparaître de la cité pendant au moins deux autres jours. Donc oui tu devrais rester sur tes gardes. Tu ne trouve pas cela étrange? Depuis que cet espion romain est mort le royaume commence à bouger.
Entendre le mot romain tord l’estomac de Shedet, il se souvient de son visage blafard et de son bras fraichement amputé. Toutefois le plus terrible reste Iouferséneb, un autre espion dont même les dieux ne sont pas au courant de son existence.
— Le romain est mort, tué par le puissant medjay Odion, affirme Shedet en déplaçant un autre pion. Le royaume va sans doute subir des désagréments comme toujours. Ensuite tout reviendra à la normal.
— Oh, dit-elle charmée en posant un pion, en voilà des paroles confiantes. Pour ma part je pense que ses désagréments ne sont qu’un début. J’ai entendu dire qu’une sorte de maladie s’attaque aux plantes et aux être vivants. Nos soucis ne vont que s’empirer, je parie qu’une révolte s’abattra sur le royaume un peu comme dans mon cauchemar.
— Par Thot, comment une femme aussi joyeuse peut être aussi pessimiste? Le royaume s’est bâtit et construit sur tant de malheurs qu’il m’est difficile de les imaginer en voyant l’âge d’or que nous connaissons. Ce n’est pas une maladie venue d’ailleurs qui aura raison de nous.
— Si tu le dis en tout cas je ne suis pas pessimiste mais réaliste. Cette histoire à l’hôtel Ouas ne cesse de me harceler, comment des étrangers ont-ils pu se retrouver chez nous et à Memphis qui plus est?
— L’hôtel Ouas? bégaye Shedet en cessant de jouer, je croyais que les romains étaient venu à Ouaset? Les sourcils de la demoiselle se froncent d’inquiétude, elle déclare toute abasourdit:
— Les romains? Il y en avait qu’un seul dans cet hôtel enfin un qui s’est échappé d’après les rapports du medjay Odion. D’ailleurs tout le monde est au courant même si des zones d’ombres subsistent. Mais à t’entendre tu as l’air d’en savoir beaucoup, ajoute-t-elle d’un regard sournois.
« Par tous les dieux, si les gens s’y intéressent je risquerai d’être démasqué! Le medjay Marek me traquera et me torturera cela ne fait aucun doute. Il déteste tant les traîtres qu’il fera de moi un exemple historique. Je commence a avoir envie de vomir ».
— En réalité… j’ai moi aussi beaucoup réfléchit à cette affaire. Ce ne sont là que des hypothèses… je me rapproche de la victoire!
L’attitude joviale de la demoiselle disparait au profit d’un agacement palpable, surtout lorsqu’elle détruit le bout d’un de ces pions avec une pression de ces doigts.
— Bon tu joues! s’impatiente la demoiselle, je ne pensais pas que tu te débrouillerais si bien surtout avant de rencontrer père. Oui le trésorier Taharqa est mon père, affirme-t-elle en voyant le déchu paniquer, comment crois-tu que je puisse tourmenter ces clients en toute impunité. Je me souviens que le nomarque Miysis avait coincé l’exploseur de temple, je suis certaine que c’est grâce à toi.
— Non c’est bien le nomarque, soupir Shedet commençant à perdre l’avantage, mais c’est de l’histoire ancienne.
— Et maintenant il t’envoie à Kush pour le sale boulot, dit la joueuse en ramassant un pion, soit Miysis te déteste soit il a grande confiance en toi.
— Je n’en sais rien et je m’en fiche, répond Shedet sur un ton sec, je récolterai quelques bénéfices au passage.
— Apparemment la fameuse hyène que tu as rencontré serait à Kush, dit-elle en observant la réaction la déchu.
La main de Shedet se crispe mais il contient sa peur en poursuivant le jeu.
— C’est ce que j’avais entendu mais je n’ai pas peur de lui et de toute manière vu sa physionomie il doit être mort.
— Je ne te crois pas menteur, tu es terrifié et cela se voit. Désolé mais j’ai menti, en réalité personne ne l’a vu dans la cité. Soit il est mort comme tu le dis soit il se cache dans les montagnes.
— Tu es quand même bien renseigné pour une jeune femme qui passe son temps à jouer; elle le regarde d’un air pantois surtout en voyant que le déchu prend de nouveau l’avantage. Je suis certain que beaucoup on déjà cette affaire, l’exploseur de temple est mort désormais et tout ce qu’il a fait n’a servit à rien.
La partie est sur le point de conclure et Shedet garde à nouveau l’avantage.
— Impressionnant, dit la joueuse, non seulement tu ne tombes pas dans mes pièges mais tu restes assez lucide pour poursuivre cette conversation. Tu as raison je m’intéresse aux affaires étranges, l’ennui est terrible à Kush vu que je ne peux pas sortir. La dernière fois remonte à trois mois, une brute a essayé de me trancher la gorge. Ah, grogne-t-elle, comment fais-tu pour me contrer?
Tout à coup la porte s’ouvre laissant échapper le scribe Dedefhor, cette fois l’air moins exténué. En revanche Shedet remarque qu’il n’emprunte pas la sortie.
— Hé! interpelle impatiemment la fille du trésorier, je t’ai posée une question.
— Quand on travaille dans les chantiers avec ces chiens de Sittiu on apprend très vite à voir les pièges…
— En tout cas jeune ouvrier, ta réaction lorsque j’ai parlé de l’hôtel Ouas m’intrigue. Crois-moi mon instinct me fait pressentir que tu me mens…
— Le scribe Shedet émissaire du nomarque Miysis est appelé, dit l’homme près de la porte d’une voix solennel.
— C’est moi, dit Shedet sur un ton bien soulagé, bon la partie est terminée et comme je suis bon joueur je déclare forfait.
L’annonce ne semble pas réjouir la demoiselle toutefois le déchu a décelé dans son regard une certaine admiration. Un dernier coup d’oeil par-dessus son épaule la dévoile fixant Shedet se rendre chez le fameux trésorier. « L’instinct de cette fille ne la trompe pas mais sans preuve elle ne pourra jamais me relier à cette affaire. Par Thot, si elle a dit vrai au sujet de la hyène je dois rester sur mes gardes ».
Une immense salle se découvre à Shedet. Un haut plafond de quinze mètres laisse la lumière des lunes baigner sur les nombreuses colonnes. Les étoiles offrent une décoration presque divine. Des braséro permettent de créer une atmosphère douce tandis que des lampes solaires imprègnent les plantes aussi vertes que des émeraudes. Au fond se trouve une large terrasse donnant une vue imprenable sur la ville tel un mirador prêt à abattre toute cible importune. Le quartier Thot laisse échapper une fumée noire sans que cela n’inquiète le célèbre trésorier. Taharqa se dévoile penché sur la table à ranger des papyrus électronique et faire de la place pour son invité. L’homme est grand de deux mètres dix environ et de corpulence moyenne et les épaules carrées, Shedet pense que sa toge vert foncé cache une certaine musculature. Son visage est mince presque émacié avec une peau noire. Sa tête est couverte par un chapeau blanc brodé d’or. Avant même que Shedet ne puisse prononcer un mot son hôte déclare tout souriant:
— Alors c’est toi le déchu de Miysis? Je ne pensais pas qu’il allait te nommer pour le représenter… quoi que non en fait c’est assez logique, finit-il par rire.
— Content de savoir que je suis connu, inutile de te dire que je suis complètement perdu dans cette affaire. Miysis ne m’a donné que des cadeaux que je vous ai délivré avant de venir.
— Ne t’en fais pas, soupire Taharqa en sortant une série de papyrus holographique, je vais te guider afin que la séance soit aussi courte que possible. Ça te va? demande-t-il en le fixant droit dans les yeux. Shedet ne répond que par un hochement de tête, étrangement il ne ressent rien, ni peur ni stress, l’altercation avec la bibliothèque lui fut bien plus pénible. « Alors c’est ça la vie d’un trésorier. J’ai toujours ce rêve en tête, d’occuper un poste aussi élevé mais pas à Kush. Et dire que le père de Neith fait partie de ce milieu ». Un sursaut le frappa aussitôt, s’il est là c’est aussi en quête d’information sur le père de Neith et même si cela lui importe peu il compte bien le savoir afin de partir avec elle. Le trésorier lui déploie un contrat gravé en lettre jaune.
— Voici un contrat sur la vente d’or, nos stocks à Kush sont très élevés cette année ce qui se répercute sur le prix comme tu peux le voir. Le nome de Bast a toujours besoin de grosse quantité pour ses constructions. J’espère que le nomarque et surtout sa majesté le prince Hor sera satisfait de cette nouvelle.
— Quatre cents tonnes! s’ébahit Shedet, cela m’a l’air convenable pour deux ans.
Il signe à l’aide d’un sceau que Miysis lui a donné, une sorte de pendentif en or et argent dont le plat possède un relief à l’effigie de la déesse Bastet. Une tête de chat de profil avec un sistre en arrière plan. Une fois placé sur l’hologramme le sceau s’illumine et le dessin se forme sur le papyrus. Taharqa le repli et en ressort un autre, cette fois sur la quantité d’argent, quinze tonnes. L’exercice se poursuit inlassablement sur des contrats que Shedet signe sans même savoir si ce qu’il fait est juste. « Miysis ne m’a rien dit sur ce que je devais réellement faire. La tâche qu’il m’a donné doit être aussi facile que cela sinon il ne m’aurait pas désigné à moins que je soit ici pour une raison plus terrifiante. En tout cas Taharqa n’a pas l’air fourbe, un type intègre surtout pour un tel poste ».
Après un long silence entrecoupé de bruit de papyrus déployé et rangé Shedet se lance.
— Cela fait longtemps que vous êtes trésorier? Votre nom revenait souvent lorsque je me préparait à
devenir scribe, même si mon destin en fut autrement, grommelle Shedet.
— Trente ans je crois, oui trente deux pour exacte. Normalement j’aurai dû me retrouver scribe pour un nomarque, mort depuis des lustres mais il en fut autrement, dit-il sur un ton sarcastique. Le vice-roi avait besoin d’un homme loyal et dont le trône n’avait aucune emprise. Sans lui et les dieux je pense que j’aurai tôt ou tard jeté l’éponge.
— Le vice-roi doit être un homme admirable surtout lorsque je pense à ces rumeurs sordides autour de Kush. Les crimes sont légions et j’en ai eu quelques exemple.
— J’en suis navré, dit le trésorier sur un ton plein d’empathie. Néanmoins je doute que de petites mésaventure furent aussi graves que celles que tu as subis à Bast?
— Pour être franc, dit Shedet en sirotant le verre d’eau à ses côtés, je ne comprends toujours pas comment je peux être encore en vie après tout ce qui m’est arrivé. Les Sittiu sont impitoyables et les mauvaises rencontres ont bien failli avoir raison de moi.
— Les dieux n’en n’ont pas finis avec toi je pense mais leurs volontés me dépassent cruellement. Nous avons presque finis, informe Taharqa tout souriant.
Un dernier contrat au sujet du bois de cèdre termine cette courte séance ponctué de cri provenant du quartier Thot.
— Dîtes-moi, on m’a prévenu ou plutôt j’ai entendu, que le trésorier de Memphis est ici? Puis-je le rencontrer?
A ce nom Taharqa sursaute comme si Shedet venait de gravement l’insulter. Son regard paisible se change en celui d’un prédateur prêt à bondir sur sa proie. Taharqa se redresse et d’une voix sec demande:
— Pourquoi une telle requête?
— Et bien… je l’avoue j’ai suivit d’un oeil très sérieux cette affaire avec la fille du trésorier. Neith je crois, apparemment elle aurait tué sa famille. Les rumeurs prétendent que son père est ici, le pauvre je n’ose imaginer les tourments qu’il endure.
— J’en doute fortement puisqu’il est mort, déclare Taharqa sur un ton âpre.
La nouvelle fige Shedet sur place, difficile d’y croire tant la réponse fut sans détour. Le déchu attend quelques secondes en silence dans l’espoir d’entendre son hôte affirmer qu’il blague. Toutefois son sérieux ne disparait pas de son regard sévère bien similaire à celui de sa fille, il ajoute ensuite:
— Les rumeurs étaient fondées sur sa présence à Kush toutefois un Kushite l’a assassiné alors qu’il établissait un contrôle des impôts dans un village. Celui de Mérytamon si ma mémoire ne me fait pas défaut. Cette nouvelle semble te contrarier?
— Un peu, répond Shedet tout remué, je souhaitais le rencontrer mais comme vous l’avez dit les dieux ont une volonté qui nous dépasse quelquefois. Par Thot, mourir de cette manière.
— Voilà le sort réservé aux voleurs, grogne Taharqa, il aurait dû devenir maître de la maison d’or mais le destin en a voulu autrement, ajoute-t-il sur un ton sarcastique.
Taharqa range le dernier papyrus puis semble en chercher un autre. « Comment vais-je l’annoncer à Neith, cela va lui fendre le coeur quelle que soit la manière. Par tous les dieux elle m’a semblé si déterminé qu’elle endure sans broncher toutes ces épreuves. Je dois le lui cacher, non! En réalité je ne sais pas quoi faire, j’aviserai sur le moment ». Un dernier papyrus est placé en face de lui, une commande personnelle d’après ce que lit brièvement Shedet.
— Du lotus noir? s’écrie Shedet, vous ne vous seriez pas trompé.
Cette fois le trésorier change d’expression pour de la panique, en un coin d’oeil il enroule le papyrus et le range comme s’il avait commit une grave erreur.
— Oublie ce que tu as vu jeune scribe, effectivement je me suis trompé de commande. La fatigue me ronge ces temps-ci surtout à cause de la réunion avec le vice-roi.
— Très bien, je peux partir maintenant?
— Oui mais tu vas devoir dormir ici cette nuit. Le général ordonne un couvre-feu exceptionnel, les rues ne sont pas sûr. N’aie crainte tout ce que tu désires tu l’auras, même une chambre individuelle.
La nouvelle ne ravit pas Shedet mais après son altercation dans les rues difficile de vouloir sortir hors de ces murs. « Du lotus noir? songe Shedet en sortant de la salle. Si Miysis en consomme… pourquoi en aurait-il besoin? Sa mémoire le torture à ce point. J’ai peut-être une piste sur ce maudit nomarque ».
A l’intérieur de sa chambre d’invité, le déchu se poste à la fenêtre un morceau de lin en main. Il siffle aussi fort que possible dans l’espoir que Montou le rejoigne. Le faucon, un peu plus gros que la dernière fois surgit quelques instants plus tard à la grande surprise de Shedet. Le morceau de boeuf bien gras de son dîner lui sert de récompense.
— Tient Montou, dit-il en lui donnant la viande, il faut que tu donnes ce message à Neith, ta maîtresse. D’accord? Par Thot, maintenant je me mets à parler aux animaux.
Une fois le morceau de viande engloutit, Montou huit, sans doute par contentement. D’un battement d’aile puissant le rapace s’envole. « J’espère que Neith va bien, je n’ai pas pu le lui écrire mais il faudra quand même que je le lui dise de vive voix. Cette nouvelle va lui briser le coeur ».
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2023.07.27 08:41 Global_Relative_3177 Chapitre 70: La ville-haute

Les rayons de soleil filtrent à travers la chambre de Shedet. Le vacarme assourdissant dans la rue notamment dans la ville-basse avec les charrettes grinçantes et les cris des marchands, empêche le déchu de poursuivre son sommeil. Le coup de grâce fut asséné par une femme Sittiu tractant un chariot:
— De la menthe! Du pain! Du fromage! répète-t-elle en boucle.
Les marchands ambulant beuglent sans cesse le même discours mais à Kush Shedet a beaucoup de mal le supporter. Le tintamarre finit par avoir raison de lui. Shedet se relève, les yeux éblouit par la lumière ainsi que d’une migraine causé par le vin bu avant de dormir. « Quel est ce cirque? pense-t-il en baillant. Même à Bast il n’y a pas autant de bruit dès le matin. Non, j’ai l’impression que c’est bientôt le zénith, déduit-il en regardant par la terrasse. Par Thot, la réunion avec le trésorier est pour ce soir, je souhaitais dormir un peu plus longtemps ». Depuis son lit il peut aussi contempler le port, la zone lui semble très petite avec quelques hangars à barque encerclant la seule voie maritime de Kush. Comme il le craignait, aucune embarcation ni même la plus petite felouque ne parcourt l’étroit canal, personne à part ce qui ressemble à des gardes arpentent l’unique sortie sûr de la cité. De colossales portails ont émergé du canal rendant l’accès impossible à franchir « C’est vrai comment j’ai pu oublier, songe-t-il en se frottant l’oeil, j’irai chercher Neith en attendant. J’espère qu’elle ne compliquera pas la tâche ». D’un bond il se lève puis se rue dans la salle de bain, l’eau peine à sortir du petit robinet plaqué d’or mais finit par s’écouler en un fin filet dans l’évier. Les réveils sont de plus en plus difficile depuis qu’il est devenu scribe, autrefois le déchu sortait de son sommeil bien avant le soleil. « Je me demande s’ils sont toujours en vie les deux cafards qui m’accompagnaient? Je doute qu’ils soient morts notamment l’imposteur romain, avec ces compétences d’espion qui sait ce qu’il fera. Je dois rester concentré et chercher des indices sur ma perle et ce texte que le frère de Neith a écrit. La cité de Kush doit bien avoir quelqu’un capable de répondre à mes questions ». Le sommeil le gagne à nouveau, se recoucher ou poursuivre son objectif, difficile de faire le bon choix. Le soleil lui remémore ce temps où il était déchu, se lever de bonne heure le corps endolori, l’inquiétude de savoir s’il rentrera le soir-même. Aujourd’hui il a presque perdu son endurance mais pas assez pour flancher à la moindre adversité.
Au rez-de-chaussé de l’hôtel Shedet passe devant le concierge, un homme respectable.
— Messire, souhaiteriez-vous un repas complet. Nos tables sont libres.
— Non je n’ai pas faim. Au fait tu travailles bien pour Baltasar, un ministre de Kush je crois?
— Tous les établissement hôteliers de la ville lui appartiennent cependant je dois vous prévenir qu’en ce
moment il est très pris par son travail…
— Je recherche une femme, une Égyptienne récemment achetée par ton chef. Est-elle ici?
— Pas à ma connaissance, répond le concierge après quelques instants de réflexion, essayez le
restaurant à la villa. C’est au quartier Horus un peu plus haut. Que les dieux vous protègent, ajoute-t-il presque inquiet.
Le déchu sortit de l’établissement en direction de l’Est d’après les indications du gérant de l’hôtel. Les rues sont occupés par des marchands, citoyens Kushites et quelques Égyptiens. Shedet effectue un regard circulaire avant de s’engager sur la voie, un étrange sentiment le fait frissonner. « Cette sensation… j’ai encore l’impression que l’on m’observe. Depuis que je suis arrivé j’entends des murmures ou plutôt ce qui ressemble à un bourdonnement quand je suis seul. Sûrement le stress de plus à entendre le gérant je risque ma vie à me promener dans ces rues. Avec un peu de chance je pourrai racheter Neith et fuir au plus vite ». La ville-haute est un peu plus propre néanmoins ses pieds pataugent tantôt dans la boue tantôt dans une bouillie étrange à l’odeur fétide. En temps normal le sol est pavé de dalle mais il semblerait que des voyous en ont enlevé une grande partie. « Même Bast est plus propre qu’ici, la cité de Kush est pire que prévue et j’ai le sentiment que je ne suis pas au bout de mes peines. Je me sens encore observé à chaque fois que je passe devant ces ruelles ». Les artères de la ville sont bondées par les citoyens allant et venant de toutes parts, les carrefours apportent de nouvelles têtes aux visages sévères. Un homme bouscule Shedet pour avoir simplement eu l’audace de le dépasser, un autre le pousse munit de ses deux seaux pleins d’eau. Une femme lui tripote les poches d’un geste presque délicat, si son pied n’avait pas trébuché il aurait perdu ses pendentifs. Des charrettes tractées par des ânes défilent dans les étroites rues causant bouchons et cries de colère de la part de la population. Les bourriques puantes de ces marchands contribuent à la cacophonie avec leurs cris. « Par tous les dieux, j’ai seulement marché cent mètres et je suis déjà bloqué… ». Un cri d’agoni surgit depuis la foule à l’opposé de Shedet. Il est séparé d’un accident par une autre grande charrette dont l’odeur de menthe l’asphyxie. Un âne laissé au pied d’une statue du dieu Horus gémit sur sa gauche rendant la concentration impossible. C’est au tour de plusieurs femmes de s’époumoner alors que Shedet arrive enfin à dépasser la charrette.
— Grande soeur! Pitié répond-moi!
Une adolescente Sittiu secoue le cadavre d’une femme agenouillée et dégoulinante de sang. La pointe de ses longs cheveux d’ébène se colore de sang. La petite fille hurle à en perdre l’usage de ses cordes vocales. « Par Thot, impossible qu’elle soit en vie avec une plaie aussi large dans le dos. Le type qui a fait ça je crois l’avoir vu. Quelle honte. Tuer en pleine rue et en plein jour, ces gens ne sont que des monstres ». Alors que les cris sont annihilés par les pleurs de détresse de la gamine, des gouttelettes noires tâche la robe rouge pâle de la femme devant lui. Shedet lève la tête mais rien ne coule depuis les toits, ce n’est pas la farce d’un gosse comme il le pensait. Soudain il ressent de l’eau couler le long de son torse et de ses pieds, en baissant la tête sa toge est tachetés d’une trainée sombre. « Qu’est ce que c’est? pense-t-il en touchant sa joue dégoulinante, mais ça coule encore de mon oeil de pierre! ». Les deux lavandières Sittiu devant lui discutent de l’affreuse scène:
— C’est sûrement Kur, ça fait des semaines qu’il la harcèle mais elle refusait ses avances, dit l’Égyptienne devant lui.
— Pauvre petite, dit sa voisine à sa gauche, apparemment elle voulait payer un tueur à gages pour s’en débarrasser mais on dirait qu’il l’a devancée.
— Restons sur nos gardes, des ennemis ici il y en a plus que les rats. Ces Kushites n’ont aucun scrupule à tuer en plein jour.
Les larmes ne cessent de couler à hauteur d’une goutte toutes les cinq secondes et le rythme augmente. Les passants autour le regarde d’un air méprisable sans doute à cause de ses bousculades ou des larmes noires qu’il ne cesse de répandre. A chaque fois que Shedet essuie sa joue gauche celle-ci se salie de nouveau, sa main est couverte de cette substance étrange même en fermant la paupières rien n’y fait. « Par tous les dieux! Il faut que je m’extirpe de cette foule pour vérifier ce qui ne va pas avec mon oeil ». Par chance en quelques mètres il atteint une ruelle sombre qui le soustrait de l’agitation. Le flot de personnes se poursuit telle une marée tandis que le déchu s’énuclée dans cette ruelle puant l’urine et les fruits pourris. En enlevant son oeil un flot de cette matière noire s’éparpille sur le sol comme si quelqu’un l’avait poignardé. « Par Thot, j’avais raison, je ne peux pas retirer la perle mais le même liquide transpire à travers le trou. Est-ce de la magie? Le liquide est bien noir je ne rêve pas pourtant la consistance est similaire à l’eau ». Des pleurs de femme le firent sursauter, des lamentations touchantes provenant du fin fond de la ruelle.
— Femme? Es-tu en danger? demande-t-il timidement. Femme?
Impossible de voir plus loin, Shedet conserve l’oeil dans sa main dont le liquide suinte entre ses doigts. Ses pas sont lents mais les pleurs sont plus fort à mesure qu’il s’approche. Le son de la foule derrière lui s’amenuise jusqu’à disparaître. Shedet se tient debout, au milieu d’une obscurité terrifiante accompagné des sanglots de cette femme. « Cela me rappelle ce que j’ai entendu dans la pyramide. La voix semble quasiment identique ».
— Femme, où es-tu?
Seuls des sanglots mélancolique lui répondent néanmoins une silhouette se détache de l’obscurité, une forme ronde comme si une femme se tenait accroupi sur le sol. Impossible de la voir en détail, elle pleure à chaudes larmes les mains sur le visage.
— Mademoiselle? Par Thot, que vous arrive-t-il? Hé! hurle Shedet à la foule, une femme a besoin d’aide!
Alors que Shedet s’apprêtait à la toucher un frisson lui parcourt l’échine, une sensation froide chauffant jusqu’à en devenir douloureux.
Courbé et les yeux plongés dans le vide avec la main tendue devant lui, l’ambiance électrique de la foule comble à nouveau l’atmosphère. « Où est-elle? Mais je n’ai pas bougé! il observe sa main gauche puis tâte son oeil de pierre. Je ne comprends plus rien, il est toujours en place et mes vêtements sont propres. J’ai seulement une petite trainée noire sur ma toge ». Shedet s’avance jusqu’à atteindre la ruelle mais un petit mur bloque son avancé. Impossible de voir l’autre côté et seul des détritus jonchent le sol. Aucune présence féminine ni de pleure, seulement des rats et des cafards fuyant la zone. « Ai-je fait un rêve éveillé? Cela ne m’était jamais arrivé et c’est totalement différent de l’hypnose. Serait-ce mes larmes noires qui ont déclenché cette… épisode étrange? Cette perle commence vraiment à me rendre fou ».
La grande villa du ministre Baltasar apparait devant Shedet, une demeure vaste, bien moins que le palais de Miysis mais assez pour loger facilement une centaine de personnes. Le balcon principal est tourné en direction du soleil matinal ce qui donne une impression de villa rouge. Des palmiers surgissent des remparts en brique cramoisie et d’un côté du mur il est possible d’apercevoir le jardin au travers de petits piliers papyriformes. Une grille de fer empêche le petit être de pénétrer dans cette demeure. Au milieu du gazon vert se trouve un large étang artificiel, un jardinier Sittiu est à moitié embourbé dans l’eau. Munit d’un sécateur il cherche de l’autre main une fleur de lotus aux reflets bleuté. Malgré sa taille il n’effectue que de petites vaguelettes, tous ces gestes sont lents et fluides.
— Hé le jardinier! appelle Shedet derrière la grille de fer noir, connais-tu bien les lieux?
Le jardinier s’arrête dans sa besogne et l’observe minutieusement d’un regard torve, avant de répondre il effectue un signe de tête.
— Oui messire je travaille ici, je connais bien les lieux si tu souhaites un renseignement.
— Je recherche; le déchu observe les deux côtés de peur que quelqu’un l’espionne puis il poursuit en chuchotant, je recherche une Égyptienne récemment venue. Grande, avec des formes généreuses et un caractère de cochon. Elle… sa coiffure est toujours soigné avec un bijou en or mais non suis-je bête elle n’a plus d’or.
— Vous voulez sans doute parler de la pisseuse, vous venez de la rater mais vous la trouverez au restaurant là-bas, désigne-t-il l’autre côté de la rue avec son sécateur.
« La pisseuse? Qu’est ce qu’elle a bien pu faire depuis son arrivé? ». Shedet sort de sa poche une pièce d’or, monnaie de la cité, ainsi qu’un petit galet d’opale qu’il place discrètement dans la main du jardinier. Aucune réaction ne se dessine sur le visage épuisé du jardinier.
— Si j’ai besoin de toi à nouveau je peux compter sur toi?
Un hochement signe la fin de la conversation, Shedet parcourt la rue adjacente et poursuit au milieu de citoyens et marchands passant en charrette. « C’est assez grand, ce Baltasar a vraiment le sens des affaires. J’espère que je n’aurai pas à chercher cette pisseuse très longtemps ». Le restaurant accueille de plus en plus de clients. Un doux fumet de pain flotte dans l’air mêlée à celle de poisson et de viande. L’entrée est cernée par deux statues du dieu Horus toutefois celle de gauche est en cours de réparation. Deux Kushites l’un jeune, tenant une échelle en bois, et l’autre, plus vieux avec un seau de ciment, se dépêche de recoller le bras de la divinité. « Le nez vient aussi d’être remis à sa place, c’est bien la première fois que je vois autant de statue profanée en si peu de temps. Cela me peine mais je suis ravi que ces rats les répare ». Dans la salle, visible depuis l’extérieur, Shedet aperçoit enfin Neith, vêtue en robe de lin blanche avec un une tiare dans les cheveux. La demoiselle sert les clients non sans exprimer son mécontentement par une mâchoire serrée. Le déchu pénètre dans la pièce et se fait aussitôt intercepter par la responsable. La même femme qui lui vola Neith aux enchères. Méséhet se force à lui sourire surtout après qu’elle ait vu le pendentif étincelant de Miysis au cou de Shedet.
— Quelle joie de rencontrer l’émissaire du nomarque Miysis, dit la mégère en feignant de ne pas le reconnaître. J’espère qu’il va bien et que son absence n’est en aucun cas lié à une maladie?
— Ne vous inquiétez pas Miysis est en pleine forme, son emploi du temps est encore très chargé.
« Je pense surtout qu’il se doutait qu’un blocus allait se faire, maudit Miysis. Néanmoins autant que je profite de ces privilèges. Cette femme me lèche les pieds alors je vais essayer de la soudoyer ». Alors qu’il se fait empoigner au bras pour s’asseoir sur une belle chaise, la mégère lui demande sur un ton mielleux:
— Demandez ce que vous voulez et nous l’apporterons. Dois-je vous faire tenir compagnie aussi?
— Apportez l’essentiel pour une longue journée et je voudrai que cette demoiselle me tienne compagnie.
La mégère suit du regard le doigt pointé en direction de Neith faisant tomber une nouvelle fois un verre plein de bière.
— La… Méséhet se retint de justesse avant de reprendre. Neith viens ici! ordonne-t-elle en frappant ces mains. Ce sera tout messire?
Le regard de la demoiselle changea aussitôt en voyant Shedet, passant d’un front plissé à un soulagement.
— Oui enfin pas vraiment une fois mon repas terminé je voudrai discuter affaire.
D’un hochement de tête accompagné d’un sourire presque douloureux, elle se retire en cuisine.
— Tu en as mis du temps, chuchote Neith en déposant son plateau, j’ai cru que tu ne viendrais pas.
— Si tu avais tenu ta langue lors de la vente tu serais à Bast. Ce n’est pas très grave maintenant que je t’ai retrouvé.
Neith orienta son regard ailleurs, peinée par cette réponse néanmoins son soulagement se ressent dans sa voix tremblante. Avec un éventail elle aère le côté droit du visage du déchu attendant que les serveuses et des oreilles indiscrètes s’éloignent.
— Ecoute Neith j’ai encore une grosse somme d’argent pour acheter ta libération, il faut que tu me garantisse que cette… cette mégère je n’ai pas d’autres mots, soit corruptible. Une fois le blocus levé nous rentrerons à Kush.
— Je ne veux pas rentrer tout de suite, dit-elle d’une voix tremblante; Shedet fronce des sourcils. Je dois savoir où se trouve mon père, il est ici et il ne doit pas savoir ce qui est arrivé à ma famille sinon je sais qu’il aurait couru à mon secours. Enfin je le pense, marmonne-t-elle.
— Par Thot, je savais que tu allais me compliquer la tâche. Ecoute j’ai rendez-vous dans quelques heures avec le trésorier, Taharqa je crois que c’est son nom…
— Je t’en prie aide-moi! supplie-t-elle subitement à genou en lui tenant la main, trouve-le à la trésorerie ou alors cherche des informations sur ce qui lui arrive.
— D’accord mais relève-toi, panique Shedet, tu attires l’attention! Je vais le faire mais je ne te promets rien.
La conversation coupe en laissant place à un silence pesant. La mégère apparait accompagné de deux demoiselles Sittiu au sourire soigné et les bras chargés de plats succulent. Shedet est asphyxié par ces odeurs sucrées salées, il observe Neith dont les lèvres tremblantes lui indiquent une furieuse envie de fondre en larmes.
— Ce sera tout messire?
— Que les dieux vous bénissent, c’est parfait et n’oubliez pas que je souhaite m’entretenir avec vous une fois mon repas achevé.
Shedet débute par les gâteaux aux miels néanmoins sa main se fige, les souvenirs de ce jour tragique à l’hôtel Ouas lui revinrent à l’esprit. Il détourne son choix vers un succulent assortiment de datte.
— De quoi veux-tu lui parler Shedet? Elle ne t’écoutera pas, elle feint sa joie de te voir.
— Je sais très bien, je vais lui demander de te vendre et d’empocher à elle seule la récompense. J’ai bien vu qu’elle te déteste mais elle hait encore plus ce travail.
— Choisit bien tes mots alors, cette femme a un sale caractère.
Shedet tourna la tête pour dévorer le pain fumant, une fois la bouchée achevé il s’élança:
— Je vais finir mon repas, t’acheter à cette femme grossière et nous quitterons la cité de Kush. Si tu ne veux pas tant pis pour toi mais moi je rentre…
— Tu n’es pas au courant au sujet du blocus? informe-t-elle souriante, impossible de partir.
— Mais il doit bien exister une dérogation? la demoiselle le contredit avec un sourire de contentement, bon d’accord. Par tous les dieux, je vais voir ce que le trésorier a à me dire ensuite…
— Non, l’interrompt-elle en attirant l’attention, je sais qui tu peux aller voir! La bibliothèque. Il aura forcément les réponses que tu cherches.
Shedet soupir en reprenant son repas commençant à refroidir. Le plat de viande se couvre de sable à cause de l’agitation extérieur. « Cette femme va me faire tuer je le sens, mais bon je trouverai bien un papyrus pour déchiffrer le message découvert dans la pyramide. Ce maudit blocus va me gâcher ce séjour ». Il se décoince le morceau de fromage agglutiné à sa gorge par un verre de bière et reprend:
— Où se trouve cette bibliothèque?
— Chut pas si fort! chuchote-t-elle en lui servant un morceau dans la bouche, tu iras en cachette car il appartient au maître.
— Tu veux dire elle, c’est une bibliothèque. Si je peux trouver quelques réponses pourquoi pas, la réunion avec le trésorier est pour ce soir.
Neith fait mine de servir le déchu lorsque la mégère l’observe de loin. La présence de Shedet semble l’émoustiller surtout depuis qu’il a demandé à voir Neith. « Je me sens toujours observé, une présence maléfique rôde ici ou dans cette ville je n’arrive pas à le dire précisément. Dois-je lui parler de Iouferséneb avant de partir? Je risque de l’alarmer et peut-être sans raison mais si jamais elle le croise ce romain risquerait de la torturer ». Méséhet apparaît dans son angle mort le faisant un peu sursauter avec sa voix désagréable:
— J’espère que la nourriture a été bonne messire ainsi que la compagnie de cette demoiselle, ajoute-t- elle avec un regard acéré sur Neith. S’il vous faut autre chose je vous l’apporte tout de suite…
— A propos de cette affaire dont je veux vous parler, dit Shedet en s’essuyant la bouche, je veux acheter cette demoiselle et je la veux maintenant.
— Je suis très embarrassée messire, malheureusement la ministre Inanna veut l’acheter donc je ne puis accéder à votre demande…
— Tu te fiches de moi, répond Shedet comprenant parfaitement son petit jeu, saches que je suis l’envoyé du nomarque Miysis, ses coffres débordent de richesse. Je vous en offre le double exempt de taxe et d’impôt, chuchote-t-il.
Il sort de sa toge une bourse pleine de diamant et de pierre précieuse, le tissu semble vouloir céder à chaque instant. La peau brune de la mégère se mit à rougir comme un fruit mûr, apparemment c’est un signe que son enthousiasme est à son paroxysme. Neith fronce des sourcils, lorsque tout se passe comme prévu son anxiété refait surface.
— Il va me falloir quelques jours pour préparer son départ, informe la mégère d’un ton mielleux.
— Je vous propose mieux, dit Shedet en attrapant le bras de Neith, je l’achète et je l’emmène avec moi…
— Non! crie la mégère en tirant Neith à son tour. Je veux dire, reprend-elle d’une voix mielleuse, elle appartient toujours au maître. S’il s’aperçoit de sa disparition elle se fera tuer au port pour évasion. Shedet observe Neith droit dans les yeux puis déclare:
— Bon je vous laisse deux jours pas plus, une fois ce blocus rompu je quitte Kush, prête ou pas je l’embarquerai.
Le sourire de la mégère disparait lorsque le déchu lui reprend la bourse pleine de pierre précieuses. « Je pensais que Neith faisait la misère à cette femme j’ai plutôt l’impression qu’elle a trouvé plus forte qu’elle à ce jeu. Espérons qu’elle a raison, que cette bibliothèque puisse me donner les papyrus nécessaire à la traduction de mon texte. Peut-être aurai-je quelques informations au sujet d’un rituel de sang ».
— D’ici là, reprend Shedet en se levant, je vous interdit de l’abîmer et de lui faire mal. La moindre blessure ou hématome sur son magnifique corps fera baisser la récompense.
Incapable de parler tant la joie la submerge, la mégère acquiesce avant de rejoindre d’autres clients.
— Neith, chuchote le déchu, emmène-moi voir cette fameuse bibliothèque.
Personne n’est présent, les escaliers sont gravis au pas de course. Le couple arrive au couloir menant à la bibliothèque, par chance tous les serviteurs sont à l’extérieur de la villa. Shedet est excité à l’idée de découvrir les réponses à ses questions. Neith quand à elle tremble mais il n’a pas l’impression que c’est dû à la peur.
— Au fait Montou va bien, en réalité il a grossi et est un peu lourd. Tu es vraiment certaine que tu ne veux plus le garder?
— Oui je te le donne, grogne-t-elle, cet animal ne m’aime pas et il me rappelle tant de tragédie. A chaque fois qu’il me rend visite de sombres nouvelles l’accompagnent.
— Tu exagères, rétorque le déchu, ce n’est qu’un faucon comme tous les autres. Reste en sa compagnie et tu l’apprécieras autant que moi. Par Thot, dit-il une fois les escaliers achevés, quelle est cette odeur?
— Le déjeuner de la bibliothèque, tu as de la chance il semble avoir terminé.
— On dirait surtout que ta bibliothèque sert de salle de fête, dit le déchu en entendant un vacarme derrière la porte. Combien de personne son présentes?
— Une seule.
— Mais il va me dénoncer! chuchote Shedet en s’arrêtant, si jamais on apprend que je suis là on risque de me prendre pour un espion ou pire un voleur.
— Si tu satisfais sa curiosité il ne fera rien, affirme Neith en le tirant par le bras, je t’en prie essaye de savoir où se trouve mon père.
En poussant la porte le regard de Shedet se fige tant le spectacle lui parait ahurissant. La bibliothèque est un homme, un homme aussi imposant que le sphinx près de son oasis. Ses bras, assez court pour sa corpulence, achemine des plats qu’il engloutit avec un son familier pour le déchu. « Un hippopotame a plus de manière lorsqu’il mange, comment cet homme a-t-il pu devenir aussi imposant? Par Thot, dans quel chaos Neith m’a-t-elle entrainé? ». Neith est toujours à l’arrière, attendant avec impatience que la conversation débute. La bibliothèque n’a rien remarqué ou alors fait semblant. « Si elle reste je ne pourrai rien lui cacher, par Thot, comment faire? ».
— Je m’en occupe, tu peux partir Neith.
— Non je dois savoir où est mon père et si possible qui a ordonné la chute de ma famille.
Soudain un cri difforme prononce le prénom de Neith depuis la cuisine, cette dernière soupire et déclare:
— Par Isis, pourquoi cette garce ne me laisse jamais tranquille? Essaye de trouver des informations je t’en conjure.
Elle ferme la porte sans attendre de réponse de Shedet qui se retrouve désormais seul avec cette chose. Un rot tonitruant fait reculer le déchu contre la porte.
— Ces oies aux miels sont d’un délice exquis, dit la bibliothèque en se léchant ses doigts boudinés un à un, alors à qui ai-je l’honneur? Le mari de la jeune trésorière?
— Non, répond Shedet toujours collé contre la porte, je suis venu en quête de réponse. Par Thot, es-tu vraiment aussi intelligent que Neith le prétend?
— Le plus intelligent du royaume, corrige-t-il en se tournant sur le côté pour lui faire face. Que puis-je faire pour toi?
— Le plus intelligent est le prince Thot, marmonne Shedet avant de reprendre, Neith m’a dit que tu savais qui a destitué sa famille et où se trouve son père…
— Je t’ai demandé ce que toi tu souhaitais le déchu.
Shedet sursaute, depuis son arrivé à Kush il cache sa marque sous un pansement. Les seuls personne au courant seraient les scribes au port mais avec de l’influence, et de l’argent, il est facile de se procurer les informations désirées. Shedet n’attend pas et présente à la bibliothèque le bout de tissu sur lequel est inscrit le texte du temple abandonné. L’oeil de la bibliothèque devint plus aiguisé, sa curiosité est alimentée.
— Avec Neith nous nous sommes rendus dans une pyramide oubliée mais il s’est révélé que ce n’était qu’un ancien temple. Le sable du pôle Nord l’a recouverte et fais oublier de tous. J’ai trouvé ce message gravé sur un mur dans cette langue morte.
La bibliothèque tentait de l’attraper avec ces gros doigts comme un enfant mais Shedet le garde en espérant que sa curiosité lui donne l’avantage.
— Je te donnerai les informations que tu souhaites! halète la bibliothèque en essayant d’attraper le déchu, fais moi voir ton bout de tissu.
Une fois à portée il arrache des mains le texte et le lit avec une expression semblable à quelqu’un ayant découvert un trésor. Ses petits yeux noirs pétillent devant ce minuscule texte qu’il étend en le pinçant avec deux doigts. Après quelques instants de silence et d’impatience pour Shedet, le soi-disant génie répond:
— Tu te fiches de moi? Est-ce une blague? Non tu n’aurais pas fais tout ce trajet pour une mauvaise blague, dit-il en relisant à nouveau le texte.
— Je ne comprends pas, si tu n’y arrives pas inutile de reposer la faute sur moi…
— A celui ou ceux qui liront ce message, sachez que ma colère va s’abattre sur vous, ma vengeance entrainera un flot de conséquence qui décimera ce maudit royaume. Je serai probablement loin d’ici ou peut-être mort mais cela vaut mieux que de vivre aux côtés de misérable sans coeur. Que les malédictions et les pires ennemis qui soient vous détruisent tous. Que le fléau vous décime.
Shedet en reste pantois, sa gorge s’assèche et son coeur bat anormalement vite. « Le frère de Neith aurait vraiment écrit cela? D’après elle c’était un homme secret et timide mais pourquoi graver un tel texte plein de haine? En tout cas cela correspond bien à ce que j’ai vu dans ce bassin plein de sang mais aussi à l’hôtel. Sale traître… ».
— Qui à écrit ça! demande prestement la bibliothèque.
— Je ne sais pas maintenant dis-moi…
— Cette langue est complètement oubliée, interrompt la bibliothèque, très peu peuvent la lire donc c’est forcément un noble de haut rang. Je doute qu’un membre de la famille royale fasse une telle chose, marmonne-t-il. Comme tu es l’ami ou l’amant de cette jeune Neith, tu dois savoir quelque chose au sujet de son traitre de frère. Sais-tu ce qui est arrivé à l’hôtel Ouas
Shedet frissonne mais garde le silence.
— Tu sais davantage de chose sale déchu, a quel point es-tu impliqué dans cette histoire? demande l’obèse en agitant le tissu. Qui est le traître qui a écrit ce tissu et qu’a-t-il fait ensuite?
— Je te l’ai dit je n’en sais rien, insiste Shedet, peut-être que tu t’es trompé. Maintenant donne-moi les réponses comme promis.
Le regard du géant devint acéré comme celui d’un prédateur, le grincement de son support ressemble à celui d’une bête dérangé durant son sommeil. Sa graisse ondule et claque sur le sol lorsqu’il essaye de se relever. Shedet recule de quelques pas craignant que l’homme gras ne s’apprête à l’écraser.
— Me tromper moi! Si tu ne me crois pas tu n’as qu’a le donner à d’autres personnes. Ah mais j’y pense il n’y en a pas! Parce que je suis le plus intelligent du royaume.
— Si tu étais si intelligent tu ne serais pas aussi gras, défie Shedet en essayant de ne pas trembler, tu ne peux plus te déplacer hors de cette pièce en cas de danger. Que ferais-tu si j’allumais un feu ici? montre-t-il du doigt les amphores pleines d’huiles.
Etrangement, la bibliothèque se calma, un silence court s’installe avant qu’il ne déclare sur un ton presque enthousiaste:
— Si tu penses que j’en veux à la famille du maître Baltasar tu te trompes. Cette marée de graisse qui m’entoure ou plutôt qui entoure mon formidable cerveau est le prix à payer pour avoir développé cette intelligence. Ils me retenaient sans cesse avec des menottes, des cages, des barreaux et des grilles mais je les contournaient à chaque fois. Un jour le père de Baltasar me fit manger encore et encore jusqu’à ce que mes entraves ne soient trop serrées. Quand je devins incapable de courir plus de dix mètres sans être essoufflé il avait gagné et je respecte cela. La plus grande défaite de ma vie. Néanmoins en contrepartie il me faisait parvenir des papyrus et nouvelle de tout le royaume. Des informations que je mémorise en un instant. J’ai aussi crée un réseau d’espion à travers Kush et bientôt le royaume entier. Maintenant je sers de conseiller pour cet abruti de Baltasar même si je préférerai le voir chuter. Malheureusement ma soif de connaissance est aussi tenace que ma faim, le stress a grandement affaibli mon ancien coeur.
Shedet ne sait pas quoi penser de cette histoire, la vie de cet homme lui importe peu, le message le tracasse davantage. « Dois-je lui parler de ma perle et du rituel étrange dans la pyramide? A-t-il utilisé la perle pour un rite quelconque? Je dois garder secret cette histoire je ne peux pas me fier à cet homme trop curieux et dangereux ».
— Par Thot, je me fiche de ton passé, maintenant dis-moi où se trouve le père de Neith.
— Je ne sais pas, en revanche comme je sais que tu es venu à Kush pour ton nomarque tu pourrais le demander au trésorier Taharqa.
Une idée surgit aussitôt dans l’esprit du déchu, quelque chose qui pourrait lui être utile et le venger de cette condition.
— Dis moi alors quelle est le secret que cache le nomarque Miysis.
La bibliothèque éclate de rire, des postillons de reste de viande, de miette de pain et autres aliments solides que Shedet refuse d’analyser, atteignent le plafond.
— Tous les nomarques ont des secrets, des choses inavouables comme entretenir des liaisons avec des femmes Sittiu et pire que tout enfanter des gosses illégitimes. Néanmoins il y en a d’autres comme Miysis dont le secret semble si incroyable qu’il pourrait le destituer voire le faire exécuter. Celui qui connaitra ce secret pourrait sans nulle doute prendre sa place. N’est-ce pas ce que tu souhaites déchu?
— Je te demande seulement de dire quel est son secret. Si tu ne le sais pas il n’y a pas de honte à être ignorant.
La provocation ne fonctionne pas, la bibliothèque semble vraiment sécher sur ce coup.
— Je te conseille de chercher le passé de ce nomarque qu’il cache si bien. Cet homme à l’apparence coquet et douce cache une partie bien sombre. Un individu impitoyable capable de commettre des atrocités d’après ce que je sais. Sache que je ne rentre pas dans un fureur insondable pour de si petites moqueries déchu. La voie de la connaissance exige de se sentir humble, de s’avouer ignare afin de ne laisser aucune information m’échapper. Ton texte a été écrit par un homme très en colère et j’espère pour toi et ce royaume qu’il est mort.
Shedet en a assez, sans attendre de nouvelles informations il prend la sortie.
— Déchu, interpelle la bibliothèque, je ferai en sorte de connaître ton secret. Tu caches une histoire sombre, digne d’un traitre.
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2023.07.22 08:09 Global_Relative_3177 Chapitre 65: Subterfuge

Les vapeurs des bains calment les demoiselles. Le harem dans lequel Neith pénètre est assez petit, presque insultant. Seul un bassin de dix mètres carré est disponible, quatre chambres de repos mais sans murs et aucun service d’après le manque de personne en ces lieux. Toutefois l’eau est bleu saphir d’où une vapeur claire s’échappe, le carrelage rouge en revanche est de très mauvais goût selon elle. Des colonnes papyriformes larges de deux mètres, et décorés de hiéroglyphes pauvrement ornées d’or et de pierres précieuses, dépeignent des scènes de la déesse Hathor. En réalité Neith s’aperçoit que l’or n’est qu’un pigment et la peinture écaillée par les vapeurs commencent à rendre les dessins illisibles. Aucune attention n’est apportée dans cette partie de la villa. Chacune de ses structures en granit rose est séparées soit par de petits palmiers, soit des fleurs aussi colorées qu’enivrante. « Quel endroit minable, songe Neith en effectuant un regard circulaire, même les chiens ont de meilleurs bains au Cartouche ». Neith et la pleureuse s’avancent accompagnées derrière elle par Méséhet, la maîtresse de maison d’après ce qu’elles ont comprises. C’est une vieille femme acariâtre qui ne cache pas sa rage pour son poste, en tout cas cela se lit dans son regard sévère appuyé par son front fripé. Sa peau bronzée arbore des pustules et ses grains de beauté ressemblent à des insectes lui grignotant la peau. Depuis leur arrivé au harem, Méséhet se penche pour soulager son dos ce qui ralentit les jeunes demoiselles se faisant maintes fois rouspéter. Cette mégère prétextait sans cesse qu’elles souhaitent s’enfuir, chose impossible a démentir sauf au prix d’une autre gifle. Néanmoins sa mauvaise humeur semble se dissiper au contact de la vapeur et des rares bonnes odeurs, chose complètement différentes dans les rues de Kush.
— Allez lavez-vous, ordonne Méséhet, vous avez trente minutes.
Elle se retire en direction d’une pièce plus petite vers l’entrée, ses pas raclent le sol et sont aussi désagréable que sa voix grave. Les deux femmes sont seules dans cette salle, le bruit des citoyens vociférant sans raison apparente et les roues en bois des quelques charriots font échos depuis les rues nocturnes de la cité. Dédetès se déshabille de peur que la mégère ne s’en prenne de nouveaux à elle. La pauvre demoiselle avait eu l’audace, avant de rentrer dans cette grande villa, de refuser ce bain. En réponse, Méséhet lui infligea un coup de poing au foie, Neith aurait juré que la pleureuse allait y succomber. Par chance elle ne fait que toussoter, cet acte de violence a quand même peiné Neith. Elle l’observe se déshabiller puis balaye de nouveau son regard autour de la salle. « J’ai l’impression que l’on m’observe mais pas un regard lubrique, une sorte de surveillant. En fait je ressens la même sensation que dans cette pyramide abandonnée. Non c’est sans doute le stress qui me fait délirer, en tout cas je n’ai pas très envie de me baigner dans ce minable petit bassin ». Toujours couverte par ses vêtements, ressemblant surtout à des chiffons à cause du voyage, Dédetès plonge l’orteil dans l’eau et le retire immédiatement. La moue qu’exprime son visage parle pour elle, néanmoins après un rapide coup d’œil vers la pièce où la mégère grogne de ne pas retrouver un objet, elle plonge petit à petit dans l’eau brûlante du bain. Sa peau rougit et elle semble vouloir se retenir d’hurler. « Quel corps disgracieux, les princesses la raillerai sans discontinue au Cartouche, pense Neith d’un sourire moqueur. Je n’ai jamais vue de femme avec autant de cicatrice. Malgré son doux caractère cette Dédetès ne m’inspire pas confiance ». En imaginant les réactions des filles ainsi que les commentaires déplacées de la princesse Isis au Harem, Neith pouffe de rire avant de s’arrêter aussitôt.
— Dépêches-toi de te laver sale garce, vocifère Méséhet depuis la pièce.
Neith exécute le même rituel, l’eau propre l’attire et malgré le manque de lotion sur le rebord elle plonge tout en se couvrant entièrement quitte à mouiller ses guenilles. Son amie d’infortune la regarde avec étonnement tandis que son corps commence à cuire.
— Tu… tu arrives à supporter cette eau bouillante? Comment fais-tu?
Le corps entièrement plongé dans l’eau elle se relève juste assez pour parler.
— Bouillante? rit Neith, elle est à point pour moi. Tu verras dans peu de temps toute la peau morte va se détacher plus facilement.
— On dirait que tu fais ce genre de bain tous les jours, je me trompe?
— Et bien…
Les paroles de la cochère résonnèrent subitement dans son esprit, comme un signal d’avertissement que son cerveau lance par réflexe. « Je ne dois rien dire, je dois mentir sur mon identité. Si Shedet vient je ne dois pas lui compliquer la tâche. En fait je ne sais pas si je peux lui faire confiance, c’est un paysan, le genre de personne capable de trahir pour s’élever dans la hiérarchie. Par Isis, la peau de cette fille est répugnante! ».
— Dans ma bicoque à… Yeb je me faisais des bains dans un bassin que mon… frère avait creusé. Dès le matin aux aurores et le soir au crépuscule je me lavais dans une eau un peu plus chaude.
— Mais attend tu es paysanne? Impossible, tu es beaucoup trop gracieuse même avec cette crasse sur le dos.
— J’ai de la crasse dans le dos! s’écrie Neith en se retournant.
— Non, non, non, c’est une façon de parler, alors dis-moi, quel métier avais-tu avant ce cauchemar?
— Je… je vendais des fruits et légumes, répond Neith cherchant les lotions.
Alors que Neith frotte sa peau elle cherche dans le petit plateau les onguents et lotions nécessaire à son bain. Seules deux savons rectangulaires sont présents, par chance ils sont neufs. « Par Isis, de la fraise. Celui qui l’a posé n’a aucun goût, heureusement que l’autre est de la noix de coco ». Dédetès s’apprêtait à le prendre mais d’un revers de main elle pousse le savon hors du récipient pour le faire tomber à l’eau.
— Misère je suis désolée, dit Neith en continuant à pousser le savon avec son pied dans l’eau le plus loin possible, je suis toujours aussi gourde.
— Ce n’est pas grave je prends l’autre sauf si tu en voulais la première?
Elle récupéra aussitôt le savon de noix de coco sans même prendre la peine de connaître les désirs de sa camarade. L’eau devient opaque autour de Neith à mesure qu’elle retire cette crasse. L’eau prend une couleur bien plus sombre. Le geste délicat envoute Dédetès qui semble apprendre sur le coup. Le silence gênant est brisé par une question soudaine.
— Tu préfères quelle ville Ouaset ou Memphis?
— Pourquoi cette question! grogne Neith.
— Du calme je voulais juste connaître ton avis, tremble-t-elle en reculant, si tu ne veux pas répondre je
ne t’en veux pas. Ce silence me rend folle.
« Par Isis, durant un instant j’ai cru qu’elle m’interrogeais comme un garde royal. Cela faits quelques temps que j’y suis partit et cela semble faire des mois. Plus rien ne m’attend à Memphis et j’ai encore beaucoup de mal pour l’admettre ». Alors qu’elle frotte ses cuisses Neith répond calmement:
— Memphis… je veux dire Ouaset. Ouaset est de loin la meilleure ville du royaume.
— D’accord, répond Dédetès assez dépitée, tout le monde dit la même chose ces temps-ci. Pourtant Ouaset n’est pas si beau, Memphis garde son charme historique. On parle quand même de la première ville du royaume.
— C’est vrai mais Memphis possède… non rien oublie tu as raison.
En repensant à sa mésaventure Neith éclabousse sa camarade tout en frottant sa peau et pressant le savon si fort qu’il se coupe en deux morceaux difformes. Dédetès en profite pour récupérer le bout tombé à l’eau. « Memphis possède ce porc d’officier qui a osé tuer ma pauvre cousine, jamais je ne le lui pardonnerai. En réalité je ferai tout pour me venger quitte à en mourir ».
— Neith par pitié calme-toi, tu m’éclabousses.
— Excuse-moi, tient j’ai finit avec le savon, elle lui tend un morceau ressemblant à un agrégat, je me suis un peu emportée. Avec tout ce qui m’arrive en ce moment je commence à devenir folle.
— Je ne t’en veux pas, en réalité je suis contente de voir que cette galère t’effraie, j’ai bien cru que ton calme était sincère. Je me rends compte que tu cachais ta peur et c’est très impressionnant.
Elle récupère le savon dont l’autre morceau a coulé au fond de l’eau, son sourire niais laisse plutôt comprendre à de la déception.
— Au moins le savon a gardé son odeur de noix de coco, la forme ne fait pas tout, rit-elle avec un sourire dépité.
Neith se mit aussi à rire, l’eau chaude à au moins le mérite de la détendre depuis tout à l’heure. Elle en finit même par oublier sa position à Kush tant la situation est calme. Soudain des raclements réguliers sur le sol causé par de vieilles sandales les ramènent à la raison.
— Bande de garce! grogne Méséhet les bras chargés de vêtements, vous n’êtes pas là pour papoter ou ricaner comme des poules! Vous devez enlevez toutes cette crasses et odeurs au plus vite sinon je vous ferai fouetter.
Un silence gênant s’installe entrecoupé de vaguelettes s’écrasant contre l’escalier de pierre. Alors que Neith se lave aussi vite que possible mais se sent mal à l’aise, la mégère les observe. Méséhet ressemble aux femmes faisant leurs course au marché et choisissant avec parcimonie le meilleur fruits ou morceau de viande à acheter pour le repas à venir. Dédetès observe Neith avec un regard assez stressée, la peur se lit sur son visage et sa gorge semble avertir qu’elle pleurera bientôt. « Je me sens mal à l’aise tout d’un coup; elle jette un rapide coup d’oeil vers Méséhet. Par Isis, elle nous regarde avec insistance comme si elle allait nous faire cuire pour le souper. Si cette mégère était un homme je me serai enfuie sans hésitation ».
— Allez sortez! Vous semblez assez propre.
Les demoiselles s’extirpent de l’eau en se couvrant avec des serviettes jetées à la figure par Méséhet. Une légère brise les font grelotter. La mégère place des robes en lin sur un rebord sec.
— Ne les mouillez pas! jappe Méséhét tout en déposant un petit sac. Ces robes ne sont pas à vous, c’est uniquement pour la couche.
— La couche? balbutie Dédetès.
— Qu’est ce que je viens de te dire! crie-t-elle à nouveau en levant le poing, enfile l’une de ses robes où tu sortiras d’ici toute nue.
Les mouvements de la pleureuse accélèrent tandis que Neith a déjà fini, rester nue dans un lieu inconnu la dérange surtout avec sensation étrange qui la parcourt. « J’ai vraiment l’impression que l’on m’observe, pense-t-elle en se tournant et retournant mais personne n’est présent. Je suis ici depuis quelques heures et je suis déjà anxieuse. Je vais sombrer dans la folie en quelques jours ». La main de la mégère lui agrippe fortement l’avant-bras pour l’amener près du petit sac. Des marques rouges apparaissent sur sa peau lisse et parfumée de noix de coco.
— Arrête de rêvasser et prends quelques bijoux! Toi aussi la pleurnicheuse!
Malgré le sac de toile taché et rapiécé le contenu impressionne Neith, elle extirpe des colliers, bracelets, bagues et autres bijoux en argent, or et serties des meilleurs pierres précieuses du marché. « Le choix sera évident, je vais faire comme à l’accoutumé, les autres filles de cette villa en seront verte de
jalousie ». La pleureuse est si émerveillée qu’elle ne bouge plus d’un pouce, évidemment la mégère qui les observe sous tous les angles, comme une alléchante pièce de boeuf, s’apprêtait à rouspéter.
— Tiens prend celle-là elle t’ira bien, s’écrie Neith en lui montrant un collier d’or à l’effigie de la déesse Isis.
N’ayant aucune remarque à ajouter, la mégère se retire une fois de plus dans la petite pièce en emportant les robes qui n’ont pas été choisies.
— Merci Neith, elle m’aurait sans doute giflé. Je l’ai vu dans son regard.
— Ne me remercie pas, je l’ai fait pour éviter de l’entendre pester sans raison avec sa voix d’ânesse rabougrie.
Un petit rire partiellement étouffé lui répond, un réconfort dont Neith avait besoin. Toutefois le pressentiment horrible qu’elle ressent depuis son entrée ne cesse de s’accentuer.
En dix minutes, bien silencieuses, les deux demoiselles sont enfin habillées. Avec une demi- heure supplémentaire Neith se serait sentit plus présentable néanmoins le but de cette mascarade ne la rassure pas. Dédetès est vêtue d’un longue robe verte en lin, étroite la serrant au niveau des hanches et des genoux. De nombreux pendentifs et un collier en or se balancent sur son torse plat. Ses cheveux sont coiffés en frange et tombe sur ses épaules avec ses affreuses pointes qui ne cesse de dégouter Neith à chaque qu’elle les regarde. Une tiare plate en or lui décore le sommet du crâne comme ses bracelets. « Je m’attendais à mieux, pense-t-elle en la dévisageant quelques secondes, cette pauvre fille a peu de goût. J’espère en finir au plus vite avec ces bêtises, je suis exténuée ». La mégère les observe une fois de plus, elle agrippe la mâchoire de Dédetès se retenant de verser une larme à cause de la douleur. Les ongles pointues de Méséhet ressemblent à des griffes de hyène. Son visage est balloté dans tous les sens et lorsqu’elle eut finit son inspection des marques de doigts s’impriment sur ses joues. Au tour de Neith mais cette dernière lui balaya la main avant qu’elle ne touche son beau visage, la mégère frappe aussitôt le sommet de son crâne avec son sceptre à l’effigie du dieu Seth. La douleur fait plier les genoux de la demoiselle.
— Par tous les dieux, grogne Neith les mains sur la tête, cessez de nous maltraiter.
Une main accroche ses cheveux et la tire pour la remettre debout, renforçant de plus belle sa douleur.
— Sale petite trainée, grogne Méséhet, la prochaine fois que je t’entends me menacer tu le sentira bien plus. Sortez d’ici maintenant le maître s’impatiente, dit-elle en relâchant Neith.
— Pourquoi? rouspète-t-elle, et qu’allons-nous faire?
Le sceptre lui caresse le dos, la douleur lui semble aussi forte qu’un coup de poing. La mégère la pousse en direction de la sortie tandis que Dédetès, folle de peur, suit de près toutefois un léger bruit crispe la mégère. En se retournant elle exulte un cri de rage suivit d’une gifle, Dédetès chute au sol. Neith découvre avec dégout que la demoiselle vient de recouvrir sa robe d’urine. Le vert du beau vêtement est plus sombre et une mare se répand sur le sol pour rejoindre le bain.
— Sale peste! Qu’as tu fait? la mégère passe au rang supérieur avec cette fois un coup de poing en pleine bouche.
L’écho du coup fait comprendre à Neith, toujours médusée par le spectacle, que la pauvre Dédetès vient sans aucun doute de perdre une dent. Cette dernière pleure de manière incontrôlée, le parfum de noix de coco se mélange à celui de l’urine faisant presque vomir Neith.
— Pardonnez-moi, dit Dédetès sans pouvoir s’arrêter de pleurer, mais j’ai trop peur…
— Peur de quoi? hurle la mégère en la piétinant plusieurs fois, tu allais simplement partager le lit du maître. Maintenant tout est raté mais grâce aux dieux cela n’est pas arrivé dans son lit, marmonne-t-elle. Tu vas rejoindre ta chambre dans la petite maison, les cafards et les rats te tiendront compagnie.
Dédetès se relève tant bien que mal comme si elle avait perdu l’usage de ses jambes, la pauvre femme glisse et finit par rejoindre la sortie sous les yeux pleins de fureur de la mégère. Neith lui jette un regard de compassion avec un petit sourire forcé mais la honte dévore Dédetès. Sa main couvre sa bouche ensanglantée tandis qu’elle rejoint son logis.
Le duo rejoint le jardin de la villa, une vaste zone de verdure qui entoure et s’infiltre dans la villa par une allée. De sa position, Neith aperçoit un jardinier Sittiu tailler les mauvaises herbes. Des bassins en forme de canaux et de petite fontaine alimentent l’herbe. Des obélisques, et statues du dieu Amon criocéphales, décorent les lieux. Fait de pierre noire et gravé d’or, les statues semblent observer les visiteurs, chose que Neith n’avait jamais ressentie. Une courte allée bordé de sphinx et d’obélisques noirs, les amène en direction du bâtiment principal. La traversée est bien silencieuse même si Neith semble entendre la mégère grincer des dents. « Quelle honte! S’uriner dessus sans retenu est pitoyable, la dernière fois que j’ai été témoin d’un tel acte est lorsque la jeune Nout se relâcha durant un cours. Tout le monde fut au courant qu’elle était incontinente. On ne la plus revue au Harem depuis ce jour ». La route est bordée de figuier et dattier délivrant une senteur exquise. De large lotus blanc baignent dans les bassins formant un couloir avant de pénétrer à l’intérieur du bâtiment principale de la villa. « Attends un peu, par Isis! La mégère a parlé de partager sa couche avec le maître! Je dois à tout prix trouver un moyen d’éviter ce désastre! ».
— Allez dépêches-toi! grommelle la mégère en la poussant. Non pas ici! A droite! Nous allons d’abord en cuisine et t’as pas intérêt à me faire perdre du temps.
Elles passent devant l’entrée accueillit par la statue de la déesse Isis. Cette sculpture de pierre blanche luit face à la lune et le disque solaire entre ses cornes se reflète dans l’eau comme un soleil. « Je dois faire comme Dédetès et m’uriner dessus dès que j’entre en cuisine. Le problème est que je n’ai pas envie, je suis même assoiffée ». L’idée insalubre commence à donner la nausée à Neith, la honte qu’elle ressentie lors de cette scène la dégoute fortement mais encore plus en imaginant un autre la ressentir envers elle. En voyant trois serviteurs lui passer devant, son plan lui déplut aussitôt. « Ma réputation va prendre un sale coup si je m’abaisse à cela. Je ne peux pas, hors de question de me couvrir de honte mais si je partage la couche de cet homme je sais que je ne m’en remettrai pas ». Le dilemme ne cesse de tourmenter la raison de Neith tout comme la main rugueuse de la mégère la martelant à l’épaule comme une masse. Elle jurerait que son épaule est complètement rouge. « Dois-je le faire? se répète-t-elle une dizaine de fois en descendant les escaliers menants à une cave à vin, je ne veux pas me couvrir de ridicule ». L’odeur des tonneaux lui rappelle des souvenirs surtout celui du vin rouge, des moments de joies à Memphis notamment lors des fêtes. Neith remonte à la surface par des escaliers en bois et se retrouve de nouveau en cuisine, une large salle où personne n’est présent enfin c’est ce qu’elle croyait. La mégère s’avance près d’une large table et, après avoir récupérée une casserole en cuivre, frappe la table avec une force dont Neith ne doutait pas. Le bruit lui fit trembler les tympans et au même moment le son sourd d’un objet s’écrasant contre la table survint.
— Sale petite feignasse, j’étais certaine que tu dormais avant même d’avoir achevé ton travail.
Un type à la peau noir surgit de la table, un Kushite maigre mais si grand qu’il atteint presque le plafond. La mégère est obligée de lever la tête pour lui parler, chose qu’elle déteste puisqu’il s’agenouille aussitôt. Le cuisinier porte un simple tablier le couvrant du cou aux genoux et ne porte qu’un pagne blanc. Sa tête aux cheveux crépus arbore désormais une grosse bosse qu’il frotte en permanence.
— Le plateau est prêt madame, désigne-t-il du doigt à l’opposé de Neith. J’ai dormi parce que j’ai finit justement, vous avez pas le droit de faire ça.
— J’ai tous les droits sale insolent, corrige-t-elle d’un violent coup de casserole sur la tête, j’ai aussi le droit de t’envoyer aux mines de la cité.
Le coup fit geindre le cuisinier qui protège sa blessure avec ses deux mains tandis que la mégère récupère un plateau garni. A côté d’elle, Neith découvre un morceau de fromage laissé à l’abandon sur le sol, le cuisiner n’a pas fait son travail correctement. Une envie, très faible, de le dévorer lui survint mais Méséhet jappe de nouveau:
— Viens ici sale petite garce!
Le son de sa voix commence à la faire réagir instinctivement tel un chien aux ordres de son maître. Dans sa main elle garde précieusement le morceau de fromage. La mégère lui donne le plateau en bois clair garni de fruits, de tranche de viande de bœuf agrémentée de sel, poivre. Un verre, ressemblant surtout à un calice, toise le tout rendant le plateau plus lourd pour Neith. La faim ne la tiraille plus car le stress l’empêche de réfléchir.
— Quelle est cette odeur? déclare la mégère en reniflant, tu ne t’es pas pissé dessus toi aussi! elle bouscule Neith pour s’en assurer. Toi le cuisinier tu me nettoies à nouveau la salle.
— Mais pourquoi? proteste-t-il, je viens de le faire…
— Ne discute pas ou demain tu te réveilleras dans les mines.
Exaspéré il se relève en pestant ses dieux et récupérant un tissu qu’il imbibe de produit. « Le fromage sent très mauvais, impossible que je le mange mais je pense savoir comment l’utiliser. C’est décidé je préfère me couvrir de honte plutôt que de me déshonorer. Sinon je pourrai séduire ce fameux maître, s’il n’est pas déplaisant je me laisserai sûrement tenter ». Se savoir inconnue, oubliée de tous commence à la rendre mal à l’aise, une pensée insupportable la traverse insidieusement. Ce que dise les autres à son sujet l’a toujours tourmentée, les nobles, les princesses du Harem et même les gens qu’elle rencontre ne serait-ce qu’un court instant.
Méséhet conduit Neith au fond de la villa, le grand bâtiment principal en est séparé par un autre jardin. Au milieu des palmiers et statues de la déesse Isis et du dieu Amon, des cages contenant des fauves attirent son regard. Trois guépards et un lion dorment paisiblement dans chacune de leur étroite geôles. « Ces animaux ne m’ont pas l’air heureux, au Cartouche les princesses sont arrivés à les domestiquer. Nephtys utilisait son léopard comme coussin et la princesse Isis s’asseyait sur son mastodonte de lion blanc. Par Isis, ce ministre ne doit pas être très sympa ». Un large escalier permet d’atteindre la zone privée du fameux ministre, le reste de la villa sert pour ses rares invités. Le décor est sobre, des statuettes en granit orné d’or et d’argent sont disposées à chaque entrée toutefois la poussière et la saleté les recouvre. Mésehét passe le doigt sur l’épaule d’une statue d’Isis et exprime un grognement en signe de mécontentement sans y remédier. Elle marmonne quelque chose mais difficile pour Neith de l’entendre.
— Maître? dit Mésehét d’une voix suave en poussant la porte en bois orné d’un symbole de la déesse Isis, votre cadeau est enfin prêt. Allez entre, ordonne-t-elle à Neith.
Cette dernière avance timidement avant de se faire violemment pousser à l’intérieur. La porte se referme la piégeant avec cet homme, Baltasar, un gars petit et chauve qui dissimule aussitôt sa calvitie avec un turban orange. Sa toge de couleur similaire est bombé au niveau de son ventre tâché de vin, de miettes et arrêtes de poissons qu’il vient à peine de terminer. L’odeur la dégoute malgré la distance qui les sépare. Le type lui parait stressé comme s’il avait subit un interrogatoire, la cicatrice sur son front laisse échapper un filet de sang.
— Mésehét n’avait pas menti, dit Baltasar en se léchant les doigts d’un bruit immonde, tu es plus belle qu’elle ne me l’avait dit. Mais où est l’autre? demande-t-il en cherchant du regard. Qu’est ce tu attends? Grimpe dans mon lit!
La pauvre se sent partir, tout la dégoute, l’odeur, la décoration et les statuettes en bois sculptées trainant partout sur le sol. Elle se surprend à penser à Shedet, espérant qu’il surgisse de la porte pour la ramener à Bast.
— Allez! crie Baltasar en frappant violemment son lit déformé par son poids, obéis.
Le sursaut et la peur sur le moment l’empêche de se contenir. Dans une humiliation complète elle s’urine dessus, le silence qui s’ensuit la fait mourir de honte. Baltasar rugit au quart de tour en comprenant ce qui arrive:
— T’approches pas de moi! hurle-t-il en se cachant au fond de son lit, qu’est ce que c’est? Une maladie?
— C’est… c’est la chaude pisse, ment Neith empourpré par la honte, je suis infecté depuis quelques semaines, ajoute-t-elle en se cachant le visage avec ses mains.
— Mésehét! Mésehét vient tout de suite!
La mégère surgit presque par magie en déverrouillant la porte en quelques secondes.
— Qu’y a-t-il maître? demande-t-elle d’une voix mielleuse avant de se rendre compte que ses pieds pataugent dans un liquide, qu’est ce que c’est?
— A toi de me le dire incompétente! hurle Balatasar en se couvrant le nez et la bouche, tu m’as acheté une femme malade et maintenant elle vient de me contaminer. Où est l’autre!
— N’ayez crainte maître, rassure la mégère d’une voix aussi mielleuse que possible, je vais me débarrasser d’elle…
— Non! Elle m’a coûté trop cher, tu la feras travailler aux écuries et les tâches les plus sales afin qu’elle ne contamine rien de plus. Je trouverai une façon de la rentabiliser. Appelle moi l’autre femme que tu as acheté et aussi Caïn qu’il me nettoie cette cochonnerie.
— Maître, panique Méséhet, l’autre femme est souffrante à cause du voyage…
Baltasar s’empourpre autant que le vin dans sa large coupe, il hurle:
— Dégagez maintenant! J’ai dit dégagez! hurle-t-il en jetant l’assiette de son plateau sur la mégère.
Mésehét attrape Neith violemment par les cheveux et la tire hors de la chambre.
A l’extérieur, le silence nocturne est rompue par les cris de douleur de Neith et d’insultes de la mégère.
— Sale petite trainée, grogne Mésehét en la tirant par les cheveux quitte à la faire tomber, tu m’as caché ce secret afin de me nuire. Je devrais t’étrangler et te donner aux cochons mais je dois obéir à ce foutu gosse pourri gâté.
La mégère l’amène aux écuries, une zone extérieur à la villa où l’odeur répugne Neith toujours morte de honte. Attrapée par les cheveux une nouvelle fois, Neith est projetée au sol avant de se couvrir de boue.
— Voici ta chambre sale garce, grommelle Mésehét, tâche de ne pas succomber aux maladies avant d’avoir été rentable.
Seule et couverte de boue, Neith observe les étoiles. « Jamais je n’ai eu aussi honte de ma vie, mais je ne regrette absolument rien. La chambre de cet homme m’a retourné l’estomac, cette boue m’est bien plus supportable ».
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2023.07.20 08:44 Global_Relative_3177 Chapitre 63: La réunion


Le prince Seni grimpe les longs et haut escaliers de marbre menant au palais du vice-roi. La coutume veut qu’un membre important de la cité emprunte une barque ou felouque volante jusqu’au sommet mais Seni souhaite être seul. Les bords des marches sont décorées par des sphinx ou statues du dieu Amon, du dieu Horus et principalement de la déesse Isis en signe de protection. Des statues de pierres noirs, couvertes d’or sur les bords et de pierres précieuses sur les piédestaux en granit blanc. Des plantes ombragent les visiteurs lors des journées ensoleillées mais la nuit va bientôt recouvrir Kush, le soleil n’est qu’un point à l’horizon. La lumière des lampes de forme sphérique est assez intense pour que le prince contemple chaque marche du cet escalier, les dalles de marbre sont affublées de quelques noms, trois ou quatre, en hiératique. « J’avais oublié ce détail, apparement le vice-roi fait graver les noms des Kushites ayant commis un quelconque crime abominable. Je suis en train de piétiner leur mémoire mais je trouve ce procédé vicieux. Il ne fait qu’attise que leur haine. Pourtant d’après ce que j’ai entendu, les quémandeurs ont augmenté depuis sa prise de pouvoir il y a plis de cinquante ans ». Le prince se retourne pour contempler les premières étoiles, la main droite sur son khépesh il observe les feux et lampes embellir le pays de l’eau. Au loin les petits villages Kushite et Sittiu semble aussi éclatants que des étoiles. Le dieu Horus quand à lui file rejoindre le soleil jusqu’au lendemain. « C’est décidé, depuis ce matin j’y ai réfléchi et je suis désormais en mesure de prendre une décision. Une fois la réunion achevée je donnerai ma démission au vice-roi, je ne peux plus rester dans cette cité maudite. En fait je ne sais pas ce qui me retient de partir dès maintenant, Aset est sans doute a ses côtés, je l’emmènerai avec moi et je sais très bien qu’elle le désire autant que moi ».
Le dernier palier amène le prince sur une large terrasse encerclant le palais avec à l’arrière le jardin et en face les dernières marches menant au palais. La vue est à couper le souffle, depuis sa position le prince peut tout voir, la ville-haute, la ville-basse, les vestiges de l’ancien mur et même les mines près des champs de céréales. Les mineurs s’extirpent du sol tel une colonie de fourmi, de la poussière s’en échappe et des conflits se créent entre Kushite et gardes. « Par Seth, je ne faisais pas attention au comportement des Kushites mais vue de loin c’est affligeant. Ma présence à leurs côtés durant ces longues décennies n’a servit à rien. Ces chiens ont osé massacré mon père sans le moindre honneur, pense-t-il en serrant la rambarde en or se déformant sous ses mains ». Alignée avec le palais, le port dévoile les dernières barques partant de la cité tandis qu’une multitude d’embarcation s’apprête à entrer. Des bruits de pas provenant de l’entrée du palais l’interpelle, le medjay Marek descend les marches puis se prosterne en face du prince:
— Majesté ravi de vous voir malgré ces temps difficiles.
— Salutations à toi grand medjay, mes condoléances pour la mort de ton frère. C’était un homme formidable qui n’a pas hésité à combattre l’ennemi malgré la pestilence qui le rongeait. Je doute que j’aurai fait mieux.
— Evidemment que vous auriez fait mieux majesté, affirme Marek les poings davantage serrés, sans le plan de votre père, notre grand Pharaon, la situation aurait dégénéré. Il a échoué et je ferai tout mon possible pour sauver notre royaume.
Après un court silence de la part du prince il rétorque:
— Je te trouve difficile envers Odion néanmoins je pense aussi m’occuper de cette menace qui pèse sur notre royaume. Nous en reparlerons bientôt j’en suis certain.
Seni s’apprêtait à emprunter les escaliers lorsque le medjay, debout et au regard plutôt analytique déclare:
— Majesté au sujet de votre frère, feu général Kama, je vous fais mes condoléances. C’était un général de grande envergure mais je suis certain que vous saurez prendre sa place avec honneur et intégrité.
— Ne te fais pas trop d’espoir à ce sujet.
— Prenez garde majesté, les traîtres rôdent parmi nous, l’ennemi à l’intérieur est plus dangereux que les menaces externe à notre royaume.
Le regard sévère que lance le medjay au prince ne plaît aucunement à ce dernier, quelque chose change dans son comportement.
— Serais-tu en train de me menacer medjay? demande Seni en posant sa main sur la garde de son arme. Je n’hésiterai pas à te découper en morceaux sur le champ.
— Pardonnez-moi si je vous ai offensé majesté, dit Marek en s’agenouillant de nouveau, depuis plusieurs jours ma concentration et mon implication déteignent sur mon comportement.
— Allez fiche le camp et poursuit la mission que Pharaon ou le vice-roi t’a confiée.
Après une révérence sincère le medjay dévale les escaliers, d’après son regard il se rend vers la ville-basse. « Qu’est ce qu’il lui a prit de me toiser de cette manière? Un peu plus et il aurait lancé un interrogatoire, oublions cela je suis sûrement en proie à la mélancolie. Parler de Kama fait resurgir cet horrible cadavre devant moi. Cette maudite réunion ne va pas arranger les choses ».
En progressant encore plus loin à l’intérieur du palais somptueusement décoré, Seni observe les lieux qu’il n’a visité que peu de fois depuis son poste de capitaine. La grande porte est toujours ouverte, cerné par les colossales statues du dieu Amon et Horus. « La salle du trône est la pièce la plus haute de la cité, le symbolisme est ce que préfère le plus le vice-roi. De la même manière qu’il ne ferme jamais les portes, je ne sais même plus à quoi elles ressembles lorsqu’elles sont fermées ». Des servants s’inclinent dès leur passage près du prince, des Sittiu, quelques Égyptiens mais aucun Kushite. Sans autorisation ou raison valable, ces derniers seraient mutilés en foulant ce palais de nuit. Des protecteurs royaux à tête de bélier sont dispersés un peu partout dans les salles, une trentaine rien que dans le hall. Leurs tailles varient entre trois et quatre mètres, sept pour les plus grands. D’après les rumeurs le vice-roi en cacherait deux autres de vingt mètres dans la cité mais difficile de savoir si c’est une vérité ou un subterfuge pour effrayer la population. Une centaine d’escalier, toujours affublé de nom à piétiner, permettent à Seni d’atteindre sa destination, la salle du trône.
La salle du trône est une vaste pièce de forme rectangulaire, cent mètres devant l’entrée une grande table semi-circulaire est présente. Chaque invité ou quémandeur se doit de parcourir l’allée bordée de sphinx à tête de faucon et de bélier ainsi que les protecteurs royaux. Des canaux bordent l’allée, inondés grâce à une cascade derrière le trône dont le bruit est apaisant. Le trône est surélevé de vingt mètres et tout comme son père, le vice-roi est caché dans la pénombre. Impossible de rejoindre le trône, le seul capable d’y accéder est le souverain. Une foule de personne est déjà présente, le prêtre d’Amon décerne des médailles et statuettes en or et argent à quelques personnes. Douze citoyens, Sittiu, Kushite et Égyptien reçoivent une distinction de la part du prêtre pour leurs efforts. Des sourires très larges se dessinent sur leur visage et la foule ne cessent d’exprimer sa joie par des applaudissements. Le prince Seni, toujours près de l’entrée, observe avec attention ce rare spectacle dans l’attente que la réunion mensuel débute.
— N’est ce pas impressionnant? demande une voix masculine derrière Seni.
Ce dernier se retourne et découvre le trésorier Taharqa, un homme à la peau noire bien mieux vêtu que le prince. Sa tête est coiffée d’un turban vert d’où pendouille des fils d’or brodés, sa tunique vert clair est si large qu’il se déplace avec difficulté lorsqu’il approche du prince.
— Un Sittiu, un Égyptien et un Kushite dans la même salle qui ne se jettent pas l’un sur l’autre, observe Seni, c’est plutôt un exploit je dirai.
— Tout cela grâce au vice-roi, remarque le trésorier en le montrant du doigt, malgré l’obscurité envahissant son trône il est bien présent.
— Simulacre, rétorque Seni, je pense surtout que c’est là le pouvoir des récompenses, l’attrait que l’homme porte à l’or ou tout autre objet de valeur le rend docile et cela le vice-roi l’a bien comprit. Cette récompense permet de créer une réaction chimique dans le cerveau qui aboutit à une compétition. Au lieu de se battre contre le vice-roi ils se battent entre eux.
Le trésorier semble gêné par ces paroles ou plutôt il aimerait parler dans ce sens mais son poste, contrairement au capitaine Seni, n’a été obtenu que par le sang et la sueur. Un mot de travers et sa tête dégringole les escaliers. Taharqa déclare:
— Notre vice-roi est le maître de la stabilité dans la cité et permet ainsi une bonne continuité avec le royaume. Tout artifice, comme vous le dîtes, est bon à prendre si cela sert notre cité si instable.
— Si vous le dîtes, en tout cas un artifice est instable, la moindre erreur provoque la réaction contraire. Mais cela vous devriez le savoir si vous sortez de votre petit palais, ajoute-t-il en le fixant droit dans les yeux.
Taharqa est embarrassé par la réflexion et fait mine de rien avoir entendu grâce à la ferveur de la foule. Seni a confiance envers le trésorier mais souhaitait simplement le bousculer pour en avoir la confirmation. La dernière statuette a été distribué à un Kushite, une femme maigre ayant sauvé d’un incendie des enfants piégés et cela au prix de ses mains gravement brûlées. Désormais, et cela grâce à la prêtresse Aset il y a de cela une semaine, ses mains sont toutes neuves et ne présentent aucune trace de brûlure. Le trésorier laisse seul Seni contemplant ce spectacle, ou mascarade selon lui, pour atteindre la table derrière la foule, la réunion va bientôt débuter. Un homme passe devant lui après une révérence, le ministre chargé de l’alimentation de la cité. Contrairement à Taharqa celui-ci est un prince Égyptien et donc un frère. Djéhoutimès est habillé d’une toge simple sûrement dû à son retard.
— Mon frère ravi de te voir, dit Djéhoutimès tout souriant, je suis content que tu sois venu pour la réunion et toute mes condoléances pour le décès de notre frère Kama. Je jouais souvent avec lui aux dés, sa mort m’a gravement peiné.
— Merci mon frère, la nouvelle m’avait complètement pris de court. Au fait où est la prêtresse Aset je ne la vois pas?
— Aucune idée, remarque aussitôt Djéhoutimès, je pensais qu’elle était déjà présente. Son temple n’a ouvert que peu de temps aujourd’hui. Sans doute un caprice de notre cher grand-frère le vice-roi, sourit-il.
« J’aimerai être aussi serein pour cette théorie mais bon la réunion va bientôt débuter, peut-être prépare-t-elle une chose pour le vice-roi ». La foule disparait progressivement le sourire aux lèvres en tâtant fièrement les récompense en or pur ne valant rien.
A la table, les participants à la réunion sont tous présents. Neuf ministres debout devant leur fauteuil fait de cuir d’éléphant et rembourré de plume d’oie. Tous arborent un air nonchalant afin de masquer leur nervosité et impatience. Six d’entre eux sont Kushites et les trois autres sont Égyptiens et frère de Seni. Des frères avec lesquelles il n’a ni animosité ni fraternité, seulement une relation professionnelle. Alors que ses pas l’approchent de la gigantesque table qu’il n’a eu l’occasion que de voir vide ou bien recouverte d’un tissu, un homme Kushite s’avance. (Ministre drogue), le ministre des soins, un homme gras peinant à marcher à la fois à cause de son poids mais aussi à cause de tous les bijoux le recouvrant comme une bête de foire. Lorsqu’il s’avance ses bras se balancent de gauche à droite comme les rames d’une barque peinant à avancer, ses pieds raclent le sol et son visage boudiné le fait ressembler à une statue ratée du dieu Bès. Avec une voix suave et mielleuse il dit:
— Majesté Seni, c’est un honneur de vous rencontrer. Si je ne dis pas de bêtise notre dernière rencontre remonte à plus de… cinq ans, ajoute-t-il avec regret.
— Vous me verriez plus souvent si votre regard se portait sur la ville-basse, vos congénères, insiste Seni sur ce mot, au lieu des pieds du vice-roi que vous aimer tant lécher.
— Tant de colère en cette si belle nuit, rétorque Baltasar, détendez-vous aucun danger ne vous guette capitaine Seni.
— Je viens de pénétrer à l’instant dans un nid de vipère et vous en êtes faites partie Baltasar, un mot sarcastique de plus et votre tête sera sur ma liste lors de la prochaine exécution.
Le ministre Baltasar flanche et se cramponne au fauteuil, cet homme, tout aussi gras, porte un turban beaucoup trop large pour sa tête. « Il ressemble toujours à un rat celui-là ». Le prince ne lui adresse aucun regard pas même un arrêt et se contente d’avancer vers sa place mais avant il effectue un détour. Les autres l’observent, ses frères le saluent d’un geste timide mais respectueux de la tête. Le capitaine se poste en face de la proxénète attitrée, une femme Kushite d’une trentaine d’année, la peau noire comme l’ébène et douce comme la soie. Sa taille mince d’un mètre quatre-vingt est recouverte d’une robe de lin magnifiquement décorée tout comme la perruque typique des Égyptiennes et dont les bijoux en forme de goutte d’eau en or se balancent à chaque mouvement de tête.
— Madame Inanna, je n’ai pas eu le temps de vous remercier pour les nombreuses aides que vous m’avez apportées lors de mes enquêtes. Je vous remercierai comme il se doit.
— Inutile tant que je peux aider le grand capitaine de la garde, sourit-elle en effectuant une caresse sur le torse de Seni.
Les autres Kushite baisse le regard notamment Baltasar cachant sa nervosité sans succès puisque Seni le remarque aussitôt. Le capitaine prend place derrière le grand siège du vice-roi, dos à son trône silencieux. « Quel ramassis de voleur et de médisance, je comprends mieux l’état de la ville-basse. Si j’ai la confirmation que ces menteurs attisent la colère de la population je sévirai sans hésitation. Que Seth me donne la force et le courage de parler avec mon coeur ». Le siège de la prêtresse Aset est occupé par son assistante, une femme qu’il connait très bien mais dont le regard fuyant inquiète Seni. Avant de pouvoir lui décocher un mot, le trône s’anime. Un grand faucon royale s’envole, papyrus électronique attaché à la patte, avant de fuir hors de la grande salle.
— Bien, rugit une voix sur le trône, tout le monde est présent, la séance peut commencer.
Tous se tournent en direction du trône obscur, la lumière surgit du plafond lorsqu’un disque s’ouvre laissant la lune illuminer l’immense siège d’or contre la falaise. Un fauteuil doré, serti de pierre précieuse et dont le dossier est à l’effigie du dieu Horus les ailes déployés. Des ailes de huit mètres d’envergure à la fois magnifique et terrifiante s’achevant sur des pointes aussi acérés que des lames. Les accoudoirs sont en forme de tête de faucon, le bec pointu en avant prêt à fondre sur l’ennemi. Les quatre pieds ressemblent à des serres dont les griffes menaçantes arracheraient ou déchiquetteraient sans problème une tête. Une cascade d’eau claire s’écoule sur la pente lisse menant au trône. L’escalier est dépourvu de marche, impossible de l’emprunter ni a escalader, d’après Seni le trône est le point le plus haut de la cité. Dans une ville comme Kush où tous se toisent et cherche à dominer l’autre, difficile de faire mieux que le vice-roi. Ce dernier est assis, bras et jambes fermement ancré sur ce fauteuil à l’allure divine, sa date de conception est inconnue néanmoins certains disent qu’il est aussi vieux que le royaume. Le vice-roi Amenemopet est un homme grand de deux-mètre soixante avec une carrure impressionnante pile celle de ce trône. Il porte une longue et ample toge bleu nuit brodé d’or, de soie et de lin. Ses mains fermement serrées sur les accoudoirs sont gantés tout comme ses pieds, masqués par sa longue robe et s’achevant sur des sandales de cuirs d’hippopotame noir. Son visage est dissimulé par un magnifique masque en or étincelant, celui d’un homme inexpressif comme ceux des momies avec seulement deux trous aux yeux. Impossible de décrypter son regard et encore moins son visage. En se levant les Kushites présents dans la salle semblent avoir des sueurs froides, le vice-roi entame sa descente. Des marches surgissent de la pente comme par magie mais ces marches ne sont pas plates ou classique comme n’importe lequel des escaliers. Seni observe pour la première fois le spectacle, des marches en forme d’homme Kushites, allongés, les bras liés dans le dos et les pieds joints qui lui servent de support pour sa descente. A mesure que le vice-roi descend, ses marches macabres surgissent, avec ses pieds il écrabouille l’image du peuple Kushite ayant autrefois osé résister aux premiers colons. Son pied droit s’abat sur le visage à l’expression de terreur tandis que son pied gauche écrase les mains liés. La descente est à la fois gracieuse et terrifiante, Seni ne ressent que de l’indifférence tout le contraire des Kushites soit en colère soit tétanisé à chaque écho contre ses sculptures en granit.
Le vice-roi arrive sur la terre ferme, passe devant Seni le saluant d’une main respectueuse sur le coeur puis il s’écarte à la même place qu’occupait Kama. A un mètre sur la droite du fauteuil du vice-roi, ce dernier n’effectue aucun bruit, pas de mouvement inutile, tous fluides, pas même une odeur ne caresse son nez. Le vice-roi ressemble à un esprit, un dieu ayant pris une forme matériel éphémère pourtant Seni ressent une aura familière émaner de lui, celle d’un frère qui tout comme lui est fils du grand Pharaon. Le vice-roi prend place et tous font de même, le capitaine est le seul debout, figé tel une sentinelle, il ne se prive pas d’observer le moindre mouvement et geste des ministres. Le fauteuil d’Amenemopet, ou trône, est massif, plus grand que les autres et à une place centrale. De part et d’autre il peut observer sur sa droite ses frères Égyptiens. Ces derniers sont calmes et prêt à faire le rapport mensuel sur le secteur qui leur appartient. A sa gauche les Kushites, Seni aperçoit leurs doigts trembler, les vêtements onduler frénétiquement sous l’effet du pied s’agitant sous cette immense table. Baltasar finit par mordre la bague de son index, chacun penserait qu’il s’apprête à la manger une fois le métal broyé sous ses fausses dents en or. Comme d’habitude la séance débute par les paroles du trésorier:
— Par la grâce des dieux, nous ouvrons la réunion mensuel.
« Déjà la fin du mois, songe Seni en observant chaque visage présent à la table, le temps passe si vite tant je fus occupé ». Le vice-roi prend la parole, son ton est clair malgré le masque d’or couvrant sa bouche.
— Je vais être clair dès le début, ce mois fut une catastrophe notamment par vous les Kushites. Néanmoins les dégâts ont été réduits, un tour de table sera nécessaire contrairement au mois dernier. Vous avez de la chance, cette nuit j’ai tout mon temps.
L’ordre ne semble pas plaire aux ministres redoublant de stress. Seni jette un regard sur le vice-roi et comme la rumeur le prétendait impossible de savoir ce qu’il ressent, l’impression d’être en présence d’un fantôme n’a jamais été plus réel. Le masque se tourne vers le ministre pompeux.
— D’après les rapports de feu général Kama vos artisans forgeron sont de loin la catégorie de personne la plus véhémente. Comment expliquez-vous cela?
— Et bien… je.…c’est à dire que…le travail est devenu pénible pour eux. Votre majesté, les rues sont très chaudes et les outils se brisent plus vite ces temps-ci.
Le ministre semble perdre du poids à mesure que les gouttes de sueur inonde sa belle parure d’or. Le vice-roi frappe la table avec sa main gantée.
— Si les rues sont chaudes c’est tout bonnement parce que les systèmes de ventilation sont constamment détruits et vandalisés. Si vous voulez que les rues soient fraiches je vous conseille de les réparer; le ministre semble étouffer, impossible de parler. Je trouve votre idée formidable, ajoute le vice-roi, j’accepte que vous payez les réparations avec votre fortune personnelle.
— Je… interrompt le ministre mais toujours dans l’incapacité de formuler un mot.
— Entendu ministre, confirme le vice-roi, vous donnerez une partie de votre fortune pour les outils de nos bons artisans. Sachez que je salue votre sacrifice au nom de la cité. L’estime que j’ai pour vous vient de crever le plafond.
Le ministre perd presque connaissance, tétanisé et les yeux dans le vide, la réponse du vice-roi le cloua sur place tout comme ces congénères terrifiés à l’idée d’être la prochaine cible du souverain. « Le vice-roi vient d’exécuter le ministre sur place, les dépenses liés aux systèmes de ventilation sont astronomiques et pour ne rien arranger les outils en cuivre doivent être changés chaque jour. Ce ministre sera fauché d’ici deux mois, à moins qu’il ne contrarie mon cher frère ». Le masque du vice-roi se tourne ensuite face au ministre de la santé, nom complètement faux puisqu’en réalité le titre de trafiquant de drogue serait plus approprié. Le vice-roi est le plus grand dealer du royaume mais cela n’est pas à but lucratif uniquement dans l’espoir de contrôler la distribution et évincer toute concurrence.
— J’ai appris qu’une nouvelle drogue circule dans les rues du quartier Osiris, dit le vice-roi sur un ton acerbe, je pensais avoir été clair au sujet des nouvelles drogues de synthèse?
— Moi-même je suis tout aussi outrée par cette nouvelle, répond le ministre sans sourciller les mains jointes, apparemment des énergumènes veulent ma peau je ne vois que cette explication.
Le ministre se montre stoïque face aux accusations pourtant Seni ressent une grande nervosité contenu en lui. Le vice-roi le fixe sans prononcer un seul mot, le silence devient de plus en plus malaisant au point que le ministre panique.
— Très bien je l’avoue! J’ai voulu tester une nouvelle recette mais mes collaborateurs m’ont trahi je le jure sur la grande déesse Isis, je…; les mots commencent à manquer pour le ministre qui hoquette sans discontinu.
Le masque d’or du vice-roi l’observent en silence, les plaintes du ministre font écho dans cette immense salle. « Kama m’avait dit qu’un simple silence permet souvent de faire perdre ses moyens à son interlocuteur. Le vice-roi semble s’amuser enfin difficile de le savoir avec son maudit masque ».
— C’est bon je vous crois cher ministre, semble sourire Amenemopet, vous avez jusqu’à la semaine prochaine pour éliminer vos collaborateurs et retirer de la vente le moindre gramme de cette drogue dans les rues. Vous m’apportez leur tête comme preuve.
— la semaine prochaine? balbutie-t-il, mais avec ce délai je…
— Je quoi? Vous osez contredire sur mes ordres? il répond d’un signe négatif de la tête, c’est bien ce que je pensais. Je pense que je vais plutôt vous laissez quatre jours tout compte fait.
Chacun sait que contredire le souverain s’expose à de terribles représailles notamment une tête coupée sur son lit dès son retour à la maison. Les discussions entre le vice-roi et ses ministres semblent surtout unilatéral, le souverain a toujours le dernier mot ce qui rend complètement inutile l’intérêt de ces postes. Seni avait entendu dire de son frère Kama que le vice-roi ne pouvait tout faire seul néanmoins une théorie le taraude. « Et si en réalité le vice-roi, l’homme qui se tient à côté de moi n’était qu’un leurre? Depuis que je suis capitaine je n’ai jamais vu son visage et mes hommes me faisaient des rapports étranges au sujet de criminels impossible à attraper. Une bête rodant dans les rues la nuit mais ressemblant à une ombre tel un justicier nocturne. Serait-ce lui? songe Seni le sourire au coin des lèvres ». Le masque d’or se tourne vers la délicieuse Inanna cachant sa nervosité en faisant tourner ses nombreuses bagues aux doigts. Celle de son index tourne tellement que le saphir violet qui la contient semble lui avoir écorché la peau.
— Comment se porte les affaires chère Inanna? demande le vice-roi d’une voix plus douce.
— Très bien majesté, les filles sont choyées comme tu me l’exiges tant. Certaines se sont convertis dans le tissage ou la cuisine, voilà un cadeau de la part de l’une d’elle.
Inanna pousse de ses mains un coffret en cèdre verni dont elle extirpe une paire de gant brodé de fil d’or et de lin vert. Le vice-roi ordonne d’un signe de tête à Seni de le récupérer. Une fois près de lui il contemple le cadeau.
— Belle ouvrage, j’en suis presque ému, dit Amenemopet sur un ton sincère. Dis à cette femme que je lui en suis reconnaissant, qu’elle me fasse une toge cette fois et alors je verrai si je la fait travailler au palais.
— Bien messire je le ferai.
La conversation fut moins mouvementée que ne l’aurait pensé Seni. Inanna s’occupe de la prostitution dans la cité, autrefois un fléau majeur qui a eu de lourdes conséquences sur la santé publique. Les maladies pullulaient, des épidémies si violentes que des quartiers avaient été incendiés pour contenir la propagation. Les proxénètes étaient devenus de véritables hommes d’affaires et les histoires liées aux violences glaçaient le sang des habitants même pour Seni avant sa prise de fonction. Depuis que Amenemopet est devenu vice-roi un grand nettoyage s’est produit, il savait très bien que ce fléau ne s’éradiquerait pas alors il est devenu l’unique proxénète de Kush. Tous les profits lui reviennent tout en régulant le marché par l’intermédiaire de Inanna. « D’après ce que Kama m’avait dit en réalité Amenemopet commençait à se laisser aller avec les filles et, craignant que l’une d’elles ne dévoilent son identité, il a laissé les rennes à Inanna. Tout cela à contre-coeur évidemment. Le vice-roi aime plus les femmes que le pouvoir mais difficile d’être sûr des paroles de Kama ». Un silence pesant s’installe dans l’immense salle tandis que Amenemopet récupère, au fin fond de sa robe, un papyrus électronique qu’il pose sur la table sans le dérouler. Seni lui sert un verre d’eau comme un vulgaire serviteur.
— Les ministres Égyptiens je ne vais pas vous demander votre rapport car je connais déjà vos excellents résultats. De plus je souhaite écourter cette réunion afin de m’atteler à une discussion importante. Je ne m’amuse plus; il déroule le papyrus parfaitement aligné devant lui. Baltasar! crie-t-il si violemment que le ministre en tombe de sa chaise, j’ai entendu dire qu’un de mes village a été incendié cet après-midi! Puis-je savoir pourquoi?
— Majesté…je; l’homme peine à trouver les mots ou alors sa bouche paralysée refuse de coopérer. Des bandits ivres auraient mis le feu à la taverne locale. C’est tout ce que je sais je le jure sur Amon…
Le verre du vice-roi se fracasse sur le front de Baltasar mettant fin à ces jérémiades incessantes. Le masque d’or parait de prime abord calme et raisonné pourtant Seni a l’impression de se tenir près d’un four hors de contrôle.
— Je t’interdis de prononcer les noms de nos dieux misérable déchet. Les frais de soins et alimentaires seront à ta charge pour les rescapés, tu en accueilleras aussi chez toi enfin je veux dire chez moi puisque tout à Kush m’appartient. Es-tu d’accord avec moi?
Baltasar se relève de nouveau et peine à se rasseoir sur sa chaise. Le sang et les larmes recouvrent son affreux visage et d’un simple signe de tête affirme son accord.
— Bien, dit le vice-roi d’une calme, et pour finir une dernière formalité. Ishum pourquoi je ne vois pas votre sceau sur ce document? Serait-ce un signe de refus?
— Non, non, non! panique le ministre des transports bien évidemment! Je m’en vais de ce pas le signer.
D’un sourire forcé il rejoint le côté gauche du vice-roi, le pas tremblant, la gorge si serrée qui lui est difficile de respirer. « Son col est couvert de sueur pourtant il savait très bien que le souverain allait être au courant. Maintenant il va devoir le payer ». Le vice-roi sort de sa robe un coffret aussi petit qu’une main et l’ouvre en dévoilant les bagues de ses ministres. Des sceaux très anciens et toujours utilisés qu’il n’a jamais donné à ces ministres Kushites, sans doute par sadisme. Ishum récupère le sien, une bague au symbole d’âne, puis l’insère dans son index. D’une simple pression sur la feuille de papyrus électronique il y grave sa marque. Le vice-roi attrape aussitôt sa main qu’il pose à plat et, d’un geste si rapide que même Seni ne puisse suivre du regard, le masque d’or extirpe de sa robe une dague qu’il enfonce dans les doigts de son ministre. Ce dernier hurle à l’agonie et s’agenouille en contemplant avec terreur son auriculaire et annulaire se détacher de sa main gauche. Le vice-roi retire la dague et déclare:
— La prochaine fois que tu essayes de m’assassiner fais-le de tes mains et avec honneur.
Cette fois le souverain sort de sa robe une tête humaine qu’il jette sur son ministre assis et dévoré par la douleur, ce dernier la laisse tomber, terrorisé par ce visage familier.
— Garde, reprend le vice-roi, emmenez notre ancien ministre des transports sur la place Isis et décapitez-le demain matin. Inscrivez sur une planche de bois le mot traître que vous clouerez sur sa poitrine.
— Non pitié majesté, je peux tout vous expliquer!
— Attendez! ordonne le vice-roi mettant fin à ces cris, viens par là.
Ishum s’avance le visage plus calme en sachant que sa majesté peut l’absoudre comme il l’avait fait avec tant d’autres. Toutefois le masque d’or tend sa main:
— Reprend ton doigt; Ishum attrape son doigt amputée dont le sang sali le gant de son souverain. Maintenant vous pouvez l’emmener.
Le garde assomme l’ancien ministre et l’emmène aussitôt hors du palais. Le vice-roi se lève en premier et déclare:
— La prochaine fois que l’un de vous essaye de m’assassiner qu’il l’envoie avec des renforts que je puisse m’amuser plus longtemps. Maintenant dégagez, cette séance m’a épuisé. Chacun effectue une courte révérence avant de rejoindre à reculons la sortie de la salle du trône. Seni ferme la marche et s’apprêtait à appeler l’assistante de la prêtresse mais le vice-roi lui retient le coude:
— Non pas toi Seni, j’ai à te parler en privé.
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2023.07.14 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 57: L’achat

Bonne lecture.
Seul dans les archives, Shedet attend avec impatience les résultats du jugement. D’un instant à l’autre, un faucon messager apportera les nouvelles du royaume, les informations concernant les évènements importants de la veille. Grâce à son statut de scribe il peut obtenir les nouvelles du procès dans le but de préparer son argent lors de l’achat de prisonnier ou dans de rare cas des déchus. Cela permet de désengorger les mines du mont Cobra et gagner du temps aux nomes pour la main d’oeuvre. Normalement Kououiou s’occupe de cette tâche cependant un problème l’incombe, problème crée par Shedet. En effet le déchu a délibérément laissé les portes du grenier ouvertes après avoir grassement payé un Sittiu. Des rats et autres vermines ont osé piller les réserves personnelles du nomarque, un acte de sabotage qui peut lui valoir de gros ennuis. Le dernier homme a avoir souillé les céréales du haut fonctionnaire s’est retrouvé écartelé et les restes de son corps ont nourri ses chats. Shedet est confiant, si Neith dévoile son histoire aux autorités il risque pire qu’un écartèlement auprès du medjay. « Kououiou va passer au moins deux heures à enquêter sur un soi-disant voleur. Le grenier est la zone de Bast qui lui importe le plus car sans son contrôle il ne peut en délivrer plus de quantité de céréales pour les habitants qui le déteste autant qu’un moustique. Allez! Dépêches-toi de venir le faucon messager! ». Une vingtaine de minutes plus tard laisse apparaître le rapace munit d’un papyrus électronique entre ses serres noires. Le faucon, au pelage noir tacheté de blanc, dépose l’objet sur la table avant de se percher au sommet sur une tige en or afin de se délecter d’un morceau de viande bien saignant. « Allez! Montre-moi la liste, s’impatiente Shedet devant le papyrus, la voilà! Bon elle s’appelle Neith, non Meret-Neith, la liste n’est pas si longue heureusement. Alors la citoyenne Meret-Neith est condamnée à la servitude! Pour conspiration contre le royaume et refus d’obtempérer ». Shedet s’abattit sur la chaise, les mains sur les tempes, il réfléchit à la situation. Son regard se porte à nouveau sur le papyrus qu’il fait défiler au niveau des avis de recherches, rien le concernant n’apparait. « Elle ne m’a pas dénoncée. Je pensais qu’elle allait me faire tomber, pense-t-il en souriant, qu’elle allait sauver sa peau en rejetant les fautes sur moi. Je… je dois quand même aller la sauver de cet enfer et j’ai presque prévu le coup. Si tout se déroule comme prévu le convoi de Neith arrivera au nome de Khem dans à peine trois heures ». Son acte n’a rien de samaritain en réalité il préfère avoir Neith près de lui. Elle n’a pas parlé soit, toutefois il ne peut prendre de risque surtout avec une noble. Le déchu sort des archives en direction du bureau du nomarque, le soleil frappe fort aujourd’hui et l’exaspération des ouvriers s’entend jusqu’au palais.
Dans la demeure de Miysis l’atmosphère est calme, Shedet à l’impression de marcher dans un bâtiment abandonné pourtant il est aisé d’entendre le tintement infernale des chantiers et l’hilarité des servantes. Les femmes sont auprès de leur mari, le repas prêt et quelques fumées issues des fourneaux s’élèvent dans le ciel. Shedet aperçoit les lavandières sortir du palais récupérer les vêtements sec. Le linge de Miysis pend encore dans son jardin, une des femme ne se gêne pas pour voler une nappe. « Par Thot, calme-toi Shedet, je vais seulement faire une demande comme n’importe quel scribe, il faut juste que Miysis ne soit pas de mauvaise humeur. Aucune raison qu’il le soit sauf si il décide de se venger de l’affront que j’ai commis au nome des deux divinités ». Avancer vers la grande porte du bureau n’a jamais été aussi difficile pour lui. Le large couloir cerné de colonnes aux couleurs chatoyantes et de statues en or de la déesse Bastet semble s’allonger à chaque pas. La brise légère lui colle les rideaux au visage, la lumière du soleil sur la dorure des décorations l’éblouit mais il tient bon. La porte est ouverte, pas de garde, le bruit d’écoulement et d’un corps plongeant lentement dans l’eau émanent de la pièce luxueuse. « S’il prend son bain j’ai mes chances. Par tous les dieux, intercédez en ma faveur lors de la discussion ». La première chose que Shedet observe en pénétrant dans le bureau est la lumière. Le plafond laisse échapper un large faisceau de lumineux pile sur le bain couvert d’un paravent en cuir de lion noir. La peau de l’animal est couverte de dessins et de hiéroglyphes en l’honneur de la déesse Bastet. « C’est bien la première fois que je vois le bain masqué par ce beau paravent, quelqu’un semble se laver mais ce n’est pas Miysis ». Ce dernier est à gauche, derrière son bureau, le visage concentré sur son papyrus à écrire sans doute un rapport au sujet des importations de blé. En se rapprochant un peu le déchu comprend que l’affaire semble bien plus sérieuse, il arrive à discerner le sceau du Vizir sur le rouleau.
— Que me veux-tu? demande Miysis sans détourner le regard.
— Je souhaiterai avoir quelques ouvriers supplémentaires, balbutie Shedet.
— Inutile, le rythme de construction est encore bon. Autre chose?
— J’ai vraiment besoin d’ouvrier, insiste Shedet, ces derniers jours il y a eu trois nouveaux invalides. La
grande porte de la pyramide nécessite quelques hommes pour tailler la tête de la statue.
— Ces derniers jours tu as été négligeant. Je ne sais pas ce que tu faisais mais Kououiou m’a rapporté
que tu pars souvent t’aventurer au pôle Nord. J’ai bien crus que tu avais décidé de t’enfuir.
Shedet se crispe, incapable de parler, ses pensées se submerge d’excuses aussi pitoyables que farfelues. Un bruit provenant du bain le fit sursauter mais Miysis ajoute:
— Admettons que j’accepte, que souhaites-tu de ma part?
— Avec ta permission nomarque j’aimerai sélectionner les futurs ouvriers du chantier. Trois ou quatre me suffiront amplement…
Le nomarque appelait l’un de ses chats grâce à un bruit de langue très spécifique, le son parait être celui d’un instrument à percussion. Soudain un chat au pelage noir apparait munit d’un papyrus dans sa gueule, il dépose l’objet sur le bureau. Ce papyrus Shedet le connait car c’est celui contenant la liste des nouveaux condamnés du royaume. Miysis, après une caresse au félin, délaisse son travail au profit de la liste. Dans un silence ponctué de miaulement et ronronnement de chat, de chant paillard au loin et de cris provenant de Boubastis, le nomarque observe avec attention les noms des prisonniers.
— J’en était sûr, dit-il en fixant Shedet dans les yeux. Ta copine est ici, et si je ne me trompe pas tu souhaite l’acheter. Meret-Neith c’est ça?
« Misère, par Thot, il a découvert le plan en quelques instants. Je suis stupide! A chaque fois j’oublie que ces chats espionnent les environs du palais. Tant pis je tente le tout pour le tout ». Shedet s’agenouille puis se prosterne les mains à plat bien en face et le front collé contre le sol parfumé à la vanille par le bain.
— Nomarque Miysis je t’en prie, accède à ma demande. Laisse-moi l’acheter pour la sauver d’une vie d’esclavage. Je ferai tout ce que tu souhaites même si la tâche est plus dangereuse que celle du nome du chacal.
— C’est une première, déclare Miysis après avoir bu un verre d’eau, jamais je n’aurais pensé te voir te prosterner et pour une femme qui plus es. Elle doit vraiment être incroyable cette meurtrière ou si belle qu’elle te fait oublier tout discernement. Ah oui! s’exclame-t-il en voyant des photos de Neith sur le papyrus. Je devrai peut-être accepter et la garder pour moi…
— Non! laisse échapper Shedet en se redressant, je veux dire ce n’est pas la peine. En fait je la désire comme assistante…
Le nomarque frappa son bureau si fort que le chat à ces côtés s’envola après grand sursaut.
— Ne te fiche pas de moi! grogne Miysis, pourquoi la désires-tu? Je ne vais pas te laisser acheter une meurtrière. Tu veux peut-être te servir de ces talents pour m’avoir?
— Elle n’a tué personne je le jure sur Bastet, proteste le déchu. C’est un malentendu fomenté par des rivaux de sa famille. Enfin c’est ce qu’elle n’a pas cessé de clamer depuis notre rencontre.
— Je m’en contrefiche, soupir le nomarque, ces histoires de Haute-Égypte ne me concernent plus. A ton avis pour quelles raisons ai-je décidé de devenir nomarque aux côtés des Sittiu? Malgré tout ce que l’on pense il est préférable de travailler entouré de ce peuple plutôt que de nobles prêt à vous poignarder sans vergogne.
Le léger mouvement de tête négatif de Shedet vexe le nomarque. « Travaille une journée en leur compagnie sur le chantier et nous verrons si ils sont aussi bon. Foutu fonctionnaire paresseux ».
— Un problème déchu?
— Par Bastet, bien sûr que non!
— Ne te méprends pas sur mes intentions Shedet, j’ai constamment un oeil sur toi et j’aurai maintes fois pu te dénoncer aux autorités. Ce que tu fais avec cette fille ne m’intéresse pas mais je trouve que tu as pris beaucoup trop d’aise depuis quelques temps.
Shedet se crispe, ses orteils semblent vouloir perforer le sol tant le stress le submerge. « J’espère qu’il n’est pas au courant pour cette histoire de l’hôtel! Impossible il me l’aurait demandé, mais c’est sûrement une ruse. Les fonctionnaires de son genre sont submergés par le travail, il ment. Jamais il ne saurait quelle histoire nous relient ». Un corps semble émerger du bain, l’ombre d’un homme de deux mètres se dessine sur le paravent, le déchu recule d’un pas, le regard effaré.
— Miysis, arrête de le torturer et laisse-le acheter sa copine au marché d’esclave.
Cette voix masculine au ton exaspéré provient du prince Hor, le corps couvert d’une serviette et ruisselant d’eau chaude. Son regard sévère fait détourner celui de Shedet terrorisé par sa présence.
— Majesté pardonne-moi de t’avoir ennuyé avec mes problèmes, dit Shedet en s’agenouillant.
— Cela m’est égale, de plus tu me rappelle Miysis avant son entrée au Kep.
— Inutile de dévoiler ma vie à ce jeune homme, très bien je m’avoue vaincu. Prend autant d’or que
nécessaire et va sauver ta demoiselle.
La surprise de Shedet lorsqu’il relève la tête en un éclair, la tâche fut plus facile que prévu.
— Ai-je bien entendu? Tu acceptes nomarque? sourit le déchu.
— Oui mais à ton retour tu te rendras au nome de Kush, insiste Miysis en lui jetant son pendentif à l’effigie de la déesse Bastet. Si tu perds ceci les gardes te tueront sans sommation. Ta dette vient de…
Shedet disparut en un instant, la présence de ces deux hommes le rendit anxieux de peur qu’ils ne changent d’avis. « Par Thot, la fameuse cité de Kush! Le prix à payer pour cette femme devient un peu trop onéreux néanmoins je ne dois prendre aucun risque. Si jamais elle parle à mon sujet je serai foutu, qu’est ce qui m’a pris de tout lui raconter cette nuit-là? ».
Au port Munchkin, Shedet a affrété une felouque à voile solaire, ce voyage il le fera seul. « J’ai la petite bourse, le papyrus pour la transaction et il ne me manque plus que du temps ». Lorsque son regard balaye le port la silhouette de Kououiou surgit des blocs, tablette en main et visage acerbe, ce sont les signes qu’il vient pour lui. Shedet tente de partir mais ses mains s’emmêlent dans la corde, la voile est bloquée. « Allez saleté! Mon pouce est encore coincé… ». L’acharnement finit par fonctionner, avec une brûlure dans la chair, l’embarcation se faufile entre les barques des ouvriers déchargeant les dernières marchandises pour les chantiers. Ce dédale fait d’or et de cèdre blanc ne laisse pas sa voile solaire passer inaperçu, l’eau clair l’éclabousse sans cesse et une barque menace de le faire chavirer. Un objet lourd s’écrase dans sa felouque, la posture de Shedet vacille, il trébuche et menace de plonger la tête la première dans l’eau.
— Je peux savoir ce que tu fais? demande Kououiou en le menaçant avec le khépesh d’un garde, tu comptes t’enfuir en Moyenne-Égypte? Ton plan a finalement marché?
— Quel plan? Je me rends à Khem pour acheter des esclaves, regarde crétin!
Le pendentif du nomarque luit au soleil et éblouit quelques secondes Kououiou, à son regard Shedet comprend que ce traître Sittiu ne peut lutter pour le ramener. La felouque vacille à chacun de ses mouvements.
— D’accord mais je vérifierai les comptes à ton retour maintenant accoste près de la rive que je rejoigne le port à pied.
Shedet accède à sa requête mais une fois près du rivage le maître scribe trébuche et sauve de justesse sa tablette. Empêtré dans la vase il jure au déchu qu’il se vengera mais ses paroles sont indiscernables.
La voile doré hypnotise Shedet. Lors de la montée de la felouque jusqu’en Moyenne-Égypte, entouré d’embarcation de pêcheur Égyptien il dissimule son visage des derniers rayons de soleil et des regards. « Normalement je n’ai pas besoin de cette toge mais arborer cette marque me rend malade. Vivement que cette histoire s’achève… en réalité non puisque j’irai à Kush dès mon retour à Bast. Cette peste a intérêt à n’avoir rien divulgué ». Le voyage dure quatre heures en temps normal mais grâce à son embarcation légère il en gagnera une. Le zénith fait sortir les travailleurs pour manger tout comme les prédateurs. « La vallée du Nil me semble inconnu alors que je n’y suis pas revenu depuis un mois. Le statut de déchu a vraiment bouleversé ma vie. Pas de temps à perdre, le nome de Khem est encore loin ». Durant cette traversée Shedet s’oblige à ne pas regarder le paysage, seulement droit devant lui en espérant ne pas percuter une barque. Sa felouque est un ancien modèle appartenant au nomarque, il ne s’en sert plus depuis des années puisqu’il utilise un modèle volant. Néanmoins la felouque de Shedet rayonne parmi les autres, sa grande et large voile éblouit les autres navigateurs ainsi que les Égyptiens marchant le long des routes de terre. Les regards se tournent vers lui ce dont il redoutait le plus en pénétrant dans la vallée du Nil. « Les gens vont croire que je l’ai dérobée, misère cela veut dire que les gardes aussi vont s’y mettre ». Effectivement vingt minutes plus tard une barque de la garde royale lui barre la voie. Deux soldats sont présent, les deux embarcations poursuivent leurs routes toujours en direction de Khem.
— Que la grâce de Pharaon vous saluent gardes de Moyenne-Égypte, déclare Shedet sur un ton pompeux.
— Toi aussi voyageur, répond le garde, ta felouque est d’excellente facture. Elle t’appartient?
— Bien sûr que non elle appartient au nomarque Miysis du nome de Bast…
Les lances des gardes pointent immédiatement vers sa gorge mais le pendentif du nomarque pendouillant sur sa poitrine les retinrent.
— Regardez! Regardez! panique Shedet en dévoilant la preuve, le nomarque Miysis vient de me le confier.
Les soldats se calmèrent aussitôt, rangèrent leurs lances flamboyantes tandis que celui de droite descendit de sa barque en tombant dans l’eau. Toutefois grâce à ses sandales, et son équilibre, le garde est capable de marcher sur le Nil. « Impressionnant! J’ai toujours voulu essayer de marcher sur l’eau, mais c’est un privilège réservé aux gardes ».
— Et qu’est ce qu’un déchu fait dans la vallée du Nil? demande le garde les pieds sur l’eau, j’espère que tu as une bonne raison pour venir ici.
— Je me rends au nome de Khem afin d’acheter des esclaves. Le chantier à besoin de bras et les derniers ont purgés leurs peines… ou son morts.
— Très bien, mais si on te surprend à te balader dans la vallée du Nil, pendentif ou pas tu seras embroché.
— Je te conseille de te tenir à carreau, dit l’autre garde pendant que son collège grimpe, le grand Horus te surveille.
La barque se dégage de la voie, sa felouque vacille et Shedet comprend immédiatement que tout le monde l’observait. « Par Thot, ils savent tous que je suis un déchu! Non je deviens juste paranoïaque. Un sentiment qui ne m’a pas quitté depuis que je vis à Bast ».
La felouque reprend sa route à sa vitesse maximale grâce au puissant soleil. Arrivé près d’un champ de blé, le déchu menace de percuter un crocodile. Il l’esquive sur la gauche par une manoeuvre habile malheureusement le reptile en cachait un autre. L’embarcation se fracasse contre la peau écaillé de l’animal, le faisant réagir au quart de tour. Ce qui semblait n’être qu’un vague rocher d’une quarantaine de centimètre dissimule en réalité un monstre grand de six mètres. La bête mord, mâche et s’acharne contre la felouque du pauvre déchu, ce dernier utilise sa pagaie comme arme et l’abat à de multiples reprises sur le crocodile en hurlant:
— Aye! Allez fiche le camp! Aye! Aye!
Des Égyptiens, surement pêcheur au vu de leur attirail sur le petit pont, se joignent à lui en effectuant autant de bruit et de coup possible à l’aide d’une pagaie. Le crocodile s’enfonce dans le Nil et disparait en laissant flotter à la surface des morceaux de l’embarcation de Shedet.
— Tout va bien jeune homme?
— Oui, oui! halète Shedet en cachant son torse, je ne l’ai pas vu et j’ai foncé dessus. Thot soit loué je n’ai rien.
— On dirait que c’est la première fois que tu navigues sur le Nil. Fait attention à toi.
Malgré le courant emportant les deux bateaux, celui du pêcheur avance plus vite tandis que la felouque à moitié brisé se traine sur l’eau. La proue a disparu, le côté bâbord a été dévoré et une partie du mât menace de tomber. « Encore un coup du dieu Sobek. Ce n’est pas ma faute si ces reptiles sont peu visibles lorsqu’ils traversent l’eau. Par chance je suis encore vivant et Khem n’est plus très loin ».
La première chose que Shedet remarque, avant d’enfin arriver dans la ville de Khem, est le parfum doux et pur de l’air ambiant. Nombre de souvenir l’assaille aussitôt, les jeux d’enfants ou encore ses longues marches jusqu’au port en direction de Memphis. Il n’est pas à Per-Sobek mais tout le lui rappelle. La vue de ces simples Égyptiens lui donne presque les larmes. A bord de sa felouque mâchouillée et bosselée il atteint deux immenses pylônes décorés de statues du dieu Amon à son sommet. L’ensemble en granit est décoré d’or et fait paraître quiconque le traversant aussi minuscule qu’un bout de bois flottant. D’autres felouques et barques le dépassent à droite et gauche. Les adultes pestent contre lui, les jeunes l’ignorent et les enfants se moquent de sa lenteur notamment en voyant les pieds de Shedet immergés dans l’eau. Le port est un peu plus loin mais le déchu prend la résolution de s’arrêter au rivage sur sa gauche. De nombreuses barques à la fois de marchand et de noble bordent le quai propre et presque calme comparé à celui de Bast. Des coques s’illuminent avec les rayons du soleil et quelques unes semblent s’apprêter à voler. Les voiles de certaines felouques éblouissent Shedet tout comme l’eau propre et translucide du Nil donnant envie à n’importe qui de plonger et s’abreuver durant cette chaude journée. Shedet accoste près du rivage boueux et saute, juste avant le port. Corde à la main, il essaye de ne pas toucher l’eau ou pire glisser et plonger. « Ici personne ne me la volera, de toute manière dans son état je ne pense pas que quiconque la veuille. Je récupère Neith et ensuite je rentre à Bast, les gardes m’ont fait très peur tout à l’heure et je pourrais tomber sur des hommes pas très commode même avec ce pendentif ». Le déchu parcourt les terres meubles et humides, ses pieds savourent chaque instant comme si ils renouaient avec un ancien ami.
L’immense marché de Khem lui fait enfin face, un mélange de son, de parfum et de couleur typique de son ancienne vie. Alors qu’il progresse entre les étales de marchand à la fois de viande, de légumes et poissons tous issus de nome différent. Leurs cris pour appâter les clients sonnent comme un douce mélodie.
— Mon poisson! Venez goûter mon poisson! Pêché tout droit de mon élevage!
Les clients se pressent devant chaque étale toutefois Shedet a assez de place pour bien observer. L’odeur alléchante le rend presque ivre mais un détail le frappe en voyant les poissons. « On dirait des poissons du nome du Taureau recensé; son regard se porte sur le marchand, un homme gras aux dents recouvertes d’or et dont les vêtements en loque le rende peu attirant. Il y a un an je l’aurai cru néanmoins depuis mon excursion en Basse-Égypte je me demande si il n’aurait pas acheté à des
Sittiu ». Shedet relève la tête et repense aussitôt à la raison de sa venue, il part vers le Nord en direction du marché aux esclaves. Des toiles transparentes en lin abritent les clients de ce soleil vicieux et colore la terre comme une mosaïque. Des vêtements en lin de différents styles et couleurs attirent les femmes de toute la cité. Des orfèvres, dont leur atelier n’est à quelques pas, exposent bijoux, pendentifs et décorations diverses pour les demeures.
— Non je veux celui-là! crie une petite fille en montrant une boucle d’oreille en forme de serpent, tu m’avais promis papa!
— D’accord, rouspète son père, combien pour celui-là?
« Cela me rappelle moi lorsque je venais avec maman, enfin les rares fois où cela arrivait. Elle m’avait prit un kit de calame en bois pour que je dessine dans la terre. Je pourrai aller les rejoindre, les revoir mais je risquerai gros et j’ai fait une promesse ». Les femmes dominent cette zone par leur présence, peu d’homme passent dans ce coin notamment à cause du manque d’outils en vente. Shedet joue des coudes pour avancer et atteindre enfin une grande porte gardée par des soldats. L’un est immobile tandis que l’autre renseigne, ou charme difficile à dire, deux demoiselles en quête d’une direction précise.
La grande ville de Khem est divisé en plusieurs vastes quartiers à ciel ouvert et espacés avec la présence de petits groupes d’habitations. Ce nome est connu de tous dans le royaume avec une assez bonne réputation même si dans le langage familier on le compare à une sorte de Memphis du pauvre. Un bazar immense qui contient autant de produit que le royaume en compte mais de qualité moins bonne. La majorité des clients sont des paysans, artisans, etc… des gens communs, toutefois il est possible de croiser des nobles voire des membres de la famille royale sans pour autant que cela ne soit suspect. Chacun y trouve son compte en venant ici. Shedet arrive vers une vaste place aérée et décorée de statue de la déesse Hathor, divinité mère comme tant d’autres dans ce type de région afin de favoriser la bonne fortune. Le déchu essaye de s’engouffrer à travers la foule, amassée soit devant des spectacles de rue soit des parieurs aussi honnête que des criminels. Soudain une main ferme et décharnée l’agrippe et le paralyse sur place tel une chaîne. Son coeur se stoppe craignant que quelqu’un ait découvert son statut de déchu. Lorsqu’il se retourne, Shedet est face à une femme assez vieille, le visage couvert laissant juste apercevoir ses yeux bruns ravagés par une cataracte.
— Reste jeune homme, je te lis ton avenir pour quelques pièces d’argent, annonce-t-elle d’une voix mystérieuse.
— Non merci je n’ai pas le temps…
— La femme que tu cherches te causera des ennuis, réplique-t-elle aussitôt.
Ne pouvant se débarrasser de sa main à la force hors du commun pour une personne de cet âge, il s’arrête et répond d’un air sarcastique:
— Par tous les dieux, arrêtez votre numéro. Je suis un homme, il est évident que je recherche une femme qui me causera du soucis. Surtout celle-là d’ailleurs, marmonne-t-il.
— Non cette fois se sera pire, dit la voyante en lui tâtant la paume et levant les yeux vers le soleil, une partie de toi va se révéler sous notre dieu Horus. Un grand malheur va s’abattre dans ta vie…
— Que dois-je faire pour y remédier? panique Shedet en se rapprochant.
— Des talismans et offrandes te seront nécessaires, toi et ta future fiancée vous partagerez de grands moment de bonheur comme de grandes peines; elle lâche sa main et récupère un talisman en or de sa robe. Si tu le gardes sur toi, les démons et autres mauvais esprit s’éloigneront… hé reviens ici!
— Plus tard grand-mère, dit Shedet en s’éloignant, je n’ai pas le temps pour ses sottises.
Les voyantes et sorciers sont légions dans cette partie de Khem, la majorité des clients sont des femmes recherchant un peu d’espoir pour leur avenir. Un moyen de se prémunir d’un quelconque malheur vu dans des signes divers durant la journée ou alors pour nuire à une rivale. Les hommes viennent surtout la nuit avec toujours le même motif, un talisman ou une formule magique capable de s’attirer les faveurs d’une femme bien spécifique. « Pour d’autres mais pas pour moi. Ces balivernes ont coûté une fortune à ma pauvre mère et ce ne sont que des charlatans même si je dois bien avouer que ma poupée de glaise avait bien fonctionné sur Geburah. Je devrais peut-être le faire sur Miysis et devenir nomarque, cela m’arrangerai ». La destination est enfin proche, des canaux noyés d’eau clair traversent les rues et des fontaines abreuvent aussi bien les citoyens que les chats et chiens errants. Des marchands passent en force chargés de babioles discernables à travers les draps troués. Malgré les petits désagréments Shedet est heureux de vivre ce court moment.
La place des esclaves apparait enfin devant lui. Une large secteur avec peu de bâtiment çà et là notamment des restaurants d’où s’échappent une fumée clair et parfumée. Les scribes de tout les nomes attendent impatiemment de pouvoir acheter leurs futurs ouvriers. La plupart sont calmes, quelques saltimbanques essayent d’extorquer un peu d’or mais rien n’y fait. Une ombre géante recouvre la place, sur sa gauche Shedet aperçoit la statue de la déesse Hathor à tête de vache doré. Chatoyante de rouge, jaune et blanc, sa robe de lin pourpre flotte au gré de la brise. Cette statue est en réalité une partie du temple relié à son tour à une grande pyramide. Largement moins imposante que celle de Bast, ses quatre-vingt mètres de haut abrite la dépouille d’un prince. Son revêtement brun-rouge est couvert de hiéroglyphe décrivant un poème à sa gloire. Malgré la piété du lieu, notamment avec les différents temples cernant les sorties de la ville, les jeux de hasard et les paris pullulent. Shedet se faufile entre les spectacles de rues, les vendeurs presque honnête et quelques marchands ambulants louches. Des hommes couvert de la tête au pied d’un élégant habit en soie coloré, derrière eux trône une charrette aménagée comme un fourgon pour bête. D’après ce qu’il sait, si quelqu’un souhaite se fournir en drogue le meilleur moyen est de voir ces types. Ce sont des Égyptiens qui parcourent la Basse-Égypte et traitent avec les Sittiu. Une relation symbiotique illégale mais qui rapporte énormément.
— Hé jeune homme, appelle l’un de ses marchands, j’ai tout ce que dont tu peux vouloir dans ma charrette.
Le déchu l’ignore et accélère le pas, l’individu a dû voir sa bourse et reconnaître le médaillon qui pendouille sous sa toge.
L’échafaudage est enfin visible après de nombreux coude à coude avec les passants. Une ancienne place autrefois liée aux exécutions des ennemis du royaume. Un lieu si sanglant que la terre foulée par Shedet est encore rouge. La place devant l’échafaud se remplit progressivement, des hommes riches pour la plupart. Shedet remarque des nobles, des paysans fortunés et même des émissaires du nome de Kush reconnaissable avec l’emblème d’une cage à oiseau sur leurs vêtements. « Cela me rappelle tant de mauvais souvenirs. Ces yeux qui vous fixent pour savoir si oui ou non vous serez un serviteur rentable. Normalement j’aurais laissé Neith disparaître mais ayant moi-même subit cette épreuve j’aurai aimé que quelqu’un me sauve ». Shedet se fait pousser et emporter loin de la scène, le brouhaha et la foule ne le gêne plus depuis qu’il a travaillé au chantier. Le commissaire priseur rejoint l’estrade, le même type qui l’avait vendu. Un homme petit, barbue cette fois. Le torse nu et suant à grosse goutte à cause de la chaleur et la longue journée qui s’annonce. Son collègue, un homme deux fois plus grand que lui et moins bien à l’aise devant la foule, lui apporte un papyrus holographique.
— S’il vous plaît calmez-vous, dit le nabot après avoir parlé à son assistant, la séance va commencer. Soyez courtois entre vous et l’incident du mois dernier ne se reproduira pas.
Une cage approche de son côté gauche, des gardes de Haute-Égypte, venus de Ouaset d’après leur gravure sur leur cuirasse d’or, amènent les prisonniers enchaînés entre eux par des chaînes en fer. La plupart sont sains, sans doute esclave par nécessité, d’autres sont amochés et présente de nombreuses contusions. Aucune trace de Neith.
— Voici le premier lot de cette longue journée, un groupe de six hommes et femmes condamnés pour dettes. Nous les avons rassemblés car leur durée de travail sera d’un mois tout au plus. Ils se feront une joie de faire vos corvées les plus tenaces durant ce temps limité.
Shedet écoute à demi-mot les paroles du nabot qui l’irrite beaucoup, Neith est sa seule priorité. Sa main tâte la bourse contenant les diamants et pièces d’argent, l’anxiété le parcourt sans qu’il n’en sache la raison. Autour de lui les hommes enchérissent du mieux qu’ils le peuvent, certains avec du bétail, d’autres des pierres précieuses et la plupart de façon plus commune avec des céréales. Tout peut être vendu comme monnaie au royaume, la seule chose à savoir est le cours de la valeur des objets. La référence commune à tous les nomes est le kilo de blé. Dix kilos d’or valent seulement quatre kilos de céréales, un peu plus haut ces derniers temps à cause des récents évènements avec le romain Mors. Le bétail vaut un peu moins que le blé sauf le boeuf très prisé. Le commissaire priseur connait parfaitement la valeur des marchandises ce qui lui permet un dialogue plus fluide et très dynamique. Le lot revient à un paysan riche mais des esclaves pour un mois n’intéressent que peu de monde. Le deuxième lot est similaire au précédant avec une durée de trois mois cette fois. Shedet observe avec attention les différents prisonniers et cherche du regard le moindre signe de Neith toujours introuvable. « Elle doit être dans les lots suivants, enfin je l’espère. Par Thot, si sa peine est très élevée j’ai peur que ma bourse ne soit pas suffisante ».
Une heure passe avec des lots plus intéressants les uns que les autres. La chaleur est plus étouffante que prévu, Shedet ne cesse de s’essuyer le visage. Des hommes et des femmes punis par la loi du royaume défilent sur l’estrade, obligés de se constituer esclave sans quoi ils rejoindront les mines de cuivre cette nuit. Des larmes parcourt leur visage et du sang pour ceux ayant eu l’audace, et la stupidité, de vouloir fuir. Le moment tant attendu par le déchu arrive enfin. Deux femmes sortent d’un large fourgon aux barreaux de fer noir. Neith lui apparait aux côtés d’une Égyptienne suant à grosse gouttes et dont les larmes lui ont fait couler son fard aux yeux. Ses genoux tremblent tant qu’il lui est presque impossible de tenir immobile. Neith est tout le contraire, le regard figé sur le sol, son corps semble mou, sa vivacité que Shedet connaissait lui a été enlevé.
— Neith! crie Shedet au milieu de la foule bruyante tout en s’approchant de l’estrade, Neith je suis là! Lorsqu’elle aperçoit le déchu au milieu de la foule, son visage s’illumine, elle s’avance vers lui mais ses menottes solaires l’obligent à revenir à sa place. Ses yeux commencent à s’humidifier mais elle se contient notamment lorsqu’elle observe la foule animée.
— Voici notre dernier lot, le plus chère mais aussi le plus beau. Ces deux femmes ont été condamné à de lourde sanctions. L’achat de ces esclaves sera pour une durée de cinquante années et leur jeunesse vous assure une bonne assurance. Les enchères peuvent débuter, termine le commissaire tout souriant.
Sa joie disparait aussitôt en voyant une partie de la foule retourner à leurs occupations tandis que le reste en profite pour jeter des cailloux, fruits pourris et insultes à l’encontre de Neith.
— Sale chienne de traître! crie un homme au fond.
— Elle vient d’une famille de voleuse! hurle un autre.
Des pierres atteignent presque la demoiselle, furieuse de ces accusations. Ses poings se serrent et elle réplique:
— Je suis innocente bande de rats! Vous ne valez pas mieux que…
Un garde la gifle pour la faire taire, la foule exulte et rit tandis que Shedet, en colère, tente de rejoindre l’estrade. Les gens s’agitent beaucoup trop, il lui est difficile d’avancer comme si des sables mouvants l’entrainaient loin de son objectif.
— J’enchéris! crie plusieurs fois Shedet à pleins poumons en levant le bras mais sans succès. J’enchéris! Neith est à moi!
Une vieille femme grimpe l’estrade et dévoile une bourse pleine de joyaux. « Par tous les dieux! Ces chiens m’empêchent de bouger, je risque de finir piétiné. Il faut que j’atteigne l’estrade ». Shedet bouscule, fait trébucher des nobles et autres fauteurs de troubles. Par miracle, et beaucoup de force, le déchu atteint l’estrade tandis que le flot de personne est dispersé par la garde. Sa bourse pleine de diamants et d’or en main il l’agite au nez du commissaire priseur.
— J’achète la demoiselle, halète-t-il en l’attrapant par le coude.
Le nabot exprime une moue dubitative surtout en croisant le regard de la vieille femme.
— Désolé mais cette femme a déjà payé…
— Non j’ai crié que j’enchérissais en premier! La règle veut que je gagne le lot même en cas de débordement de foule.
— Baltasar l’un des ministre du nome de Kush a besoin de ces demoiselles, dit la vieille femme sur un ton étrangement calme. J’ai la priorité jeune homme.
Le commissaire priseur est dérouté, son assistant le rejoint paniqué, probablement à cause d’une punition de la part du nomarque de Khem suite à cet énième débordement.
— Je te reconnais toi! rit le nabot, tu étais l’un de mes lots il y a trois mois je crois. Je ne vais quand même pas accepter l’argent d’un déchu.
— Fais ce que dit le jeune homme, interrompt Neith en tordant l’oreille du nabot si fort qu’il en hurle. Il m’a acheté en premier.
— Gardes! s’agite le commissaire, gardes on m’attaque!
Un soldat assomme Neith sans sommation faisant paniquer Shedet tout de suite bousculé pour l’empêcher de lui venir en aide.
— Elle est a moi! crie le déchu. Je l’ai payée! Vous n’avez pas le droit!
— Gardes, dit le commissaire en se frottant l’oreille endolori, ces deux femmes appartiennent à madame Mésehét. Aidez-la à les placer dans sa charrette.
Shedet assiste impuissant à la scène, sa bourse est déversée sur le bois pourri de l’estrade. La charrette provenant du nome de Kush emporte Neith loin de lui.
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2023.07.12 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 55: Tension

Bonne lecture.
De retour à Bast après avoir galopé tranquillement à travers la frontière entre les nomes, Shedet arrive au palais. L’aurore s’achève bientôt et malgré l’avance sur le réveil de Miysis, le déchu ne se détend pas. « Par tous les dieux, comment vais-je faire pour la ramener? Toute cette histoire a finit plus mal que je ne l’espérais, heureusement Neith ne mourra pas enfin d’après ce que m’a dit la prêtresse. La garde du nomarque la cueillera lorsqu’ils s’apercevront de sa réelle identité. Une fois le travail achevé je la rejoins, elle pourrait me faire tomber et surtout elle possède sûrement des réponses sur ce que j’ai vu dans cette salle ». La jument est remise à l’écurie en silence sans que personne ne le croise, le cheval semble plus heureux après cette escapade. Si bien qu’il lui est difficile de la faire entrer dans son enclos, ses hennissements et ses coups de sabots sur place lui font perdre du temps.
— Messire puis-je prendre place? demande une femme Sittiu armée d’un tabouret et d’un seau.
Shedet s’écarte sans un mot, son coeur bat la chamade croyant qu’un garde, ou pire le nomarque, l’avait prit la main dans le sac. La demoiselle récupère le lait de la jument dans un beau seau décoré d’or et d’argent, le spectacle donna faim au déchu. Il s’empresse de rejoindre les cuisines du palais.
Les femmes Sittiu sont pressées d’achever le petit-déjeuner, le nomarque a toujours peu de temps pour manger mais aujourd’hui cela semble pire. Le fracas des ustensiles en est presque douloureux pour les oreilles. Une fumée clair emplit le plafond de la salle en plus d’un mélange d’odeur de légumes, viandes, sucre et de pain cuisant au four. Une vieille femme Sittiu, à la carrure digne d’une vache royale, couvre facilement le tintamarre avec sa voix, elle ne cesse de donner des ordres aux jeunes femmes. Ces dernières sont maigres presque famélique vêtue très légèrement pour contrer la chaleur.
— Layla! Le pain ne va pas sortir tout seul du four, allez! frappe-t-elle dans ses mains. Irina tu vas… hé maudit scribe qu’est ce que tu fais?
— J’ai faim. Par Thot, un scribe a bien le droit de manger.
La cuisinière s’approche de lui, l’air menaçant, mais le déchu ne tressaille pas. Sa bouche est pleine de gâteau au miel qui peine à descendre de son gosier. La main gauche de la cuisinière cachait une louche en cuivre qu’elle abat sur son crâne.
— Porter atteinte à un fonctionnaire de Pharaon est un crime, informe Shedet en postillonnant, laisse- moi manger deux minutes et je repars.
— Moi aussi je suis fonctionnaire idiot de déchu, et je ne devrais même pas te laisser manger vu que tu laisses nos hommes s’affamer au chantier.
— Seulement les fauteurs de troubles, corrige Shedet en croquant dans une carotte volée sur un tas de légumes, les autres se plaignent alors que j’ai augmenté le poids des céréales.
— Parce que Kououiou te l’a ordonné, maintenant termine et dégage ou c’est moi que le nomarque écartèlera.
Elle lui jette un pain aussi large qu’une casserole tout juste sortit du four. L’aliment brûle les paumes de Shedet dès son contact, ce dernier sursaute et le récupère au sol.
— Le nomarque va partir? demande Shedet avant d’arracher un morceau de pain.
— Oui mais je ne sais pas où, d’ailleurs en quoi sa te préoccupe? C’est pas toi qui va le nourrir.
— Du calme, rouspète le déchu, par tous les dieux, vous les Sittiu êtes si orgueilleux cela en devient fatiguant.
« Si le nomarque part durant l’après midi alors il reviendra demain matin, les dieux sont de mon côté. Je récupèrerai Neith et la garderai sous mes yeux le temps de savoir si je peux lui faire confiance. A moins qu’elle ne soit déjà réveillée prête à me vendre! ». La louche le cogne au sommet du crâne laissant échapper un petit cri.
— Fiche le camp scribe, les ouvriers t’attendent au chantier.
— Très bien, répond Shedet en attrapant une pomme rouge.
En sortant des cuisines pour rejoindre la grande pyramide, Shedet remarque l’arrivé d’un faucon messager aux ailes noirs se dirigeant sans détour en direction du bureau du nomarque. « Ce doit être une nouvelle importante, une très bonne ou une très grave mais cela a sans doute un rapport avec l’apparition du dieu Khonsou la veille. Ce dieu ne sort jamais du Cartouche et ses sorties sont souvent signe de malheur ». Le temps est au travail, devant la grande pyramide le tumulte semble bien triste pour Shedet. Seul près de la grande allée, il observe les statues de la déesse Bastet décorant les maisons. Une idée lui vient à l’esprit, une solution pour aider Neith s’il la ramène mais une voix éparpille ses pensées.
— Chef on a un problème, surgit calmement Caleb depuis le chantier, on m’a dit que t’étais au palais.
— Du calme! Je… quoi encore?
— Il nous manque du bois pour fabriquer un échafaudage, il nous faut aussi cinq cents mètres de corde et Aaron s’est blessé en tombant depuis la pente de sable.
— Blessé, marmonne Shedet en repensant à Neith, tu essayes de le couvrir j’en suis certain, reprend le déchu. Quand il est arrivé il était sûrement saoul et a trébuché. Ai-je raison?
Le silence de l’ouvrier répond de lui-même, Shedet déroule son papyrus électronique décrivant l’inventaire et importation du jour. Tout en esquivant les innombrables charrettes, il recherche une offre au nome des deux divinités afin de s’y rendre en discrétion mais rien de tel n’apparait dans le papyrus électronique. La précipitation du scribe rend mal à l’aise Caleb qui peine à le suivre. Lui aussi est bien saoul. Le déchu continu d’analyser l’inventaire dans l’espoir de contrer toute imprévu et surtout écourter cette journée. L’allée de sphinx menant au chantier est bondé de charrettes et d’ouvriers apportant des matériaux. Le chantier de la grande pyramide apparait avec à son bord les ouvriers déjà au travail. Shedet brise le long silence une fois arrivé près de sa tente:
— Je vais fermer les yeux sur ces incidents ce qui te fait une autre dette à ajouter à la liste. Pour ce qui est des équipements je vais voir avec les autres chantiers, nous avons du surplus et ils en auront sûrement besoin.
Caleb acquiesce, soulagé de pouvoir enfin partir cependant son enthousiasme disparait aussitôt.
— Hé Caleb, interpelle Shedet d’une voix presque anxieuse, Iouferséneb est revenu?
— Oui il travaille en ce moment au sommet à tailler les hiéroglyphes…
— Pourquoi tu ne me l’as pas dit! chuchote Shedet en essayant de l’apercevoir.
— Tu m’avais ordonné de ne plus le faire suivre, d’ailleurs tu avais raison, depuis hier il est bien portant
comme si il venait tout juste d’atterrir ici.
« Misère, je ne l’avais pas vu hier ou alors la présence de Neith m’avait déconcentrée avec ces histoires de pyramide. J’espère qu’il ne m’espionne pas ou pire me soupçonne de l’avoir espionné avec son camarade romain ».
— Chef? répète Caleb pour attirer son attention. Est-ce que je dois le faire surveiller?
— Non surtout pas! panique Shedet avant de reprendre calmement. Inutile, mes soupçons étaient infondés.
— Pourtant j’aurai juré que c’est encore d’actualité; Shedet le regarde avec étonnement, mais ce n’est pas toi qui a demandé à Geburah de le surveiller? demande Caleb.
— Quoi? s’écrie Shedet, pourquoi est-ce que ce crétin fait une chose aussi stupide? Part immédiatement reprendre ton travail et empêche-le par tous les moyens de continuer.
— Bah en fait il a aussi arrêté, informe Caleb se grattant la joue, depuis quelques jours il est sur les nerfs. Je crois qu’il dort pas; Shedet lui lance un regard sombre. Je fais travailler les ouvriers sur la statue de la grande porte en attendant la commande, panique le Sittiu avant de partir.
Shedet est désormais seul, hors de sa tente avec le soleil matinal masqué en partie par la pyramide il observe le sommet où les sculpteurs s’appliquent dans leur besogne. Sur un échafaudage proche de la pente droite il l’aperçoit, le faux Égyptien. Le Romain ayant aidé le frère de Neith, le traître. « J’ai beaucoup réfléchi à l’idée de le dénoncer mais je prends un gros risque. Officiellement Iouferséneb existe mais étant un déchu, l’administration a détruit son identité enfin en partie donc difficile de dire s’il est bien réel ou un imposteur. En plus s’il échappe aux autorités il risquerai de revenir me tuer. Ce maudit Geburah, qu’est ce qu’il a fait? Je dois rester calme et éviter d’attirer son attention ».
Dans la tente bien aérée, la pause déjeuner arrive enfin. Shedet fait sonner le cor puis attend avec impatience de pouvoir manger. Des femmes Sittiu lui apportent des plats au fumet exquis mais une fois devant, l’appétit disparait.
— Tout va bien messire? demande la jeune fille, les plats ne te conviennent pas?
— Si… je veux rester seul, ordonne-t-il avant de bailler.
Toutes se retirent en silence, une fois le rideau abaissé, les bruits des ouvriers riant et s’esclaffant durant la pause disparaissent au profit du silence. « Le sort de Neith me préoccupe-t-il autant que je le crois? Je pense surtout que c’est cette histoire avec Iouferséneb. Ce type me fiche la frousse, j’ai l’impression qu’il sait quelque chose. Son regard tout à l’heure quand je l’observais n’était pas celui d’un homme amical ». Un grognement retentit dans son dos, le sursaut le fit tomber de sa chaise. Kououiou était dans la tente depuis quelques temps, debout à l’observer comme un voleur.
— Qu’est ce qui te prends à t’infiltrer sans autorisation? vocifère le déchu en se relevant, tu es peut-être le chef des scribes mais ça ne te donne pas le droit de m’espionner de cette manière.
— Cela fait deux minutes que je suis là, informe Kououiou en lui tendant un papyrus, je ne sais pas à quoi tu penses mais ce devait être très préoccupant.
— Qu’est ce que c’est? Une autre de tes vengeance?
— Des nouvelles du royaume, dit Kououiou en déposant le papyrus sur la table, cela a égayée ma matinée.
Sur ces mots il se retire, le visage illuminé par la joie. « Quand il est dans cet état cela n’augure rien de bon pour moi ». Le papyrus noir attire immédiatement son regard, il le déploie en étant à la fois inquiet et curieux. En quelques secondes le texte le fait pâlir, un frisson lui parcourt l’échine, ses yeux peinent à se détourner des mots colorés d’or. « Le medjay Odion est… il est mort! C’est impossible! Il est l’un des guerriers les plus puissants du royaume! Les nouvelles ne le mentionnent pas mais je suis sûr que c’est la faute de ce maudit romain. Comment a-t-il pu le blesser? Par tous les dieux, maintenant je comprends pourquoi nous avons vu le dieu Khonsou ». Incapable de réfléchir après ces informations, et surtout à cause du manque de sommeil, Caleb fut désigné pour superviser les travaux. Shedet quand à lui peine à travailler tant la nouvelle le fit tressaillir, la mort du medjay n’est pas le problème mais le symbole. Cet évènement sonne comme le début d’une suite d’événement terrible pour le royaume.
Le cor de fin de journée sonne enfin pour tous et notamment Shedet se précipitant de ranger ses affaires. La distribution s’apprête à débuter chose que le déchu a complètement oubliée.
— Caleb! Te voilà, tu vas distribuer mais fait cela vite et de façon honnête sinon nous auront tous de graves ennuis.
— Je veux bien le faire mais je ne sais pas quelle quantité donner. Si t’as des problèmes chef va en parler à la garde.
— Tu te fiches de moi? Les gardes sont aussi utiles que des larves. Distribue les rations. Regarde c’est simple tu prends le verre et tu en donne l’équivalent d’un plein à chaque ouvrier et trois pour ceux qui ont des enfants. Ce n’est pas la première fois que tu assistes à une distribution alors tu n’as aucune excuse.
— D’accord mais…
— Kououiou viendra récupérer ce papyrus, ajoute Shedet en lui donnant l’objet. Ce qu’il restera dans le sac de grain sera à toi.
Entendre le nom de Kououiou fit grimacer Caleb mais il se détendit grâce à la récompense. Shedet s’empresse de rejoindre à pied le nome des Deux Divinités, une heure de course lui suffira pour atteindre le temple de Sekhmet.
La présence des gardes devant le temple ne ravit pas le déchu. Caché derrière une maisonnette, Shedet s’habille avec des vêtements de paysan tout en cachant sa marque sur le torse. Les enfants qui rejoignent une sorte de restaurant l’aperçoivent, un ballon en main, et tous se crispent à la vue de cet Égyptien.
— Fichez le camp les gosses où j’appelle Ammout pour qu’elle vous dévore.
Les cris des enfants alertent les gardes qui découvrent Shedet caché comme un voleur.
— Qu’est ce que tu fiches ici toi? demande le garde droite au front balafré.
— Ce matin j’ai déposé ma femme ici pour la faire soigner après une chute, informe Shedet en s’approchant du temple. Je suis juste venu prendre des nouvelles.
— Ah oui laisse-le passer Chésenti, dit le garde à la joue brûlée, la prêtresse nous avait prévenu qu’il arriverait.
Le garde à la joue brûlée s’écarte contrairement à son collègue fixant avec férocité Shedet et notamment sa poche bombée. Le déchu essaye de franchir le seuil du temple, d’abord par la gauche puis à droite mais le soldat insiste pour rester un obstacle insupportable.
— Qu’est ce que tu fous Chésenti? Si la prêtresse te vois elle nous fera castrer!
— Regarde sa poche, je me demande ce qu’elle contient…
— Des plantes médicinales et des graines de tournesol que je mangeais sur la route, panique Shedet en reculant d’un pas.
Le soldat à la joue brûlée observe son collègue d’un regard emprunt de malice, ce dernier comprend aussitôt le message.
— Fais voir ce que t’as, protocole de sécurité du temple.
— Ouais, sourit l’autre, tu récupèreras le contenu après ta visite.
« Mon oeil, ces gardes veulent seulement un pot-de-vin. Maudit soit ces vauriens, je les hais autant que les Sittiu, peut-être même plus ». Shedet tente de passer en force mais la lance du soldat au front balafré rougit sans préavis, la pointe brûle l’avant-bras du déchu.
— Au nom de notre grand Pharaon laissez-moi passer où vous le regretterez! menace Shedet en soulageant sa brûlure.
— Et qu’est ce que tu vas faire le déchu? Et oui ta marque fais briller mon pendentif tu crois qu’on t’aurai pas remarqué.
— T’as de la chance, ajoute son collègue, sans ton titre de scribe maître on t’aurait embroché…pour s’amuser.
— Gardes que faîtes-vous? s’écrit la prêtresse Sémenet surgissant depuis l’entrée de la salle hypostyle. Les deux soldats se retournent et s’inclinent à l’unisson face à la prêtresse qui avance d’un pas furieux.
— Nous effectuons seulement une fouille, cet individu est suspect…
Chacun se prend une gifle, le choc résonna sûrement à travers tout le nome, Shedet à mal pour eux.
— Lorsque je vous donne un ordre vous l’exécuter sans sourciller, appuie-t-elle d’une torsion à l’oreille au soldat à la joue brûlée. Dois-je vous rappeler que vous êtes au service de la déesse Sekhmet? Votre extorsion est un blasphème. Je pense qu’une trentaine de coup de fouet vous remettront sûrement sur le droit chemin.
Les mots prononcés par la prêtresse tétanise Shedet connaissant parfaitement la douleur effroyable du fouet caressant la peau. Son dos meurtri se met à brûler et picoter de toute part. Le visage de Sémenet se tourne vers le déchu en changeant aussitôt d’expression. Avec un regard doux et un sourire sincère elle déclare:
— Ta femme va mieux jeune homme, je pense que ta visite lui fera du bien. Si les dieux le veulent elle se réveillera sans doute à ton contact.
— J’en suis soulagé, expire Shedet, j’ai hâte de la revoir.
La prêtresse amène le déchu au détour de nombreux couloirs en direction de la salle des soins. Quelques fois elle s’arrête afin de nettoyer les taches de poussières sur les gravures sacrées ou ramasse un pot renversé par le vent. Tout en fredonnant elle astique le visage de la déesse Isis. L’or et l’émeraude luisent face au crépuscule, le vent se lève dans le vaste jardin, les dattiers et les roseaux près du petit lac sont secoués. « Elle ne m’a pas l’air au courant de l’identité de Neith, ce n’est pas étonnant, tout le monde en Basse-Égypte se fiche du reste du royaume. Il y a tellement à faire surtout en tant que fonctionnaire. En tout cas j’ai dû mal à croire qu’elle me prend pour un paysan. Les gardes ont tout de suite découvert que je suis un déchu, les prêtresses de la déesse Sekhmet sont réputées pour leur férocité. Dès que je retrouve Neith je m’enfuis ». Affublé d’un beau sourire et tout en marchant avec grâce la prêtresse Sémenet demande:
— Depuis combien de temps êtes-vous marié?
— Deux ans environ, répond-il sans broncher, demandez à ma femme elle s’en souvient mieux que moi.
— Et bien mes félicitations, vous êtes un homme chanceux, votre femme est une véritable beauté. Trop pour être une simple paysanne.
— Elle n’a pas toujours été paysanne, en réalité… mon épouse travaillait beaucoup en tant que servante çà et là à Ouaset. Déjà à l’époque on lui reconnaissait son étrange beauté.
— Si cela l’intéresse elle pourrait travailler dans le temple, je suis certaine qu’elle adore la déesse Sekhmet.
Son regard, lorsqu’elle se tourne vers Shedet ne lui plait pas, le nettoyage des murs à chaque passage devient assez déroutant. « Les mensonges traversent mon esprit sans difficultés mais pourquoi joue-t-elle l’ignorante? Connait-elle vraiment l’identité de Neith? ». Au détour d’un quatrième couloir, Shedet découvre la maison de la guérison. Cette fois il prête attention au décor de l’immense salle. Ce lieu est destiné à soigner les malades et blessés, en Basse-Égypte ce sont surtout des ouvriers et paysans. La vue de ses Sittiu se tordant de douleur ne fait rien au déchu, autrefois il aurait jubilé face à leurs souffrances. Les lits sont fait de feuilles de palmiers tressées avec une finesse spectaculaire, les dossiers en bois proviennent du même arbre et les patients sont couverts de toile en lin finement cousu avec des pièces différentes d’un lit à l’autre. Les malades sont calmes même si certains gémissent ou se plaignent de vouloir de la visite néanmoins lorsque Shedet les contourne, quelques regards anxieux se braquent sur lui. « Misère j’en connais quelques un, certains des ouvriers loués au chantier et au moins trois de ceux que je vois ont travaillé sous ma supervision. Ils m’ont l’air trop épuisé pour parler mais je dois quand même faire attention ». La prêtresse s’arrête devant le lit d’une femme enceinte, d’autres jeunes Sittiu, enceinte aussi, sur les lits adjacents attendent sûrement le moment de leur accouchement sans montrer le moindre stress. Un lit bien ordonné et parfumé au lotus retient Neith, la demoiselle dort paisiblement sans montrer la moindre douleur. Des bandages entourent son ventre là où le sang ne cessait de couler lorsqu’il la portait. « Thot soit loué elle n’a pas parlé, enfin j’espère mais si elle est encore inconsciente je ne pourrai pas la ramener ». La prêtresse observe le déchu du coin de l’oeil, il rejoint la droite de la blessée en déclarant d’une voix peu crédible:
— Mon amour tu es en vie! Que les dieux soient loués!
— Je te laisse jeune homme, je reviendrai tout à l’heure pour lui donner quelques médicaments, informe Sémenet.
Alors qu’il observe la prêtresse quitter la zone, toujours envoûté par le parfum qui émane d’elle, Neith lui attrape le poignet et ouvre un seul oeil:
— Fais semblant que je sois inconsciente, des gardes me surveillent, chuchote-t-elle.
— Tout va bien? demande Shedet abasourdit par sa vivacité, la prêtresse ne m’a rien dit de mauvais sur ta santé.
— Oui, merci de t’en soucier mais il faut que tu me sortes de là. Je crois qu’ils savent qui je suis…
— Je leur ai dit que tu es mon épouse, prévient Shedet. Repose-toi et je te ramènerai à Bast et tu pourras vivre un temps en sécurité.
— Non! interrompt-elle en serrant les dents, nous partons maintenant, je viens de te dire qu’ils savent qui je suis.
Shedet lève la tête et observe les alentours, tout est calme. Penché au-dessus de la terrasse, il aperçoit les gardes faire leur ronde dans les couloirs. Le silence en devient presque aussi terrifiant que dans la pyramide. Après s’être assuré que personne ne soit dans les parages, il déclare:
— Est-ce que tu peux marcher? elle répond d’un lent signe de tête, dans ce cas nous partons. Nous rejoindrons Bast et tu t’y cacheras le temps que je te trouve quelque chose.
Il la prend par la main tout en observant par-dessus son épaule que personne ne surgisse. Neith est épuisée, silencieuse et tout aussi terrifiée que Shedet. Ce dernier veut lui demander ce qu’il s’est passé dans la pyramide. Quoi ou comment a-t-elle été blessé mais le moment n’est pas le plus opportun.
Le couple arpente les couloirs Ouest du temple, une zone peu fréquentée par les fidèles. Shedet avance d’un pas décidé tout en trainant Neith par le bras et encore sonnée par les calmants. « Nous ne sommes qu’a quelques mètres de la sortie, je dois rester calme ». Durant un moment de lucidité Neith demande d’un ton faible:
— Pourquoi tu es revenu?
— Tu préfères que je te laisse? répond le déchu tout agacé, c’est à cause de moi que tu as été blessé. Il faut aussi que je te parle de quelque chose d’important…
Deux gardes parcourent le couloir tel des machines en direction de la sortie du temple. Shedet voit dans la poche du garde de droite la chaine en argent d’un pendentif. « Ces chiens volent en toute impunité les offrandes pour les dieux, qu’est ce que je raconte! Ce n’est pas le moment de perdre ma concentration ». Le couple parcourt le long couloir menant d’ordinaire à la salle des offrandes. Des assistantes de la prêtresse balayent le sol poussiéreux, les paupières presque closent. Des draps de soie blanc transparent se balancent entre les colonnes et permettent à Shedet de passer inaperçu.
— On y est presque Neith, il faudra marcher un peu avant de…
La pointe d’une lance lui touche la gorge, prête à le transpercer à travers l’un de ses rideaux s’il avait avancé d’un pas supplémentaire. Le visage de deux gardes, différent des précédents, ne le quitte pas du regard, Shedet observe Neith toujours aussi vidée de son énergie.
— Ta soi-disante femme n’est pas encore rétablie. Serais-tu à ce point amoureux d’elle ou alors est-ce un enlèvement? demande la prêtresse sur un ton sarcastique.
— Je… je l’emmène prendre un peu l’air, corrige Shedet, l’encens du temple lui brûle les poumons. Pas vrai mon amour?
Neith ne répond que par un léger hochement de tête même si son mensonge semblait presque vrai.
— Toi, dit la prêtresse au garde proche d’elle, ramène la ravissante paysanne dans ses quartiers. Toi embarque-le chez le nomarque, je vais montrer ma prise à un homme qui sera ravi de le voir.
Shedet observe Neith se faire emmener loin de lui, la panique l’envahit surtout lorsque la lance du garde impatient lui entaille le bras.
— Allez sale déchu! grogne le soldat, avance dans cette direction, ordonne-t-il en désignant le grand palais du nomarque visible depuis le jardin.
La prêtresse accompagne Neith, sûrement dans l’espoir qu’elle ne s’échappe pas mais cette femme est maligne. Elle lui a donné assez de calmant pour empêcher une lionne de marcher, Neith ne doit même pas savoir ce qui lui arrive. « Par Thot, je suis foutu! Neith sera emmenée dans les geôles et si elle parle je serai un homme mort! ».
Le grand palais du nomarque Paramessou n’a rien à envier à celui de Miysis, la seule différence est la divinité vénérée, la déesse Sekhmet et Taouret. Des statues de lionnes et d’hippopotames femelles de plus en plus grandes flanquent les marches d’escaliers dont deux protecteurs royaux à tête de lionne au sommet. Ces derniers ont leur cuirasse de corindon noir illuminée par le soleil couchant. « Je doute qu’ils furent réactivé pour moi, sûrement à cause de cette histoire de romain ». Rien qu’à y penser le ventre de Shedet se tord, le romain nommé Mors a réussi à tenir tête au puissant medjay Odion. Son espionnage au pôle Nord aurait pu le faire tuer et ce des pires manière à en juger par les rumeurs sur l’état de santé du medjay avant sa mort. Le garde qui escorte Shedet est muet mais à chaque fois qu’il le pousse, le déchu ressent sa frustration, sans doute perd-il du temps à racketter les Sittiu. En parcourant le couloir menant au bureau du nomarque, Shedet aperçoit le large bras du Nil et son port bien plus petit que celui de Bast. En effet les importations, et surtout exportation, de cette région sont majoritairement liées aux denrées alimentaires. Seules des barques pleines de céréales ou de semis sont présentes prêtes à quitter la région. La colossale porte du bureau s’ouvre et laisse échapper un parfum de sucre et de fruit mais parmi ces arômes l’un familier surprend le déchu. « Le lotus jaune? Alors Miysis serait ici? ». Ces doutes se confirme quand Shedet aperçoit le nomarque de Bast nonchalamment assit à renifler une fleur de lotus tandis que son hôte, le nomarque Paramessou, observe avec attention le déchu entrer dans la salle. Le bureau du nomarque est moins enclin au divertissement, plus au festin. Paramessou est un homme bien plus gros que le frêle Miysis. Ses habits sont une simple toge jaune brodé de fil d’or décrivant une tête de lionne. Son bureau est en cèdre blanc mais ses tapis en peau de lion dont la tête fit sursauter Shedet.
— Alors c’était vrai, voilà mon scribe, dit Miysis sur un ton sarcastique. Je me demande ce qu’il fait loin de chez lui.
— D’après ma ravissante prêtresse ton déchu nous a apporté une femme blessée que j’ai eu la gentillesse de soigner, se vante Paramessou.
Shedet commence à paniquer, sa bouche refuse de parler de peur que ses excuses le relie à Neith ou pire son frère.
— Inutile de stresser Shedet, rassure Miysis, je sais tout ce que tu as fait ce matin. En revanche je ne comprends pas tes motivations à sortir hors de Bast durant la nuit. Je t’écoute, dit le nomarque en jetant le lotus sur la table devant lui.
— Je voulais simplement récupérer du miel car elle en voulait, dit Shedet sur un ton monotone. Nous nous sommes aventurés un peu trop près du pôle Nord et une bête nous a attaqué. Je le jure tout ceci n’avait que pour seul but de la charmer.
— Alors comme ça tu ne perds pas de temps. Il est vrai que cette fille est d’une beauté rare, je devrais peut-être la garder pour moi: Shedet se crispe faisant rire de plus belle le nomarque de Bast. Je plaisante… en tout cas les dieux soient loués ma jument n’a rien eu, répond Miysis, cela aussi elle te l’avait demandée? De prendre ma jument préféré pour votre escapade?
— Oui mais… j’ai fait très attention à ne pas la blesser.
Miysis l’observe d’un visage furieux avant de s’arrêter pour rire.
— Je plaisante, mes palefreniers m’ont dit que ma jument était plus joviale par rapport à hier. Cette sortie l’aurait égayée et cela s’est même ressentie dans son lait, je devrai te le faire goûter Paramessou, propose-t-il à son hôte.
— Je préfère le lait de lionne, dit le nomarque en avalant quelques grains raisins violet, bon j’en ai assez de plaisanter. Je garde le gamin comme paiement pour les soins ainsi que la récompense pour la capture de la fille du trésorier.
Shedet se fige de stupeur, l’identité de Neith leur est déjà connu. Son crime à Memphis doit être plus sérieux qu’elle ne lui a avoué.
— Je te propose un autre marché, dit Miysis à la grande surprise de Shedet, je garde le gamin et tu prends la récompense de la fille. Je te rappelle que c’est lui qui l’a trouvé sur mon territoire, les dieux seuls savent comment.
L’hôte l’observe d’un regard torve après avoir dégusté sa pastèque, puis se met à rire.
— Tu es drôlement attaché à ce gosse, ne me dit pas que c’est l’un de tes enfants, plaisante le nomarque.
La blague ne fit pas rire Miysis, néanmoins il se force à sourire. Malgré son amour pour les femmes Shedet ne l’a jamais vu avec des enfants. Les mômes illégitimes sont monnaies courantes chez les nobles et certains reviennent se venger de leur parent.
— Je vais avoir besoin de lui pour une mission, reprend Miysis en déposant son verre de bière vide, lui et personne d’autre. En échange je te donne quatre blocs de granit inutilisé de mon chantier Sud et je ferme les yeux sur la statue en argent pur que j’ai vu dans ton palais.
La réflexion fit cracher l’hôte qui dévisage avec terreur Miysis. Le vin lui sort du nez tout en dégoulinant sur le beau tapis en peau de lion. Cette fois c’est Paramessou qui se force à sourire.
— Alors, on fait comme ça? demande Miysis après avoir dévoré une datte au miel.
— Cela me parait honnête, dit Paramessou tout tremblant.
— Quand à toi Shedet nous reparlerons de tout cela prochainement, en attendant je crois qu’une bonne
nuit de sommeil te fera du bien.
L’hôte du palais fait un signe de main au garde. Ce dernier attrape le déchu par le bras et l’extirpe hors du bureau. « Ce sauvetage est un échec complet. Par Thot, que va-t-il arriver à Neith? Va-t-elle parler de ce que nous avons fait pour sauver sa peau? Et Miysis, ce sale chien, s’il a besoin de moi il m’enverra sûrement en mission dans un nome sordide ».
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2023.07.11 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 54: Un oiseau de mauvais augure

Bonne lecture.
De retour au Cartouche, dans la haute cour de Pharaon, le medjay Marek faisait son rapport au grand Pharaon entouré de sa cour. Au pied des marches menant au trône obscur, Marek est cerné par les oreilles attentives de la reine Nefertari et du Vizir Rahotep. Le scribe, et fils, Siatoum rédige le rapport tandis que le porte éventail Sikhépri se contente de rafraichir le trône ténébreux de son père. Toutefois la présence de deux autres membres de la famille royale perturbe le bon déroulement du rapport.
— Malheureusement ma cible se trancha la gorge par désespoir sur la lame du medjay Odion, déclare Marek agenouillé en face du khépesh de son frère posé dans un socle en cèdre noir. La zone a été entièrement incendié, plus aucune trace ne subsiste. Ô grand maître des trois terres j’implore votre pardon pour cet échec, punissez-moi comme vous le conviendrez, ajoute-t-il en se prosternant davantage jusqu’à ce que son front touche le sol.
Un silence s’installe, la grande épouse royale Nefertari observait son époux puis déclare d’un ton serein:
— Inutile medjay, ton frère et toi avez fait du bon travail. Tes observations nous serons d’une grande
aide pour la suite de cette mission. Il reste encore des zones d’ombres sur les raisons de la venue de ce romain notamment la façon dont il a pu rejoindre nos terres. Mais cela n’a pas d’importance, désormais nous devons stopper les dégâts commis par ce déchet et anéantir son héritage.
— Du bon travail? s’étouffe le prince sur sa gauche, mère vous ne pensez pas un mot de ce que vous dîtes j’espère? Il a aussi laissé son frère mourir, j’appelle cela un échec cuisant.
L’individu se lève et se rapproche du medjay, cet homme est le prince Mérenptah, général suprême des armées du royaume depuis bientôt quinze ans. Sa réputation de guerrier n’est plus à faire parmi ces hommes, on le dit plus habile au sabre que n’importe qui néanmoins son coté fanfaron a maintes fois attisé la colère de son père et vizir Rahotep. Habillé d’un pagne blanc fait d’un métal aussi solide que l’acier et plus léger que le lin, un large collier en forme de faucon déploie ses ailes le long de ses pectoraux. Sa taille de deux mètres et demi le rend intimidant lorsqu’il s’approche de quelqu’un. Son crâne rasé laisse pendouiller une mèche de cheveux brun, presque rouge à la lumière, sur le côté droit. Son arme de prédilection est le khépesh mais d’une taille modeste pour sa carrure. « Pourquoi Pharaon ne me parle plus? panique le medjay Marek. La reine m’a bien dit qu’il est fier de moi, alors pourquoi ne me parle-t-il pas? Pourquoi je ne l’entend plus! ».
— Quelles raisons ne t’ont pas poussé à sauver le medjay Odion? peste Mérenptah. Ton frère qui plus est. Certes tu avais des ordres mais de là à laisser le grand medjay se faire massacrer, quelle honte. Tu mériterais que je te coupe les bras pour les faire remplacer par des éventails. Au moins quand tu brasseras de l’air cela me rafraîchira, grogne le général.
— Du calme Mérenptah, répond une voix d’homme à coté de la reine, tu te ridiculises devant la haute cour. Enfin ce n’est pas comme si nous n’en avions pas l’habitude.
— Oh c’est bon! Le peuple n’est pas présent, je veux juste savoir pourquoi il n’a rien fait pour son sauver son frère. Au sein d’une armée la fraternité est le ciment qui relie les soldats. Le medjay Marek sert parfaitement notre famille mais il manque de sentiment et de discipline envers ses camarades.
— Ne nous prend pas pour des imbéciles, ajoute la voix d’homme, nous savons tous ce qui te tracasse avec cette mort.
L’individu n’est autre que Amonherkhépeshef, le fils ainé de Nefertari et prince favori à la succession au trône. Grand de deux mètres soixante-dix, le corps aussi imposant que le medjay et vêtu d’un pagne noir dont la boucle de ceinture est celle d’un bélier. Contrairement à son frère Mérenptah, Amonherkhépeshef possède une belle chevelure rousse comme son père. Sa coiffe en or les met en valeur, beaucoup disent que cela est la preuve de sa légitime succession. D’autres affirment que c’est un signe divin car il est le seul à avoir cette couleur de cheveu aussi vive. Amonherkhépeshef a réussi à survivre à ses frères et soeurs ainés, mort par assassinat ou de maladie, aujourd’hui il est l’enfant le plus agé. Mérenptah allait protester mais son frère ajoute:
— Tu as bien entendu le rapport? Odion était condamné dès sa première altercation avec le romain, rien n’aurait pu le sauver. Le medjay Marek a cru bon ne pas intervenir pour observer et se préserver de tout futur danger. Néanmoins c’est une grande perte pour le royaume et cela m’attriste davantage de voir que toi Marek cela t’es égale, ajoute Amonherkhépeshef sur un ton désapprobateur.
Le medjay, la tête toujours baissée, écoute ces paroles mais cette fois son coeur bat un peu plus vite et les muscles de sa mâchoire se contracte. La colère commence à l’envahir néanmoins son titre de simple noble l’empêche d’exprimer son point de vue sauf si on le lui demande.
— Le medjay Odion a parfaitement servit le royaume, déclare Nefertari, sans lui cette menace romaine aurait crée davantage de problème. Marek n’a fait que suivre les ordres en observant cette menace de loin et je suis satisfaite de son rapport. Maintenant calme-toi mon enfant.
— Je le sais très bien, s’énerve Mérenptah, le problème est qu’Odion me devait un combat et je suis sûr que cette fois je l’aurais battu. J’ai longtemps attendu et cela en vain, quelle plaie! Par tous les dieux, le sort s’acharne sur moi.
— Attitude puéril, marmonne Amonherkhépeshef.
— Les dieux en ont voulu ainsi, dit Nefertari en se tournant vers son mari toujours caché dans la pénombre. De toute manière mon fils tu n’as pas besoin de prouver ta force, tout le monde sait que tu es l’un des guerriers les plus puissants. Je ne tolèrerai plus que tu mettes inutilement ta vie en danger ni celle de tes frères.
— Ces explications ne me plaisent absolument pas, dit Mérenptah en effectuant quelques pas près du medjay, néanmoins je suis parmi les meilleurs désormais peu sont capable de me vaincre. Toutefois est-ce légitime de le penser sans pouvoir le prouver aux yeux de tous? marmonne-t-il en jetant un rapide coup d’oeil sur Amonherkhépeshef.
Depuis le début Mérenptah lorgne avec beaucoup de convoitise le sabre colossale du medjay Odion, ses pieds ne cessent de le contourner d’après ce que voit et ressent Marek. « J’espère qu’il ne la prendra pas, ce khépesh est si lourd qu’il sera incapable de le manier. Mérenptah est très fort je le concède mais il n’a pas l’habitude des armes aussi grande. Le voir la manier le ferait tourner en ridicule devant la cour, cela ne doit pas arriver ». Par chance le général se retire pour se rasseoir de nouveau, sans doute la vue du khépesh colossale le démotiva.
— As-tu apprit des choses que ton frère n’a pas pu voir? enchérit le Vizir.
— Le romain nommé Mors a affirmé lors de la dernière rencontre avec le medjay qu’un complice se terrait dans notre royaume. De plus des rumeurs fondées font état d’un culte propagé durant la cavale de Mors, des assistants selon leurs termes.
— Et tes rumeurs sont fondées medjay, répond le Vizir, des Sittiu et Égyptiens ont été découvert prêchant des paroles blasphématoires. Nous devons les interroger et en apprendre plus sur cette soi-disante nouvelle religion.
— Le romain avait énoncé un mot pour ses disciples: des apôtres, déclare le medjay. Une sorte d’assistant qu’il aurait crée durant ses passages aux nomes. Toutefois, si je puis me permettre, je ne suis pas certain que ce problème soit important. Cette mixture contamine tout ce qu’elle touche et cela pourrait devenir catastrophique.
— Non medjay, interrompt la reine. Les quelques positions connues de ces apôtres, ajoute Nefertari, concorde avec le passage de Mors à travers le royaume décrit par Odion. Ta mission sera de les traquer, les interroger et les éliminer avant que la menace ne se répandent.
— Tu dois aussi retrouver le complice de Mors, ajoute le Vizir, ainsi que cette arme dont il a fait allusion dans ton rapport…
— Non il devra la détruire, interrompt Nefertari.
Le medjay Marek leva la tête par curiosité, les mots de la reine sonnèrent comme un ordre soufflé précipitamment par Pharaon. Ses yeux se baladent vers son souverain toujours silencieux et caché dans la pénombre. « Sa santé décline, par Ammout, seule la reine est capable de lui adresser la parole désormais. J’entends a peine ce que dit notre grand souverain ». Le prince Mérenptah se relève encore une fois en direction du khépesh et annonce:
— Mère c’est inutile de lui confier une mission, ce déchet va encore échouer. Je m’occupe de la suite et ces apôtres ne feront pas long feu.
Alors qu’il s’apprêtait à s’abaisser pour récupérer l’arme colossale, son frère le retint en déclarant:
— Arrête tes enfantillages Mérenptah cette mission sera pour Marek comme l’ordre medjay l’a toujours fait. Il exécutera sa mission à la lettre. Tu es aveuglé par ton immaturité petit frère, ouvre les yeux, Odion t’aurait battu sans le moindre mal et tout le monde le pense dans cette cour.
L’ambiance digne d’un brasier devenant incontrôlable, la reine avance de quelques pas pour s’interposer en cas de conflit entre ses fils, néanmoins l’agressivité du général déborde.
— J’exécuterai la volonté de notre chef suprême, dit Marek la main droite sur le coeur. La mission sera un succès je le garantis devant toi maître suprême mais aussi les dieux.
Le vizir lui jette un papyrus électronique qu’il récupère en plein vol.
— Tu vas commencer tes recherches au nome de Kush, informe le Vizir, le vice-roi te demande car il possède des pistes solides sur cette affaire.
— Mais le romain ne s’est pas aventuré au nome de Kush, fustige Nefertari, le medjay ne doit pas écouter les ordres de ce souverain de pacotille. Marek tu dois refaire le parcours du romain et ainsi…
Comme prévu, la reine rechigne à accéder aux requêtes de princes qui ne soient pas ses propre enfants. Toutefois elle se tut un instant en se penchant du côté de son mari avant de grimacer comme une enfant que l’on réprimande. Nefertari se retourne en face du medjay et déclare:
— Le medjay Marek devra répondre à l’appel du vice-roi Amenemopet et s’y rendre aujourd’hui.
— A vos ordres votre majesté, répond Marek, pour ce qui est du khépesh du medjay Odion que dois-je en faire? demande-t-il en regardant brièvement le prince Mérenptah.
— Je le veux, ordonne une voix masculine à l’entrée de la haute-cour.
Tous se tournent vers la grande porte d’entrée, le côté lumineux de la salle du trône laisse apparaitre une silhouette imposante lentement émerger des escaliers. L’homme est grand de deux mètres soixante-dix, le corps entièrement recouvert de bandelette de lin grise, de nombreux morceaux virevoltent lors de ses déplacements. Une toge bleu nuit lui recouvre les épaules, un aigle et une lune en croissant sont brodés de fil d’argent sur le torse. Son visage ne laisse apparaitre que ses yeux aux pupilles d’or, des trous pour ses narines et sa bouche. Sa tête est couverte d’un ménès d’or et de lapis-lazuli. Une ceinture en or à la taille laisse pendre son khépesh dont la pointe de la lame racle les marches de l’escalier avec un tintement presque mélodieux. Cet homme ressemble toujours à une momie revenu d’entre les morts mais personne n’est assez stupide pour le lui faire remarquer.
— Prince Khonsou! s’étrangle le Vizir. Par tous les dieux, tu as réussi à revenir!
Un rire s’échappe de la bouche de Mérenptah, son regard se change en celui d’un faucon ayant trouvé une proie. En un éclair il s’abaisse et récupère le khépesh du défunt Odion, la lame se soulève sans problème et, avec ses deux mains, la brandit au-dessus de son épaule tout en sprintant vers sa proie.
« Par Ammout, le général va perdre c’est certain, pense Marek en se postant près du Vizir ». Mérenptah traverse le centre de la cour d’un seul bond en ne prenant appuie que sur une pierre servant de ponton. L’écho de sa voix transmet son cri guerrier sûrement audible depuis le Harem, le colossal khépesh est prêt à s’abattre sur sa cible stoïque. Le regard de Khonsou n’exprime que de la déception et du ressentiment envers son adversaire. Mérenptah assène un coup vertical puis feinte en tournant sur lui- même pour attaquer sur le coté droit, la vitesse de l’enchaînement impressionne Marek. Alors que la lame du khépesh vire au blanc grâce à la chaleur, Khonsou l’attrape avec l’aide de sa main gauche avant de la repousser. La main carbonisée du prince se régénère en un quart de seconde, Marek en reste sans voix. Le général perd l’équilibre puis se reprend pour effectuer un balayage sur le côté gauche, Khonsou sort sa propre arme et pare l’attaque dans un éclat assourdissant. Des étincelles jaillissent par milliers de ce simple échange de coup. Mérenptah ne s’avoue pas vaincu et enchaîne trois attaques similaires avec une vitesse croissante. Marek observe discrètement la reine Nefertari qui joint ses mains, stressée pour la vie de son enfant. Son regard plein de haine se porte vers Khonsou, ce dernier agacé par cette mascarade pare sans problème le dernier coup de son demi-frère. Le choc des lames fait perdre l’équilibre de Mérenptah durant deux petites secondes, juste assez de temps pour permettre à Khonsou de lui embrocher l’estomac avec son arme. Il récupère le khépesh d’Odion puis donne un coup de pied à son adversaire tombant dans l’eau pure du Nil.
— Mon enfant! hurle Nefertari. Non! Sale monstre! Repêche-le immédiatement!
— Ne t’en fais pas mère il n’est pas mort, rassure Amonherkhépeshef, regarde-le
Mérenptah se débat dans l’eau rougit par son sang, le courant l’emporte mais il sait nager et ses invectives envers Khonsou ne cesse d’augmenter jusqu’à disparaitre avec la cascade. Sa future destination sera le Harem royal.
— Misère, marmonne le Vizir en s’épongeant le front, le dieu Sobek va me faire part de son mécontentement.
— Ne t’en fais pas Vizir, répond Amonherkhépeshef, je lui dirai que tout est de la faute de Mérenptah. Bien le bonjour à toi Khonsou fils de la lune.
Khonsou traverse l’eau en marchant dessus grâce à ses sandales s’illuminant au contact du Nil. Il passe devant la reine se contentant d’un simple hochement de tête et s’écarte de quelques pas pour le laisser en face de son souverain. Le regard du prince Khonsou exprime une certaine colère mêlé à de l’inquiétude, il dépose le khépesh du medjay Odion dans le socle en cèdre puis s’agenouille devant son souverain.
— Père je suis enfin revenu à toi après ma longue mission. Moi aussi je suis ravi de te revoir, ajoute-t-il après une courte pause.
« Par Ammout, même sa majesté Khonsou peut l’entendre, qu’ai-je fait pour mériter cela? ». Un court silence s’installe à nouveau, l’écoulement de la source du Nil en devient apaisant, le medjay Marek est à côté du Vizir toujours sous le choque de l’arrivé du prince.
— Je t’en remercie père, dit humblement Khonsou en se penchant la main droite sur le coeur, mes pensées hors de notre royaume ne cessaient de se tourner vers toi.
Le prince Khonsou, aussi surnommé le fils du dieu de la lune, se retourne vers Marek séparé de lui par l’imposant khépesh trônant sur le piédestal en cèdre.
— J’en déduis que le medjay Odion est décédé. Cela me peine de l’apprendre, comment est-ce arrivé medjay Marek?
— Odion combattait un ennemi du royaume majesté, un romain nommé Mors.
L’homme aux bandelettes lui lance un regard méprisant teinté de haine, il agrippe sa main autour de la poignée du khépesh colossale et la soulève avec une facilité presque enfantine. La lame d’or est scrutée sous les moindres recoin et son doigt s’entaille profondément le long du tranchant avant de s’arrêter vers l’une des marque de sang du romain. Khonsou perçoit les gouttelettes de sang microscopiques piégées dans les rainures tandis que son doigt cicatrise.
— Toujours aussi affutée, dit Khonsou, il en prenait toujours soin malgré le peu de temps qu’il l’utilisait. Je garde ce sabre, une arme de cette trempe ne doit pas rester enfermé à prendre la poussière et le sable. Sikhépri, va me chercher son fourreau pour que je la porte dans le dos.
Le très jeune serviteur s’empresse de répondre à la requête du prince, le Vizir prend aussitôt la parole:
— Quelles sont les nouvelles majesté, inutile de vous tracasser tout ce que vous direz restera entre ces murs.
— Honnêtement je préfèrerai que tout le monde au royaume soit au courant de mes sombres nouvelles, rétorque le fils de la lune. En réponse courte je dirai que la fête est terminée mais je vais être plus clair dans mes propos.
Le demi-frère réapparait avec le fourreau que Khonsou s’empresse d’enfiler avant de rengainer le sabre dans un crissement sec. La lanière de cuir est attachée par des chaînes en or et fer très solide mais tout aussi pesante. Khonsou se tourne vers Pharaon et répond:
— Non vous avez tout à fait raison père, la menace est plus grande que prévue. Nous allons devoir prendre des mesures drastiques et ce dans les plus brefs délais.
— Rome est devenu si puissante durant ce court laps de temps? demande le Vizir d’un ton quelque peu inquiet.
— Je ne parle pas uniquement de Rome même si durant mon voyage ce que j’ai vu et surtout entendu étaient déroutants pour notre futur. Non je vous parle de la quatrième lune, je n’ai pu m’y rendre mais la chose qui l’habite s’est réveillée.
— Le Fléau? s’immisce avec beaucoup de courage Marek. Le romain a évoqué le nom comme d’un dieu lui donnant des ordres par la pensée. Il lui est arrivé de discuter par télépathie ou alors il essayait de nous faire croire qu’il le faisait.
— C’est exact, répond Khonsou inquiété par les paroles du medjay, mais les romains lui donne un autre nom: Plaga, la menace est d’autant plus présente chez eux. Le pouvoir politique de la troisième lune en sera bientôt ébranlé, un homme belliqueux va prendre le pouvoir.
— Que nous conseilles-tu fils de Khonsou? demande la reine appuyée d’un regard réprobateur.
— Nous devons commencer à faire des réserves de tout ce qui existe sur notre sol, avertir la population et former plus d’homme au combat. Je demande à exclure le medjay Marek sur ce point, inutile qu’il massacre sans vergogne de futur protecteur du royaume.
La main de Marek laisse entrevoir de grosses veines gonfler mais aucun geste supplémentaire ne l’assaille.
— Il faut rationner toute nourriture et eau potable possible et j’insiste sur ce point. Créer des structures militaires plus imposante et…
Un rire l’interrompt, celui de Rahotep imaginant sans doute le moindre mot du prince.
— Ai-je dit quelque chose de drôle Vizir?
— Non mon prince, pardonnez mon offense mais ce que vous demandez est quelque peu…aberrant. En temps de guerre je vous suivrai sans hésitation mais nous sommes dans une ère de paix et de prospérité. Un âge d’or. Ces mesures ne feront qu’affoler inutilement la population et rien d’autre.
— Khonsou, interpelle Amonherkhépeshef, nous ne doutons pas de ce que tu as vu à Rome et en Grèce mais la quatrième lune est beaucoup trop loin de notre royaume. Un alignement des lunes est nécessaire pour une menace et encore même avec ces paramètres impossible de nous atteindre. Les nombreux astéroïdes de la planète crée un bouclier naturel.
— Si vous aviez vu le dixième de ce qui est présent à Rome vos toges serait inondées d’urine. La menace détruira notre royaume si elle est sous-estimé, certes je ne connais pas les détails liés à notre avenir mais un aperçut est déjà existant ici-même.
— Si tu veux parler de cette mixture rougeâtre un feu est simplement nécessaire pour s’en débarrasser, déclare la reine sur un ton irrévérencieux. Nous pouvons faire face à n’importe quelle menace, inutile de nous prendre de haut.
— Le medjay Marek s’occupe déjà de cette menace, informe Rahotep, sa mission vient d’atteindre un niveau supérieur. Inutile de te tracasser prince Khonsou.
— Tout comme il a protégé son frère? lance l’homme aux bandelettes d’un regard désapprobateur sur le medjay agenouillé, Odion était un soldat admirable. Une arme efficace s’il n’avait pas été tué sans raison.
Marek reste de marbre face à ses insultes enfin de l’extérieur, à l’intérieur de son corps le sang bout, prêt à jaillir. Néanmoins son honneur de medjay ne doit pas être bafoué pour des futilités. Le prince Amonherkhépeshef s’avance près de Khonsou puis demande d’une voix quelques peu douteuse:
— Peux-tu nous raconter en détail ce que tu as vu durant ton voyage? Cette histoire m’intrigue et notamment ce Fléau dont j’entends de plus en plus parler. De plus cela nous serait utile afin de nous faire changer d’avis, moi et ce bon Vizir.
Ce dernier expira puis s’assied sur une chaise que Sikhépri apporta après un claquement de doigt. Marek écoute avec attention la moindre parole dans l’espoir d’apporter son aide et briller devant son souverain.
Le silence prend place, chacun attend d’entendre le récit de ses aventures, difficile de savoir ce que pense Khonsou mais Marek voit un peu de défiance dans ses yeux aux pupilles d’or.
— Mon voyage débuta en Grèce, raconte-t-il sur un ton solennelle, la deuxième lune est, comme vous le savez, en guerre permanente depuis bientôt quatorze ans. Je n’y suis pas resté longtemps car la situation ne requit pas ma présence. Cependant j’y ai noté un problème assez étrange au niveau de leur mer, de temps à autre elle charrie des monstres mais je n’ai pas pu m’attarder. Lorsque j’ai quitté la lune, après un mois d’observation, le conflit qui oppose Athènes à Sparte continuait de faire couler du sang, Sparte est en position de force…
— Tu n’as pas l’air d’y croire, interrompt Amonherkhépeshef en buvant un verre d’eau, inutile de nous le cacher fait nous part de tes sentiments quand à ces évènements, c’est la seule manière de nous convaincre.
L’assistance est accrochée à ses lèvres, les maigres connaissances sur les autres peuples deviennent problématique. Marek observe les alentours, la reine toujours en colère pour Mérenptah, le Vizir exténué et le trône plongé dans l’obscurité est aussi silencieux qu’une tombe.
— Athènes a découvert quelque chose ou plutôt… un homme a causé de nombreux dégâts sur la lune entière. Une série d’assassinat macabre ainsi que des mort qui ont réapparu avec des capacités surhumaines.
Marek tressailli, le souvenir de son observation lorsque les Sittiu contaminés attaquaient Odion lui survinrent aussitôt. Dans un sursaut de courage Marek déclare:
— Pardonnez mon interruption majesté mais le même phénomène est apparu au royaume pour les Sittiu. Ces derniers ont acquis une force accrue et des capacités presque hors du commun.
— Pouvait-il lancer la foudre? demande Khonsou en appuyant un regard ferme sur le medjay.
— La foudre? dit Marek tout abasourdi par le stress, leur seul exploit fut de pouvoir tenir tête au medjay Odion.
Le regard du fils de la lune devint plus serein tout comme sa posture et ses bandelettes qui semblaient se hérisser tel les poils d’un félin. Marek est satisfait de sa participation néanmoins aucune autre voix ne le complimente.
— Alors pour le moment, reprend Khonsou, le danger est encore faible, les hommes surhumains furent au nombre de deux avec des capacités très limitées.
— Et toi tu n’as rien fait pour les arrêter? lance Nefertari d’une voix cinglante, tu te pavanes dans la cour de notre souverain seulement pour nous donner des leçons.
— Ils étaient quatre au départ, informe Khonsou d’une voix calme, j’en ai massacré un et gravement blessé un autre mais je pense qu’il s’en est sorti. Leur puissance dépassait celle d’un protecteur royale mais rien d’insurmontable pour une escouade bien entrainé. L’armée Athénienne ne se compose que de puissant marins mais ici dans notre royaume, aucun point d’eau ne serait assez vaste pour leur bateau. L’avantage reste largement en notre faveur, pour le moment.
La cour devint brutalement plus calme, le Nil semble aussi écouter le prince voyageur. « Je le savais! Notre prince Khonsou est bien le meilleur guerrier du royaume! Avec lui à nos côtés nous ne craignons rien ». Nefertari se mue dans un silence profond et détourne le regard, la haine qu’elle voue à Khonsou a toujours été forte surtout lorsqu’elle apprit qu’il était le candidat potentiel à la succession.
— Et donc? s’immisce le Vizir, tu nous suggères toujours de faire des réserves alors que tu as partiellement réglé le problème? Si tu souhaites la place de souverain il te suffit de le dire sans détour.
— L’avenir du royaume m’intéresse plus qu’un trône, rétorque Khonsou, la menace n’est pas grecque
même si je me répète qu’avoir laissé ce Hérodote venir ici fut une grosse erreur. Qui sait ce qu’il a vu et surtout quelles paroles a-t-il pu entendre.
— Seules les dieux le savent, dit Nefertari, néanmoins grâce à sa venue nous avons eu des connaissances sur nos ennemis ainsi qu’une route commerciale afin de créer une alliance.
— Alors vous allez tout de suite fermer cette voie spatiale, interrompt Khonsou, sinon je m’en charge personnellement.
— Allons majesté Khonsou, dit le Vizir qui s’était levé d’un bond tout effrayé, cet acte sonnerait mal aux oreilles de nos futurs collaborateurs…
— Les grecs ne nous apporterons que des ennuis, dit Amonherkhépeshef, ce Hérodote est un homme très intelligent il a pu jouer sur deux tableaux.
Un brouhaha grandit, Marek reste silencieux puis s’écarte d’un pas en voyant Khonsou dégainer. Le fils de la lune frappa le sol avec le khépesh d’Odion, un choc puissant qui interrompit toute discussion.
— Nous sommes le royaume d’Égypte, la nation la plus forte de ce système solaire! Nous n’avons aucunement besoin de l’aide d’un quelconque échange commerciale! Je le répète, le port spatial fermera dans quelques jours alors rappelez immédiatement tous nos marchands Égyptiens.
L’invective ne plut guère au Vizir qui le regarde d’un air enragé, il effectue un geste de la main en direction du scribe et porte sandale lesquels sortent immédiatement. Amonherkhépeshef, contrairement à sa mère et Vizir, écoute avec attention les paroles de son frère, l’admiration se lit sur son visage. « sa majesté Khonsou est en train de se faire des ennemis toutefois après ce que j’ai vu durant l’enquête d’Odion je ne peux me résoudre qu’à partager son point de vue ». Khonsou se dirige vers un plateau et observe avec parcimonie le moindre de ses fruit avant de se décider à récupérer une belle pomme verte. Le premier croc arrache la moitié de la pomme avec écho sec dans la salle. Le fils de la lune reprend:
— Voilà pour la Grèce, maintenant je vais passer au point le plus important de mon voyage ainsi que la raison pour laquelle j’ai mis plus de temps que prévu. La véritable menace se trouve sur cette troisième lune et les évènements risquent de s’accélérer.
La petite assemblée semble se renfrogner, craignant de nouveaux ordres de sa part alors même qu’il vient de revenir dans son pays. Néanmoins personne ne peut s’opposer à lui et tant que Pharaon ne se manifeste pas les choses restent en sa faveur.
— Père, reprend Khonsou, vous aviez raison. Rome n’est qu’un caillou ballotté par la lave et ne contient que peu de point d’eau. La ville de Rome étant la plus abondante et la plus discipliné. Néanmoins la population vit bien, moins qu’ici certes mais juste assez pour avoir établit sa suprématie sur les autres peuples qu’ils prétendent barbare. Leurs plantes sont d’un vert sombre et la lumière du soleil est très souvent bloqué par d’épais nuage de cendre.
— Tu devais bien t’y plaire, lance Nefertari, pourquoi ne pas y être resté?
— Il est vrai que le manque de soleil me permit de rester plus libre de mes mouvements tout comme ma force. Cependant mon coeur et mon sang sont nés de cette terre, je ne pouvais rester plus longtemps. Pour ce qui est de l’armée j’ai effectué de nombreux test sur les différents corps de soldat. Aucun ne m’est arrivé à la cheville; Khonsou se tourne vers Marek en attente de réponse supplémentaire.
— Il est vrai majesté que le romain ayant infiltré nos terres a évoqué la puissance misérable de ses forces par rapport aux nôtres. Je suis ravi de l’entendre de votre bouche.
— Alors que devons-nous craindre? demande Nefertari avec l’approbation du Vizir à ses côtés, est-ce une ruse de ta part pour t’accaparer le trône?
Ce petit jeu de la part de la reine exaspère Khonsou toutefois par respect pour son père il reste calme et courtois.
— Je reviendrai sur le romain nommé Mors car ce point est des plus importants.
« Sa majesté Khonsou va me réprimander lui aussi? Je ne supporterai pas une autre injuste désapprobation de la part d’un membre de la famille royale. Maudit sois-tu Odion! ». Marek se surprit à trembler des mains, ses doigts se tortillaient presque de douleur s’il la sentait. Khonsou, drapé entièrement de blanc en parait presque divin surtout lorsque la lumière filtrant depuis le plafond le touche. Toutefois il évite le soleil comme la peste, et tout en s’approchant, demande à Marek d’une voix presque agressive:
— Le romain que ton frère a tué, avait-il un complice?
— Oui majesté, répond Marek la tête baissée, le romain nommé Mors en a fait brièvement mention avant de mourir. Il avait aussi parlé, sans doute indirectement, de disciple ou apôtre.
Marek lève la tête à cause du silence, Khonsou le regardait d’un air dédaigneux, un regard qui aurait fait perdre connaissance à une âme plus commune. Un air pensif le traversa avant d’informer:
— Je doute que ce romain ait crée des disciples avec ce… ; le prince cherche un mot dans un silence pesant. Sa magie, pour le moment je l’appellerai comme cela afin que la population ne soit pas effrayé par ce phénomène.
— Magie, répète Nefertari d’un ton désinvolte, la magie n’existe pas et encore moins ces phénomènes que le romain a apporté.
— Ce doit être une maladie endémique à sa patrie, ajoute Amonherkhépeshef, certes des animaux se transforment hors de nos frontières néanmoins ce que décrivent les rapports du medjay Odion rien n’est insurmontable.
Malgré les bandages qui recouvre le visage de Khonsou, le medjay ressent la fureur émaner de ces yeux. Si cela était possible le lin prendrai sûrement feu. Toutefois il se contient et reprend:
— Ce n’est pas une maladie! corrige Khonsou, c’est un être venu d’un autre temps qui prend forme et gagne en puissance. La malédiction de la quatrième lune s’agite et cela je l’ai vu de mes propres yeux. Durant mon voyage j’ai fait la rencontre de nombreux peuples et de tous je peux vous assurer que les Sittiu en seront les plus accommodés.
Un rire interrompt les paroles de Khonsou, celui du Vizir, étrangement très actif à l’évocation de cette lune.
— Pardonne-moi majesté Khonsou mais cette lune est simplement morte et même si, et je dis bien si, une menace y était présente aucune chance qu’elle puisse nous atteindre.
— Pourtant un fragment de son sang est parvenu jusqu’à nous, riposte le fils de la lune. De plus, après une brève lecture du rapport de ton frère mes doutes sont fondés sur les Sittiu. Pour le moment nous pouvons contenir la menace mais si le complice du romain est encore en vie alors Marek tu dois le retrouver au plus vite.
— Je lui ai déjà donné un ordre, s’interpose violemment Nefertari les mains fortement serrées sur son Ankh en or. Tu n’as aucun droit de donner des ordres surtout après cette tentative d’assasinat sur mon bébé.
Soudainement des cris de femmes atteignent la haute cour, des cris de terreur suivit de ceux de Mérenptah difficile à déchiffrer.
— Ton fils est vivant, repart Khonsou bien plus acerbe, je lui ai juste rabattu les oreilles comme tu aimes tant le faire à tes enfants. Marek obéit à mes ordres quand à moi je ralentirai la propagation de cette magie et rejoindrai plus tard le nome de Kush.
— Le romain n’est jamais allé dans ce nome, informe Amonherkhépeshef, tu crains quelque chose?
— Je ne peux en parler pour le moment car mes soupçons sont trop vagues. En revanche je vais avoir besoin de toi mon frère, j’espère que je pourrai compter sur ta coopération.
Le prince Amonherkhépeshef affirme son accord d’un geste de la tête, Nefertari explose de rage:
— Mon enfant tu ne vas pas le suivre dans ces délires? Et s’il se jouait de toi, de nous tous? Il va te tuer et lentement gravir les marches menant au trône avec cette histoire tordue de magie venue d’ailleurs. Tu n’as qu’à te balader seul dans le royaume et parler aux Sittiu si cette excuse te permet d’en culbuter une autre, dit-elle à Khonsou.
Cette fois la colère de Khonsou se vit de tous, ses yeux d’or s’enveniment de sang. Le sourire narquois de la reine démontre qu’elle connait un secret bien trop privé. Le Vizir et Amonherkhépeshef se dressent entre les deux personnages sans montrer d’animosité simplement en guise de sécurité.
— Très bien Khonsou, dit Amonherkhépeshef d’un ton calme, je vais t’aider et vérifier avec toi que le royaume ne craint rien. Si les Sittiu refusent de parler nous en tuerons quelques un pour leur délier la langue, un village au nome de Kush est fortement suspecté par le vice-roi…
Un bruit assourdissant fit crisper le visage de tous, même Marek en est atteint. Un son si fort qu’il en fait vibrer les tympans et résonne sans discontinue dans le cerveau. « Sa majesté le grand Pharaon est en
colère! Que quelqu’un l’arrête! ». Khonsou, Amonherkhépeshef, le Vizir et même sa propre épouse ne peuvent plus bouger tant la douleur les accable. Les mains sur les oreilles ne servent à rien, ce son pénètre directement le cerveau, le foudroie comme un poignard invisible.
— Très bien! hurle Amonherkhépeshef, je ne ferai rien! Personne ne tuera de Sittiu!
A ces mots le son s’arrêta brusquement laissant un silence paisible emplir le lieu après ces nombreuses altercations.
— Faites ce que j’ai dit, halète Khonsou, ou bien le royaume que nous chérissons tous risquera de disparaitre.
— Rejoins le nome de Kush medjay, dit la reine en reprenant ses esprits, Pharaon te l’ordonne
Le medjay Marek salua respectueusement la haute cour et sortit à reculons de la grande salle. La douleur, chose qu’il avait jusque-là oubliée, le fait trembler.
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2023.07.05 08:03 Global_Relative_3177 Chapitre 47: La pyramide oubliée

Bonne lecture.
Afin d’être tranquille et aussi pour éviter le regard perçant d’Horus dans le ciel, le couple attend tranquillement que la nuit tombe. Shedet est au chantier toujours en tant que scribe dans le but de surveiller l’avancement, aujourd’hui chaotique de la grande pyramide. « Par Thot, je pensais que j’allais tranquillement me prélasser comme d’habitude mais rien n’avance, j’ai l’impression qu’Apophis lui-même empêche les ouvriers de travailler ». Caleb, désormais le contremaitre de la grande porte depuis peu, arrive précipitamment avec de mauvaises nouvelles:
— Chef la commande de granit est en retard et la barbe postiche de la quatrième statue manque de mortier. L’or est pas suffisant pour la parure de la deuxième statue et quelqu’un a volé une partie des joyaux que l’on allait insérer dans la porte. Ah oui il y a aussi une fissure sur l’obélisque que nous allons poser…
— Il su ffit! Par Thot, dit-il en se pinçant le haut du nez, un seul problème je t’en prie, un problème à la fois. Pour ce qui est de la commande je le sais qu’elle est en retard et pour cela tu vas envoyer des ouvriers en chercher une autre au chantier Nord, pour la barbe postiche maintient-la avec du bois en attendant la cargaison de demain, l’or ce n’est pas un problème tu enduiras d’une feuille les parties manquantes, inutile d’en mettre des tonnes.
— A tes ordres chef. — Pour le voleur de joyau je sais très bien que tu connais le coupable, ne me prends pas pour un imbécile. Comme je suis clément si tu me rapportes les bijoux je ferme les yeux pour cette fois. Mais si je ne revois pas la couleur des joyaux avant ce soir tu lui couperas la main devant moi.
— Répugnant, dit la femme derrière Shedet. Le visage mécontent de la demoiselle dévoile une mauvaise prise de décision de la part du scribe, il se ravise en ajoutant:
— Une main coupée est trop sévère et puis il ne pourra plus travailler, trente coups de fouets devraient suffire. Toi derrière évente-moi plus vite je commence à avoir chaud. La femme se vexe et jette le plumeau au sol sous le regard ahuri de Caleb, il recule d’un pas, fait une révérence puis retourne donner les ordres du scribe.
— Tu es folle Neith! Si tu te fais remarquer tu seras arrêté!
— Je ne suis pas ton esclave! Pour moi, Neith fille du trésorier d’argent, c’est une disgrâce absolue, je devrais être à ta place à me prélasser pendant que toi tu me rafraichi. — Et en quel honneur? demande-t-il en effectuant une commande de granit sur sa tablette. Je ne peux te laisser au palais les chats de Miysis te repéreront. — Je suis une noble ne l’aurais-tu pas oublié? — Un mot de ma part aux gardes et tu seras envoyé au cachot, je les ai vus recevoir au lever du soleil des photos de ton magnifique visage. Crois-moi il se feront une joie de t’attraper mais ce ne sera pas pour te mettre les menottes. — Tu n’oserais pas… par Isis, tu es un homme ignoble. Un enfant Sittiu rejoint le couple sous la tente avec à son cou un papyrus demandé par Shedet, après l’avoir l’avoir récupéré Shedet tend le rouleau électronique à Neith. — Tient un peu de lecture. — Qu’est ce que c’est? — Les données géographiques sur le nome voisin, j’ai fais croire que je me documentait sur la pyramide du nome des Deux Divinités pour savoir si je pouvais m’inspirer des constructions. Si ton frère était bien là-bas il y aura des traces de sa présence. Neith s’assied les jambes sur le côté et se documente en silence, sans un remerciement tant la fierté l’étouffe. Shedet l’observe sans arriver à détourner le regard. « Par Thot, je ne pensais pas qu’elle s’obstinerai à chercher des réponse sur son frère. Tant pis, qu’elle se fatigue j’ai des problèmes plus important ». L’arrivé de Geburah le fit sursauter, le Sittiu est toujours tailleur de pierre. — Pourquoi viens-tu m’embêter? — Mes ouvriers ont besoin d’eau, la chaleur est trop intense, dit Geburah en lorgnant sur l’attitude de Neith. — Je me souviens lorsque j’étais ouvrier que ton groupe s’amusait à me jeter l’eau bouillante d’une préparation dans le seul but de s’amuser. — Mais c’était il y a longtemps et crois-moi ils ont retenu la leçon. — Alors ils la retiendront d’autant plus car je ne ferais rien, maintenant dégage. L’ouvrier se retire non sans murmurer des insultes, tout de suite après Neith souffle de déception et jette le papyrus sur les genoux de Shedet. — Il n’y a rien dedans il m’en faut un autre. — Peut-être que tu as simplement mal cherché… — Foutaises, dit-elle le frappant à la tête, de tous les indices aucune zone ne correspond à la description de ma cousine. Voyant que la demoiselle ne cessera de le laisser tranquille, Shedet fait arriver autant de papyrus que possible sur le nome voisin, les enfants s’agglutinent à la tente rendant cela très suspect aux yeux des gardes. Mais pas assez pour combattre leur fainéantise. Le chantier se poursuit après la pause déjeuner, tandis que les ouvriers reprennent le travail, Shedet en effectue la surveillance depuis sa tente. Cependant il ne cesse de contempler Neith allongée dos à lui en dévorant le raisin amené du jardin du nomarque. Elle observe avec minutie chaque donnée puis lorsque la tablette n’offre rien d’intéressant elle le dépose avant d’en reprendre un autre. Etrangement les Sittiu ne cessent d’affluer vers Shedet avec des motifs risibles, le quinzième ouvrier le fait sortir de ses gonds. — Dégagez! Tous! Le prochain qui s’approche de ma tente je le pends par les pieds. La cadence du chantier reprend aussitôt tandis que Shedet jette un drap de soie sur le corps de Neith. — Que fais-tu? Il fait un peu trop chaud pour me couvrir. — Tu attires trop l’attention, et je te signale que personne ne lit dans cette position. — Au Harem toutes les princesses font cela afin de bronzer au niveau du dos. — Oui mais ici nous ne sommes pas au Harem, même si j’aimerai bien… — Pervers, grogne-t-elle en lui lançant le drap au visage, sache que le dernier homme à avoir abusé d’une princesse s’est retrouvé largué dans le ciel par Horus en personne. Lorsqu’il atteignit le sol son corps était devenu un tas de charbon. Elle reprit sa lecture alors que Shedet surveillait les alentours de peur qu’un garde trop curieux ne s’approche. « Cette peste a le toupet de faire des caprices alors que sa seule présence constitue une trahison de ma part. Si je la livre à Miysis peut-être qu’il me donnera ma citoyenneté? ». En repensant à chacune de ses demandes auprès du nomarque l’idée saugrenue de donner la demoiselle en pâture au tribunal de Memphis lui semble une mauvaise idée ou plutôt une action inutile. Malgré son mauvais caractère elle reste sympa avec lui enfin quand ses caprices sont assouvis. Une après-midi chaude s’achève, tous commencent à rentrer, la distribution de céréales se poursuit. — Au suivant, j’ai dit au suivant! Allez dépêches-toi Adame! L’ouvrier se précipite avec son récipient, les grains se déversent dans le bocal en verre. — Dois-je te rappeler que tu es marié Adame, ajoute Shedet lorsque le regard de l’ouvrier se tourna vers Neith, que dira-t-elle lorsqu’elle apprendra que tu reluques une autre femme? — Merci pour les céréales maître scribe, balbutie Adame au regard paniqué. La distribution se poursuit encore avec une quinzaine d’ouvrier jusqu’au moment où Neith explose de joie. — Je l’ai trouvé! s’écrie-t-elle en se rapprochant de Shedet. Durant sa course hors de la tente elle cogne les nombreux plateaux, le fracas des ustensiles vrille les tympans des hommes. — Regarde elle est là! ajoute-t-elle en pointant la carte sur le papyrus. Son doigt se pose sur une région du Nord du nome Des Deux Divinités, une zone aujourd’hui abandonnée et faisant partie intégrante du pôle Nord. « Où va-t-elle m’embarquer? Par Amon, et moi qui souhaitait me reposer ce soir ». — Attends que je termine la distribution et ensuite… Impatiente, Neith dérobe le sac de céréales qu’elle peine à soulever. Elle le jette au pied du Sittiu puis déclare: — Prend tout, allez! Et fichez le camp, le maître scribe en a assez de voir vos têtes. Deux ouvriers, aux larges sourires, emportent le sac accompagnés de leurs camarades dont le pas de course est nettement plus énergique. — Misère, Miysis va me massacrer lorsqu’il va l’apprendre. S’il te plaît arrête de prendre des décisions aussi… stupide ou je retournerai travailler sur les chantiers. — Ce ne sont que des céréales, je suis prête à parier que le nomarque à de quoi nourrir cinq la fois population de Boubastis. — En réalité c’est dix fois, corrige Shedet en rangeant son papyrus, Miysis triche sur l’impôt enfin « il détourne la loi ». — Bref, reprend Neith choqué par l’information, notre destination est ici: la pyramide de DjedSnéfrou. — La fausse pyramide? Elle existe encore? Je pensais qu’elle s’était effondrée sur elle-même. Et attends pourquoi as-tu dit notre destination? — Tu vas m’accompagner, je ne vais pas me rendre là-bas toute seule mais avant je dois prendre un bain. — Hors de question! Ce soir je me repose autour d’un bon repas. Et pour ce qui est du bain il y a l’oasis. — Non! Tu m’emmènes au palais du nomarque que j’utilise ses bains, si sa réputation est fondée alors il doit avoir un ou deux bains qu’il n’utilise pas. Shedet s’effondre sur sa chaise, la sueur a trempé son col et chaque muscle de son corps le tiraille dans chaque sens. Durant l’inspection constant du travail des ouvriers Neith restait tranquillement allongée sous la tente à éplucher les données des papyrus qu’elle faisait sortir des archives. Il se relève d’un bond de sa chaise et déclare: — Allez qu’on en finisse, si un garde t’aperçoit il t’embarquera et je serai débarrassé de toi. — Ce n’est pas gentil, cette méchanceté gratuite te vaudra de gros ennuis. Je te rappelle que je suis la fille du trésorier de Memphis… — Presse le pas je te prie, soupir le déchu, Miysis prendra aussi son bain dans ses quartiers mais tu auras intérêt à te dépêcher. Le couple rejoint le bain de la salle Bastis, une zone du palais que le nomarque utilise peu depuis la rénovation de son bureau. Malgré tout la pièce est magnifiquement décorée de plantes et et de mur gravé d’or. Des dessins de la déesse Bastet et d’une femme tout aussi belle et gracieuse. Le plafond laisse entrer la lumière du soleil crépusculaire en créant un halo de lumière au sol. — Allez! L’eau a dû être réchauffé comme je l’avais demandé et les lotions sont presque toutes ici. Tu as dix minutes alors ne perds pas de temps… — Dix minutes! s’insurge-t-elle, il me faut une heure pour éliminer la crasse et une de plus pour me pomponner. Neith expliqua sa routine en détail ce que Shedet écoutait à demi-mot trop exténué par cette journée. — Fais comme tu veux mais ne viens pas te plaindre si la nuit nous empêche de dénicher ta pyramide. — Alors tu acceptes de venir? — Si tu termines ta routine avant le matin peut-être que j’envisagerai de venir. Pour le moment je vais ranger mes rapports aux archives alors tâches de ne pas faire de bruit inutile. Neith toucha du doigt l’eau tandis qu’elle versait une lotion dont l’odeur de vanille se répandit dans la pièce. D’après son visage rien ne lui convient. Aux archives les lieux sont calmes, Kououiou n’est pas présent, une aubaine pour le déchu qui reprend son souffle à mesure qu’il place les papyrus dans les étagères. « L’idée de rejoindre cette pyramide me déprime, moi qui souhaitais me reposer néanmoins quelque chose me démange. L’envie grandit peu à peu en moi mais mon instinct hurle au piège comme il l’avait fait ce jour fatidique où j’ai accepté l’offre de l’hôtel ». Soucieux que Neith puisse avoir des ennuis, qui lui retomberont ensuite dessus, Shedet rejoint les bains. Devant la porte il se surprend à écouter la demoiselle fredonner ou sangloter, difficile de le savoir avec une porte en bois aussi épaisse. Il entrouvre délicatement le battant tandis que l’or de la poignée l’éblouit en reflétant le soleil crépusculaire. — Déchu, interpelle une voix d’homme familière. Shedet sursaute et referme la porte d’un claquement sec résonnant dans le couloir blanc-orangé. Miysis s’approche, vêtu d’une toge rouge en lin, sa perruque alourdit par les fils d’or vacille contre ses boucles d’oreilles en forme d’Ankh trempées par le bain qu’il vient juste d’achever. D’un sourire niais il déclare: — Voler mes affaires pour ton oasis ne suffit plus, maintenant tu prends des bains dans mon palais. « Par Thot, il sait tout, même pour mon oasis, ma précieuse cachette. Et moi qui pensais qu’il passait son temps à batifoler avec les Égyptiennes ». — Non je ne vole rien, par Bastet, je souhaite garder mes mains, balbutie Shedet toujours collé contre la porte. — N’aie crainte quelques babioles qui disparaissent ne me nuiront pas, de toute manière l’argent coule à flot ces temps-ci. Récupère autant d’objets que tu le désires et prend autant de bain qu’il te plaira, la chute de Chepseset égaye encore mes journées. — C’est trop aimable à vous, s’incline Shedet avec un sourire forcé. — Avant que je ne l’oublie je dois te prévenir que tu risques bientôt de partir en mission. Ne demande pas où car les contrats du moment ne sont pas assez prometteur. — Mais vous aviez dit que l’argent coule à flot, proteste le déchu. — Mon argent, rectifie Miysis, pas celui du nome… Le regard du nomarque se dirige aussitôt en direction du bain, il s’approche de la porte et colle son oreille sous le regard terrifié de Shedet. Ce dernier s’apprêtait à justifier le bruit mais Miysis le prit de court. — Les vols, les bains, ton comportement étrange au chantier, maintenant je comprends ton changement d’attitude, tu es amoureux. — Non, c’est temporaire, balbutie Shedet. — Mon garçon l’amour est un don des dieux qu’il faut avoir ressentit au moins une fois dans sa vie. Je l’entends fredonner, ajoute-t-il en collant à nouveau son oreille. Un magnifique petit oiseau se baigne dans les eaux de mon palais. « Par Thot, est-il au courant pour Neith? Non, c’est un fonctionnaire à l’éthique irréprochable il aurait apporté la garde. Quoi que je doute de son professionnalisme ». — Ma bonté ferme les yeux sur ton comportement mais je jure sur Bastet que c’est la dernière fois que tu profites de ma gentillesse. — Que Ammout vienne me dévorer si je manque à nouveau à mon devoir, jure Shedet la main droite sur le coeur. Le nomarque tourne les talons en direction de son bureau, les réelles intentions de cette visite sont encore floues pour Shedet toutefois le pire n’est pas arrivé. Les doigts tremblants il ouvre la porte puis s’y glisse aussitôt. — Je te rappelle que je suis en train de me laver! aboie Neith tout en plongeant son corps jusqu’au cou. — Et moi je te rappelle que tu n’es ni invité ni désiré entre ces murs, alors un peu moins de bruit. Je vais dormir le temps que tu finisses, dit Shedet en traversant le bain jusqu’à l’opposé de la salle. L’Égyptienne poursuit l’application du lait de noix de coco sur son bras. — Pour information Isis te surpasse largement en terme de beauté, ajoute Shedet avant de passer derrière le paravent. Après un rapide soupir de la part de Neith, un silence apaisant s’installe ponctué des cris lointains provenant de Boubastis. Un hurlement d’agonie extirpe Shedet de son sommeil, le front ruisselant de sueur et la respiration haletante, le déchu reprend peu à peu connaissance. — Tu m’as fait peur Shedet, dit la demoiselle alors qu’elle se taille les sourcils à ses côtés devant un large miroir. Un peu plus et je m’éborgnais. — Tout va bien? — C’est plutôt à moi de te le dire, j’ai cru qu’un scorpion venait de te piquer… — Mais je t’ai entendu hurler. Laisse tomber, le stress et la fatigue ont dû me mettre sur les nerfs. J’espère que tu as fini, dit Shedet en contemplant le ciel étoilé à travers le plafond. — Voilà! s’exclame-t-elle en achevant son trait de khôl sur l’oeil droit. Maintenant nous pouvons y aller. Alors tu as changé d’avis? — Le sommeil m’a porté conseil de toute manière je m’en voudrai de te laisser rejoindre cet endroit. Surtout avec la présence de ces… monstres au pôle Nord. « Les romains doivent être aux alentours, à moins qu’ils ne soient partis ailleurs, le compagnon de Iouferséneb a semble-t-il le medjay à ses trousses. Cela reste néanmoins dangereux avec les bêtes sauvages ». Neith ajuste sa chevelure ronde s’achevant en une frange sertis de bijoux et de fines chaînes d’or relié à ses oreilles et épaules. — Tout ces présents sont à Miysis, tu as intérêts à me les rendre une fois rentré même si je ne comprends pas l’intérêt de se faire beau vu que nous allons dans une pyramide abandonné, enfin je ne l’espère pas. — Pour toi cela parait inutile mais moi j’ai une réputation de beauté du Cartouche à défendre. Hors de question que je sorte sans un bain et un minimum de décoration. « Dès que nous sortirons tout cela n’aura servit à rien, du temps perdu mais au moins j’ai pu dormir ». Dans la cour du palais, éclairée par des braséros en bronze aussi large qu’un bloc de deux tonnes, le duo rejoint les écuries du nomarque. La ferveur de Boubastis masque leur arrivé et les lunes dissimulées par d’épais nuage leur offre une couverture efficace. — Tiens prend ce cheval, dit Shedet en tendant la bride en cuir à Neith, allez dépêches-toi! Si on nous surprend ici c’est la pendaison qui nous attend. — Je veux le cheval blanc à côté. — C’est de la folie! C’est l’une des juments préféré de Miysis, demain matin il la récupérera pour son lait durant son repas. — Les autres chevaux sont laids, je souhaite chevaucher celui-là. — J’en ai assez de tes gamineries! crie-t-il en lui empoignant le bras. Tu ne comprends pas que tu ne vaut plus rien dans ce royaume? Tu es une fugitive et malgré ce statut tu continues à jouer les princesses capricieuses. Si un seul garde te reconnait… — Je sais! Je sais très bien quels risques j’encourt mais c’est plus fort que moi, pleure-t-elle. J’ai tout perdu en une seule journée et je ne sais pas quoi faire. Neith tombe à genou les mains sur le visage en pleurant sans retenue. « Misère. A ce rythme on ne quittera jamais Bast, la prochaine fois je tenterai d’être moins agressif ». — Reprends-toi, dit Shedet en lui tapotant le dos, moi aussi je suis passé par là. Regarde maintenant je peux voler la trésorerie du nomarque. Les dieux t’aideront dans cette épreuve. — Excuse-moi pour mon tempérament c’est juste que, l’absence de ma routine quotidienne me brise le moral. — Le cheval blanc on le chevauchera tous les deux, inutile d’en prendre un second. Neith ne sembla pas peiné par cette décision, elle attrapa aussitôt la bride rouge du cheval blanc, son pelage soyeux s’illumine sous le feu du brasier. La bête ne semble aucunement gênée notamment lorsque Neith lui caresse le cou tout en la nourrissant d’une carotte. Le couple chevauche les terres arides de Bast puis atteignent la frontière en passant par le pôle Nord. La route est cahoteuse mais praticable par le cheval. — C’est encore loin Neith, chuchote le déchu. — Je dirai que dans deux heures nous arriveront, pourquoi chuchotes-tu? — Et bien… il y a des bêtes féroces qui trainent dans le coin, je ne pourrai pas les combattre je ne suis pas un guerrier. — Moi je ne vois rien. Tu ne serais pas malade? — Sans doute. « J’espère que les deux romains ne sont plus présent. Iouferséneb n’était pas présent aujourd’hui et en le cherchant dans les archives j’ai découvert une erreur qui prend beaucoup de sens aujourd’hui. Si mon hypothèse est correcte ce soi-disant Iouferséneb a en réalité usurpé l’identité d’un déchu. Je dois me calmer sinon Neith soupçonnera quelque chose ». — Tu m’as l’air tendu Shedet, ton poste de scribe est-il si difficile? — Non ce sont ces Sittiu qui m’horripilent mais ne pense pas que je suis énervé par mon poste. Il y a trois mois je souffrais continuellement en tant qu’ouvrier sur cette foutu pyramide. Que les dieux en soient remerciés. — Mais c’est une bonne situation scribe? — Evidemment. Quoi? Tu t’attendais à une réponse plus longue? Être scribe c’est comme être danseuse, il faut travailler pour le bon client. La chevauchée se poursuit en terre aride accompagnée d’ombre menaçante et de cris d’animaux sinistre. Le Nil est visible depuis leur position cependant le manque de lumière dû aux lunes masquées rend le fleuve sinistre tel un serpent géant. « Je repense souvent à l’hypnose que la hyène a crée, je ne pensais pas que la maison me manquait autant. Maudit officier Senedj et aussi son frère Sobekemsaf, des fonctionnaires corrompus qui ne mérite plus de vivre ». — Dis-moi Neith, comment était ton frère? J’ai entendu beaucoup de rumeurs sur lui mais je ne l’ai jamais vu. Les gens en parlaient comme d’une légende tant ces faits étaient impressionnant. — Je ne sais pas; le déchu l’observe d’un regard ahuri. Par Isis, je ne veux pas parler de lui, toute cette situation est de sa faute. Il se cachait durant des semaines et revenait avec des inventions si performantes que Pharaon lui donnait audience. — Quoi? s’étouffe Shedet, alors tout était vrai. Donc si je comprends bien tu souhaites rétablir sa réputation en découvrant si il a trahi ou non le royaume? — Non! aboie Neith, je veux prouver à tous qu’il a trahi notre royaume! Je veux ternir sa réputation comme il a terni ma vie à cause de ces cachoteries. Prouver à Pharaon que je n’ai rien à avoir dans cette histoire. Dès ces paroles son regard changea, passant d’une femme affligée par les tourments à une prédatrice sur le point de dépecer sa proie. « Convaincre Pharaon ne sera pas chose aisé encore faut-il pouvoir l’approcher. Son histoire ne me plaît vraiment pas, son frère devait avoir quelque chose d’important à faire si notre souverain la traque. Serait-ce cette perle qu’il cherche? Les romains ne connaissaient pas son existence ni le medjay d’après son regard à Hardaï. J’espère avoir des réponses sur cette maudite pierre que je n’arrive pas à quitter ». La route devint plus chaotique mais pas impraticable pour la jument de Miysis. Neith s’est calmée, appuyée contre le dos de Shedet elle dormit presque une demie-heure. Le déchu réfléchissait à sa situation, il tente tant bien que mal de se remémorer ce jour fatidique à l’hôtel. Les éléments concernant le frère de Neith, ce cadavre répugnant et dont la tête éclatée renfermait tant de secret. La présence des romains en imaginant Iouferséneb posté sûrement près de la vitre tandis que son chef, ce Potitius, marchandait en compagnie de l’autre romain mutilé. Néanmoins ces souvenirs se corrompt avec toutes les mésaventures que Shedet a subi, ces épreuves qu’il a maintes fois franchit même si il est certain que sa mort aurait dû sonner depuis longtemps. « L’anneau de la bague que j’ai avalé était très brouillonne, fabriqué grossièrement sans doute avant leur réunion. Par Thot, je n’arrive pas à me concentrer et j’entends des chuchotements provenir du pôle Nord. Non c’est sûrement une brise qui se faufile dans la terre ». Neith s’apprêtait à tomber du cheval mais il la retint aussitôt, la demoiselle ne se réveille pas. « Puis-je lui faire confiance? Cherche-t-elle des réponses où est-ce un subterfuge pour m’utiliser? J’ai beaucoup de mal à croire à cette hypothèse, elle ne me charme pas, ce qu’elle veut c’est quelqu’un sur qui compter dans les moments difficiles. Je sens que je vais le regretter mais je dois savoir ce que cache cette foutue perle dans mon oeil ». Tout à coup un aigle colossale survole le ciel, malgré la distance le bruit de ses ailes fit sursauter le couple ainsi que le cheval. — Oh! Du calme le cheval. — Shedet qu’est ce qu’il se passe? On se fait attaquer? — Non calme-toi c’est… Shedet observe avec attention l’oiseau s’éloigner en direction du Nord. C’est Khonsou! Le dieu Khonsou nous a survolé. — Je croyais qu’il ne sortait jamais du Cartouche, c’est un mauvais présage. Regarde! s’écrie-telle en descendant de la monture. Shedet observe la crevasse, un immense trou impraticable mais qui en son centre dévoile la fin du voyage. Au fond du large ravin le sommet d’une structure pyramidale émerge. Une forme noire sinistre abandonnée depuis des décennies au vu du sable l’entourant toutefois une entrée semble avoir été dégagé il y a peu.
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2023.07.04 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 46: Le temple d’Isis

Bonne lecture.
Au beau milieu de la nuit de retour au Cartouche, plus précisément au temple d’Isis, Odion apparait à la prêtresse Hetpet V. Une femme d’une soixantaine d’année à l’apparence très jeune, est en charge du temple et du culte de la déesse Isis et secondairement de la déesse Hathor. Sa tête est ornée la coiffe hathorique, deux longues plumes d’un animal mythique encore en bon état se dresse derrière le disque solaire. La structure ronde flotte entre ces deux authentiques cornes de vache ayant été greffées à son crâne comme le souhaite la tradition. Des bijoux en or encerclent son cou, pendouillent de sa tête ainsi que sur sa robe de lin ne dévoilant que sa silhouette très affinée. La prêtresse Hetpet V est connue à travers tout le royaume pour sa parfaite beauté même si peu de citoyens ont eu l’honneur de la voir. De plus les prêtresse d’Isis et Hathor sont réputées à travers l’Égypte pour la qualité de leur soins toutefois Hetpet, comme ses prédécesseurs, a une capacité supplémentaire propre à elle: la régénération. Une technologie ancienne d’une civilisation perdue permet d’accomplir des miracles digne des grandes légendes. La même capacité ayant autrefois permis à Isis de sauver son mari Osiris après avoir été découpé en morceaux mais encore une fois le mythe n’est pas connu dans son intégralité. C’est dans ce temple et seulement celui-là que les membres de la famille royale se soignent et augmente considérablement leurs espérances de vie. Des exceptions existent comme les hauts dignitaires n’ayant pas encore de successeur et notamment les medjay. Voilà l’une des raisons de la visite de Odion, blessé et à l’article de la mort depuis maintenant plusieurs heures, son périple pour rejoindre ce lieu fut l’un des plus éprouvant de toute son existence. Le Cartouche est plongé dans une nuit sombre personne ne le remarque. Il titube tandis que la sueur dégouline à grosses gouttes sur sa peau perdant ses couleurs de façon sporadique. Odion pénètre dans la salle de soins où se trouve Hetpet faisant l’inventaire de ses potions et outils chirurgicaux. En voyant le medjay elle accourt en levant sa robe verte pour le rejoindre:
— Par Hathor! Medjay que t’est-t-il arrivé? aucune réponse de l’homme ne pouvant que gémir, allonge-toi je vais immédiatement te soigner! Odion se laisse tomber sur la table incapable de bouger le moindre muscle tant le poison semble le consumer de l’intérieur. Le sang du medjay s’éparpille et inonde le sol comme une cascade.
— Par tous les dieux ton flanc gauche! Pourquoi l’avoir autant entaillé? Quelle est cette chose présente dans le sang? Hetpet, consciente du caractère secret de sa mission, ferme les portes de la salle. Sans perdre de temps elle se met au travail, paniquée par l’arrivé soudaine du medjay et surtout, pour la première fois, dans un tel état. En prenant toutes ces précautions face à la mixture, la prêtresse commence les soins. Le soleil point au-dessus du Cartouche, le corps de Odion est sous une lumière artificielle orange aux propriétés curative pour la peau et stimulant le système immunitaire. Hetpet se tient à son chevet préparant une décoction à base de plantes agrémentées d’un venin de cobra élevé uniquement au Cartouche à des fins médical. Son visage est crispée, abattue par cette fin de nuit de travail toutefois elle reprend le sourire en voyant le medjay ouvrir les yeux.
— Tu es déjà réveillé Odion, incroyable, au vu de ton état je pensais te garder dans le coma durant une bonne semaine. — Alors je suis arrivé à te rejoindre, que les dieux soient loués. Il tente de se relever mais Hetpet l’en empêche avec beaucoup de facilité. Le visage qu’elle arbore ne plaît aucunement à Odion, de la tristesse mêlée à beaucoup d’inquiétude. — Laisse-moi, grogne-t-il, je dois rejoindre la Basse-Égypte au plus vite… Du sang en grande quantité jaillit soudainement de sa bouche, la douleur qu’elle procure aurait été abominable si les médicaments ne faisaient pas effet. — Par pitié Odion ne bouge pas, ton corps est en très mauvais état. Je… je ne sais même pas si tu pourras vivre encore longtemps. — Epargne-moi tes euphémismes, je ne suis pas un membre de la famille royale. Tu dois me dire toute la vérité. — Ton corps, tu as dû t’en rendre compte, se détruit et se reconstruit en permanence, malheureusement la balance est en train de pencher envers la destruction. J’aimerai alors savoir qu’elle poison t’a atteint, ce n’est sûrement pas celui d’un animal, en fait cela ne vient pas même pas de notre royaume. Qui ou quoi te l’a injecté? Aide-moi pour que je puisse te sauver. — C’est le romain, la substance est rouge-noire ténébreuse, très opaque à la lumière. Il y a quelques jours il en a administré à des Égyptiens et Sittiu, les même échantillons que je t’ai fait parvenir. Cela a tué nos compatriotes mais les Sittiu ont obtenu une force accrue digne des plus grands fauves; il vomit une fois de plus en se penchant de la table, pardonne-moi Hetpet mais je ressens du mouvement en moi ainsi qu’un chatouillement au niveau de la blessure. Cette chose est en train de me détruire de l’intérieur. Les paroles du medjay effrayent la prêtresse ne sachant pas quoi répondre face à son histoire, elle se tient le front. — Mais je ne comprends pas, tes analyses sont différentes de la mixture que j’ai reçu de ta part. Es-tu certain que c’est le même mélange? — La couleur était similaire, si tu n’as relevé presque aucun point commun alors… par Sekhmet. Le romain a dû effectuer des expériences, son mélange doit-être plus complet. Le mortier de la prêtresse cesse son petit tintement, elle déverse le contenu dans une fiole trempée ensuite dans un liquide doré et bouillonnant comme la surface du soleil. Le mélange à l’intérieur a rougit, Hetpet le verse dans une seringue qu’elle abandonne un moment. Odion soulève son bras gauche et déclare: — Je vois que tu m’as greffé des muscles et des organes, je t’en remercie. — Ce n’est qu’un substitut, ils sont métalliques et ancien certes mais cela ne te sera pas suffisant ou juste assez pour… pour la suite. Hetpet à la gorge serrée et se retire avant de revenir avec un bocal d’herbe jaune, elle prend la seringue dos au medjay et commence à verser la préparation doré sur une des feuille de lotus doré. Une fois dévoré le mélange semble apaiser le medjay au visage presque amaigrit. « Pour la première fois en trente ans je ressens à nouveau la douleur mais… mais cela n’a rien à avoir avec la mixture ». Hetpet se dépêche d’administrer la décoction aux propriétés curatives et surtout régénératrice. En contemplant son flanc gauche, les veines et artères infectées semblent se résorber. — Combien de temps me reste-t-il? demande Odion en se relevant plus facilement. — Je… je ne sais pas, c’est la première fois que je vois une telle horreur se propager dans le corps d’un homme vivant. N’importe qui d’autre dans la Moyenne-Égypte serait mort dès l’absorption de ce poison. Mais toi tu es un medjay, ton corps modifié te permet de survivre un temps supplémentaire. Un silence s’installe alors que la prêtresse termine une autre préparation. « Par tous les dieux, je vais mourir à cause d’un romain, je dois à tout prix le retrouver et l’arrêter avant de rejoindre la douât. Je ne connaîtrai jamais le repos si je meurs en le sachant toujours en vie. Le Royaume de notre grand Pharaon a assez souffert par sa faute ». — Me restera-t-il assez de temps pour accomplir une dernière mission? — Sans doute, au vu de ton corps je dirai avant le coucher du prochain soleil. Tu dois te reposer sous la lumière ensuite… accomplit ce que tu dois accomplir. La prêtresse se retire d’un pas pressé dans une autre pièce, le silence pesant est entrecoupé de fort toussotement quelques fois s’achevant sur des vomissements par Odion. « Elle a raison, ma force est encore trop faible pour espérer combattre ne serait qu’un garde de Haute-Égypte. De toute manière j’ai sérieusement blessé ce Mors, il devra sans aucun doute récupérer de son amputation. Un autre sentiment grandit en moi serait-ce…la peur? Son regard lors de notre discussion me hante, il n’a rien d’humain ou plutôt c’est comme si quelque chose d’autre le possédait. De toutes les personnes que j’ai rencontrées il est sans aucun doute le plus étrange ». Odion s’allonge sur le dos, la lumière régénératrice englobant sa table l’endort et surtout l’apaise. Vingt-cinq ans plus tôt, le futur medjay Odion passait les épreuves du Kep, le bâtiment militaire du Cartouche opposé au Harem. Cependant ses épreuves ne se mêlaient pas toujours à ceux des princes. Ces derniers s’entrainaient afin de parfaire leurs techniques de combat et notamment la connaissance des arts militaires. Odion lui se forme dans le but de devenir le protecteur du royaume. Issu d’une haute famille noble, son frère Marek avait déjà réussit les épreuves et l’observe silencieusement dans les gradins ténébreux. Les épreuves pour devenir medjay se dispute avec une dizaine de candidats mais généralement un seul ou aucun d’entre eux obtient le titre, les autres meurent ou abandonnent durant la sélection. Les abandons sont liés à la difficultés des challenges demandant des compétences surhumaines que ce soit physique mais surtout mentale. Les morts sont dûs à la difficulté des épreuves notamment celle de survie dans l’oasis de Khargeh ou le fruit d’une mauvaise réaction aux modifications corporelles durant le processus de transformation. Les gènes sont modifiés grâce à des médicaments et thérapies aux souffrances inimaginables mais le produit qui en découle est un homme dont les capacités sont supérieurs à celle des protecteurs royaux. Le summum de l’être humain. Odion réussit avec brio les épreuves, surtout, par chance pour la plupart, il commença à dix ans comme tout le monde et aujourd’hui, du haut de ses vingt ans, il se prépare à accomplir sa dernière épreuve. Celle qui conclura son cursus infernal. Au centre d’une arène souterraine dans le Cartouche, un lieu qui aurait, selon la légende, vu mourrir le dernier ennemi du royaume, le jeune Odion est seul. Ses pieds nus se salissent dans la terre jaune-orangé avec quelques rayons de lumière filtrant à travers les fentes du dôme de la structure. Les gradins sont plongés dans l’obscurité mais il sait que son frère Marek l’observe, prêt à intervenir. Odion n’est vêtu que d’un pagne, aucune protection ni arme ne lui a été donné comme le souhaite la tradition. Il ne devra utiliser que sa force physique pour achever son redoutable ennemi. « Si j’échoue je meurs et si j’abandonne Marek me décapitera sans me laisser de seconde chance. C’est sans doute mon dernier jour cependant je n’ai aucun regret, je veux devenir medjay comme mon frère. Je veux protéger le royaume de notre grand Pharaon. Hetpet si je reviens te voir ce sera tant que medjay ». Le mur solaire en face de lui s’éteint, Odion, en position de combat uniquement armé de ses poings, attend la bête qui va surgir d’un instant à l’autre. La sueur dégouline de sa peau imberbe, ses muscles saillants se contractent en laissant apercevoir des veines et artères au sang bouillonnant. Le monstre tapis dans le tunnel ténébreux émet un rugissement, sa manière de saluer son combattant avant d’apparaitre. Un lion d’ivoire marche dans sa direction, deux fois plus gros que ces congénères naturels. Sa fourrure nacré et soyeuse accompagnée de ses yeux bleus font de lui la plus majestueuse des créatures du royaume. A chacun de ses pas le sol tremble comme un bloc jeté du haut d’une grue. La poussière se soulève lorsque sa fourrure virevolte sous l’effet de la vitesse du fauve. Tout comme Odion l’animal a été entrainé en parallèle et modifié génétiquement depuis dix ans. Aujourd’hui seul l’un d’eux quittera l’arène en vie. Le fauve rugit si fort que la poussière se soulève mais le futur medjay ne tremble pas. « Sekhmet pardonne-moi, je vais devoir terrasser l’un de tes enfants ». Le lion d’ivoire bondit sur lui, sa proie esquive. L’animal réplique aussitôt en assénant un coup de patte horizontale, Odion pare l’attaque, sa force est suffisante toutefois pas assez pour supporter le coup de griffe de son autre patte. L’homme est éjecté de deux mètres en arrière sans tomber. Deux longues tranchées creusées par ses pieds le sépare du félin. Son torse affiche de profonde plaie atteignant les os qui cicatrisent sans délai. Le lion attaque, cette fois c’est sa mâchoire aux crocs plus longs qu’une main humaine qui agresse Odion. Son bras bloque la gueule au prix d’être broyé tel un os à ronger cependant Odion n’esquisse aucun geignement ni même de moue. Il se contente de frapper à multiples reprises les côtes du fauve de son poing droit. La cage thoracique du félin se brise mais ce n’est pas assez pour l’achever, le guerrier s’attaque au cou en espérant lui éclater les cervicales. Toutefois le lion se retire, il peine à respirer tandis que la chair et le sang de sa victime dégouline de gueule d’ébène. Son soyeux pelage est taché de rouge et de chair pendouillante comme les bijoux d’une princesse. Le bras de Odion se régénère entièrement, ses gènes sont plus performants que ceux du fauve dont les côtes se reforment bien moins rapidement. Le guerrier inverse la tendance, il se rue sur la bête et lui assène un enchainement de coups de poings et pieds sans aucun répit. Terrassé, l’animal utilise ses dernières forces pour tenter de mordre son adversaire malheureusement le medjay se poste derrière sa tête, les bras sous sa gorge, il tire de toutes ses forces jusqu’à lui rompre le cou. Le craquement des cervicales sonne la fin de l’altercation. Un dernier râle s’échappe de l’animal majestueux. L’homme remporte le combat et cela sans réelle blessure, l’interminable entrainement de dix ans a payé. Dans les gradins les applaudissements d’un seul homme retentissent, Marek est partit, déçut de la prestation de son frère devenant bientôt son égale dans ce corps de métier très privé. Le vizir des armées rejoint l’homme désormais medjay, ce dernier se tient droit sans vouloir montrer le moindre signe de fatigue. « Je suis exténué, heureusement que je ne sens pas la douleur sinon j’aurais perdu à coup sûr. Je me demande ce qu’en a pensé grand-frère ». Le vizir des armées Pensekhmet approche, vêtu d’une toge noire maintenu par une ceinture en or pendouillante sous son ventre bedonnant. Son crâne chauve laisse échapper un peu de sueur déclenché soit par la température du lieu ou le stress du combat. La promotion de cette génération fut une catastrophe selon lui, Odion sauva la sélection. — Bravo à toi medjay, je suis fier de savoir qu’un autre protecteur du royaume rejoint nos rangs. Deux medjay de la même famille est un évènement très rare même si j’aurai préféré en compter plus parmi nous. — Merci à vous vizir, dit Odion en s’agenouillant, quand prendrai-je mes fonctions au côté de notre grand Pharaon? — Du calme un peu de patience, répond le vizir en le relevant et riant nerveusement. D’abord tu fêteras l’évènement avec une semaine de pause le temps de te remettre d’aplomb et une longue série de visite médical. Ensuite le prêtre du temple d’Horus te gravera le serment du medjay sur ton visage comme le veut la tradition. La déception se lit sur le visage du medjay cependant par respect pour le fonctionnaire il arbore rapidement une attitude neutre. — Qu’a pensé mon frère de ma prestation? — Et bien pour être franc il s’apprêtait à te couper la tête en pensant que tu abandonnerais avant le combat puis il ne dit plus rien. Néanmoins, et je suis désolé de te l’annoncer, ta prestation est en deçà de la sienne. Marek avait terrassé deux lions et cela sans la moindre égratignure. — Deux lions! Mais pourquoi? — A l’époque il y avait deux autres candidats finalistes et pour assurer toutes ces chances il ordonna d’affronter deux fauves. Le sien et celui d’un quatrième candidat ayant abandonné. Les deux autres prétendants ont été plus tard massacré mais de ses mains enfin d’après les rumeurs. Odion est dépité par la nouvelle, au fond de lui il pensait qu’atteindre ce rang de medjay lui ferait ressentir une certaine émotion de fierté mais en entendant le récit du vizir tout s’effondre en lui. « Deux lions! ». — Une dernière chose medjay, dit le vizir en lui tapotant l’épaule. Je suis désolé d’être rabat-joie durant ce moment de gloire mais au nom de Sekhmet je me dois d’être franc. La place de medjay aux côtés de Pharaon est déjà prise par ton frère, toi tu devras t’occuper des… caprices si je puis me permettre, des enfants de Pharaon. Cependant ne perd pas la foi, il se pourrait sans aucun doute que Ramsès le grand t’octroie une mission de très haute importance et cela en personne. Le medjay se réveille aussitôt de ce rêve ou plutôt souvenir, le soleil est à proche de la fin de son cycle. « Je n’ai pas pu servir Pharaon comme je le voulais mais le vizir a eut raison. Il m’a octroyé une mission personnelle. Je me dois de l’accomplir à tout prix pour mon souverain et le royaume qu’il gouverne ».
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2023.06.30 08:03 Global_Relative_3177 Chapitre 42: Souemniout

Bonne lecture.
Deux jours après avoir quitté Shedet, la douce Neith se prélasse au Harem royal en compagnie de ses amies princesses, pour la plupart, et noble d’un rang inférieur au sien. L’eau pure du Nil s’écoulant depuis une cascade est chauffée par une machine luisant au soleil. Dans cette petite pièce privée du quartier Isis, le parfum de lotus bleu et les vapeurs d’eaux adoucissent la peau et d’après les médecins royaux ces traitements retardent la vieillesse. D’autres en revanche se prélassent dans un bassin adjacent plein à ras bords de lait d’ânesse. Le silence du cartouche est entrecoupé de rire, de ragots et de nage, la joie se lit sur les visages illuminés par l’éclat des rayons du soleil se faufilant entre les hauts palmier. Allongée sur le dos en hauteur sur un banc de marbre marron, Neith écoute avec dédain, le bras sur son front, les histoires sans intérêt de ses amies. En particulier Nephtys IV la bavarde ne cessant de répandre toutes sortes de potins entendus par-ci par-là:
— Il parait qu’elle a tenté de l’assassiner après son énième adultère. Apparement on pouvait entendre les cris des disputes hier soir. — Impossible! répond interloquée Iset III, une énième? Par Hathor, je ne te crois pas. — Si je te le jure, Pakhémentou utilisait une cachette dans le grenier de son nome pour ses conquêtes du soir. Désormais ils sont en instance de divorce, Maât ne va pas le laisser s’en tirer je te l’assure. — Je suis outrée et moi qui le pensais fidèle, dit Iset toute retournée par l’annonce, on ne peut se fier à personne de nos jours. Anoukis, une grande femme à la peau blanche et douce comme le lait dont elle s’en extirpe gracieusement, se joint aux commérages: — J’ai entendu dire que Meskhenet aurait été surprise avec un noble ces jours-ci. Nephtys le confirmes-tu? — Oui! s’écrie-t-elle en frappant sa cuisse, j’ai oublié de vous en parler. Apparemment c’est sa mère qui a découvert leurs correspondance houleuse. D’après ce que j’ai entendu elle lui aurait envoyé des photos très suggestive. — Si vous voulez mon avis cela finira de la même manière que Mâsou, ce noble disparaitra et son nom sera à jamais perdu. Une noble, répondant au doux nom de Ounenès, apporte des lotions importées directement du nome des Deux Divinités. Vêtue simplement d’une serviette, ses cheveux bruns sont mouillés et couvert d’un tissu chaud, elle s’agenouille pour allumer des bâtonnets d’encens. L’air se sature désormais d’une forte odeur de fraise. Chacune des filles poursuivent leur conversations en fixant du coin de l’oeil Neith plongée dans ses pensées. Il ne faut pas longtemps avant que la demoiselle ne réagisse: — Par Isis! Quelle est cette odeur? — De la fraise du désert, répond Iset toute souriante, voilà la seule manière de te faire réagir. — Allez racontes-nous! s’exclame Nephtys, quel homme a tenté de te séduire pour te laisser dans cet état? — Aucun c’est… — Menteuse! interrompt une princesse à l’opposé. La jeune princesse Isis IV la fixe du regard alors qu’elle s’enduit d’huile de lin sur un banc opposé. Mesurant deux mètres cinquante, son physique fait d’elle, comme toutes les femmes prénommées Isis, l’une des plus belles du royaume. Fille de l’ancienne épouse royale Isis III, elle est l’ainée du groupe. La demoiselle fustige de son regard la pauvre Neith toute déboussolée. — La dernière fois que tu te trouvais dans cet état, reprend Isis en s’asseyant, c’était après ton rendez-vous avec Antef. Au nom d’Isis je te somme de nous dire la vérité! — Je le jure sur la déesse Hathor qu’il n’est pas responsable de mon état. Les filles s’exclament dans un sursaut de surprise, chacune d’elles s’approche un peu plus de la demoiselle cernée sans possibilité de fuite. La curiosité les dévore notamment les princesses n’ayant rien d’intéressant à se raconter depuis plusieurs semaines tant les nouvelles sont redondantes. — Je le savais! s’exclame Nephtys, tes sorties exceptionnelles le soir ne sont pas liées à ton travail de danseuse. — Comment il est? Est-il beau? demande Iset. — Est ce que nous le connaissons? surgit Anoukis de sa droite. — Qui a pu conquérir le coeur de l’une des plus grande noble de Memphis? ajoute Isis. Neith rougit autant que ses lèvres enduites de baies, les mots ne peuvent sortir de sa bouche en écoutant les remarques surtout lorsqu’elle repense à Shedet. — Je ne l’aime pas! Il est moche, vulgaire, et sent très mauvais, beaucoup trop même. Chaque instant à ses côtés est une véritable plaie. Les filles s’observent d’un air circonspect, les yeux grands ouverts par étonnement en imaginant l’inconcevable. — Par Amon! s’exclame Iset, tu es amoureuse d’un paysan! — N’est-ce pas d’un romantisme incroyable! s’écrie Nephtys en sortant du bain pour s’asseoir à ses côtés. — Par Hathor, une belle noble s’entichant d’un roturier paysan, de quoi rendre l’histoire de Geb et Nout bien minable en comparaison. — Qu’a-t-il pu te faire ou te dire pour conquérir ton coeur de diamant? Aucune des filles ne laisse le temps à Neith de s’expliquer. « Je vais perdre la raison! Ces commères vont colporter cette histoire partout dans le Cartouche voire même au-delà. De toute manière personne ne s’intéresse à moi dans ma famille, ils sont encore effondré par la mort de mon frère. Maudit sois-tu Shedet tu me dois encore des explications ». Soudain une femme intervient dans la pièce, petite et fripée, sa peau semble rajeunir au contact de la vapeur. Memnet, l’une des domestiques du directeur du harem, coupe court à toutes discussions. Sa présence est toujours synonyme de malheur. — Dame Neith, on vous réclame de toute urgence à Memphis. — Et qu’y a-t-il de si urgent, répond-elle avec dédain, mon frère a ressuscité? — Petite sotte! C’est un ordre de la garde royale, votre mère a des ennuis. Malgré le sérieux de l’affaire, Neith sort sans précipitation de la pièce quittant ce havre de paix en sachant pertinemment que les discussions vont désormais s’orienter à son sujet. « Je me demande ce qu’a pu faire ma mère pour s’attirer des ennuis, elle qui passe ses journées à pleurer un mort ». Les portes du Harem se ferment à Neith alors qu’elle emprunte une felouque amarrée près d’un ponton. La traversée jusqu’à Memphis est silencieuse, le navigateur est muet. L’embarcation ralentit soudainement afin qu’un garde saute dessus depuis la rive. Le soldat ne parle pas, ni même un signe de tête, il se contente simplement de rester poster près de la poupe, dos au passeur et loin derrière Neith. « J’ai l’impression que les choses seront plus complexe que prévue, la présence du garde ne me rassure absolument pas. Bon sang mère qu’as-tu fait! ». Le voyage s’achève au poste des officiers de Memphis, la disgrâce pour un noble de se retrouver cloîtré voire même invité entre ses quatre murs. Le garde qui l’accompagnait repartit une fois que Neith pénétra dans le bâtiment, un comportement qui ne la rassure pas. Contrairement à Ouaset le personnel est plus éthique, en tout cas en apparence. L’officier Sobekemsaf est davantage respecté que son homologue Senedj. Une fois à l’accueil l’homme apparait devant elle, il est jeune, musclé, dix ans plus âgé que Neith et issu de la famille Tjahépimou, la haute noblesse mais pas assez pour soumettre celle de Neith. Grand de deux mètres dix il la dépasse d’une tête, ses épaules larges et son corps sculpté par ces années de formation au Kep le rende imposant. Sur son torse nu il arbore un tatouage en argent lié à son serment lors de sa prise en fonction. Son pagne en biseau laisse pendouiller des armes blanches attachées à sa ceinture à la boucle de peau de crocodile. — Mademoiselle Neith, votre mère a souhaité vous parler. Suivez-moi. « Je ne me sens absolument pas en sécurité avec tous ces regards d’officier, j’espère que père est présent même si cela m’étonnerait. Depuis un mois je ne reçois de lui que des lettres, chose habituelle de sa part mais en ses circonstances j’aurais pensé qu’il changerait. De toute manière son coeur est aussi tourné vers mon frère. Toutefois ne perdons pas espoir il va sûrement voler au secours de la femme qu’il adore ». En temps normal l’officier aurait effectué une révérence cependant son regard torve lorsqu’il la fixe à mesure qu’il la laisse passer les nombreuses portes la rende progressivement mal à l’aise. L’ambiance froide des geôles privées de lumière aggrave son stress, la poussière étouffe le nez sensible de Neith et les râles provenant des prisonniers attendant le jugement sont difficile à supporter pour elle. L’officier la fixe de nouveau avec dédain lorsqu’ils pénètrent plus loin dans la prison souterraine. Le changement de ton dans sa voix l’effraie. — Ta mère a été accusé de vol au grand temple de Ptah, déclare l’officier marchant devant elle avec la lampe, la statuette en or du dieu Ptah fut retrouvée dans sa robe. — Mais c’est impossible! proteste-t-elle, ma mère adore Ptah depuis sa naissance. Jamais elle n’aurait porté préjudice à son idole. Je souhaite lui parler tout de suite, ordonne-t-elle de vive voix. L’officier fait signe à la demoiselle de le suivre encore plus profondément, ils s’engagent dans les escaliers en colimaçon. Les marches sont étroites et la poussière obstrue les narines de Neith. La lampe éclaire les pas bruyants de l’officier mais sans prêter attention à son invité qui se tient au mur afin de ne pas se rompre le cou. « L’atmosphère me rend malade, je sens que mes cheveux gèlent, plus nous descendons plus le soleil me manque. Comment ces monstres peuvent-ils enfermer ma mère aussi loin dans le sol? D’ailleurs cette histoire de vol est tout de même étrange. Par Isis, pourquoi père n’est pas encore arrivé! ». En atteignant l‘étage le plus profond, l’éclat d’une lumière vive provenant d’une porte solaire réchauffe les mains engourdis de la demoiselle tout en l’aveuglant. En désactivant la porte solaire l’officier déclare: — En ce moment nous fouillons ton appartement à la recherche d’autres statuettes ou objets appartenant aux prêtres. Depuis quelques semaines des vols en série se sont produits et je suis prêt à jurer sur Sobek que ta mère est la coupable. — Tu délires l’officier, ma famille est l’une, si ce n’est la plus honorable de Memphis. Nous n’avons aucunement le temps de ruiner notre réputation. Nous sommes à l’abri du besoin et cette statuette doit être un subterfuge commit par les vrais voleurs. La seule réponse de l’officier est un rire étouffé entre ses dents avant de laisser seule Neith avec sa mère allongée sur le sol sale de sa cellule ténébreuse. — Souemniout! Tu as de la visite, le regard menaçant de l’officier se braque sur Neith lorsqu’il la pousse dans la cellule. Tu as cinq minutes, dit-il en fermant la porte et lui jetant une pierre lumineuse. « Quel rustre! En revanche ce qu’il m’a dit est invraisemblable, j’ai l’horrible impression que quelque chose de grave se prépare ». Neith reste debout puis s’approche de sa mère allongée et souillée par la poussière, épuisée elle se contente de prier les yeux fermés. La pauvre femme grelotte mais la pierre lumineuse la réchauffe un peu. — Mère lève-toi! Tu dois me raconter ce qu’il s’est passé. Se refusant de s’asseoir, Neith la prend par les épaules et secoue sa mère dans l’espoir qu’elle reprenne ses esprits. — Par tous les dieux! Mère! Cesse de prier et concentre toi sur le présent. Pourquoi as-tu volé la statuette? Des paroles susurrées sortent de sa bouche, des chuchotements que Neith tente de comprendre en se rapprochant de sa mère. — Au nom du caché je t’en supplie accepte mon fils auprès de toi, laisse-le rejoindre les champs de roseaux afin qu’il puisse m’attendre lorsque je le rejoindrai… La gorge de la demoiselle se serre, elle la lâche avec dédain. Souemniout s’effondre à nouveau par terre sans cesser de poursuivre ses prières. Neith se remet debout, tourne sur elle-même les mains sur les tempes, en respirant de manière rythmé. — Tu as complètement perdu la tête, par Isis reprend tes esprits! aboie-t-elle en la poussant du pied. Depuis la mort de mon satané frère tu te mues dans une folie sans nom; sans réponse Neith relève à nouveau sa mère par les épaules. Je te le répète, concentre-toi sur le présent, ce traître est mort… Une gifle martèle la joue de Neith, un soufflet si fort qu’elle lui remémore d’anciens souvenirs de son enfance. Souemniout se lève semblant avoir un moment de lucidité. — Ton frère est mort dans l’explosion du temple, il se fatiguait à rendre le royaume meilleur. Mon bébé est mort et rien ne pourra le ramener. — Mais il reste moi, grommelle Neith en se caressant sa joue rouge, vous aviez de grands espoirs avant que Pharaon ne convoque mon frère auprès de lui. Il a ruiné mes ambitions, résultat plus personne ne s’intéresse à moi. — Il est vrai que ton mariage avec Antef allait renforcer nos positions et que tu aurais été importante pour la famille mais je te rappelle que c’est toi qui a délibérément sabordé tes chances. — Il suffit! Je ne veux plus en parler! Maintenant tu vas aller voir l’officier et lui dire que cette histoire de vol n’est qu’un malentendu, une mascarade… — Ce n’est pas le cas. — Quoi! Mais pourquoi avoir dérobé un objet sacré? La folie t’a-t-elle définitivement corrompue? — Neith cette statuette on me l’a glissé dans mes affaires et je te parie que les soldats vont en trouver d’autres chez nous. Quelqu’un tente de détruire notre famille depuis quelques semaines et je n’ai aucune idée de la raison. Je suis désolé mais le chagrin nous a empêché de nous protéger. Neith tombe à genoux, l’effroi la paralyse car elle connait la suite des évènements pour sa pauvre mère. « Je… je n’y crois pas, c’est un cauchemar, une malédiction. Il faut que je trouve père immédiatement ». Neith se rapproche de sa mère et l’enlace. — Où est père? — Je ne sais pas cela fait plus d’un mois que je n’ai pas touché son corps ni revu son beau visage. « C’est un cauchemar, par Isis je vais me réveiller dans mon lit. Il faut que j’aille trouver de l’aide mais par qui? ». Neith fixe sa pauvre mère dans les yeux et exige: — Promets-moi de choisir les mines du mont Cobra lors du jugement, je trouverai le moyen de t’en faire sortir. Pendant ce temps j’irai chercher père et il paiera ta caution sans soucis. La folie s’empare à nouveau de l’esprit de sa mère répondant désormais uniquement par des prières. L’officier Sobekemsaf réapparait au moment parfait, sourire aux lèvres tandis que sa lampe aveugle la demoiselle. — Allez il est temps de sortir. — Quand sera-t-elle jugée? — Dans trois jours, informe-t-il en verrouillant la cellule, Maât prononcera le verdict et elle aura sûrement un choix à accomplir, dit-il avec le sourire. La présence et le regard lubrique de cet homme la rend mal à l’aise, l’atmosphère des geôles s’emplit d’une aura lugubre. Il lui ordonne de passer devant, ce que fait Neith en déambulant à la lisière de l’halo de lumière. En marchant derrière elle, Sobekemsaf lui caresse l’épaule pour la diriger et demande: — Avec mes prérogatives je peux écourter sa détention; sa main commence à descendre et se balader sur son bras, je serai même capable de la faire sortir. Donne-toi à moi plusieurs fois et ce jusqu’à la fête d’Opet. Je jure sur Sobek que je garantirai ta sécurité ainsi que celle de ta famille. J’ai besoin de me défouler, susurre-t-il, les jeunes femmes comme toi me rendes fou… La demoiselle continue de marcher mais son corps tétanisé n’effectue aucun mouvement, tous ces malheurs s’enchaînent si rapidement. Impossible d’avoir les idées claires notamment lorsque l’obscurité des geôles voile son regard. Lorsque la main de l’officier atteint sa hanche droite elle le retire en lui tordant l’index de manière instinctive. Un cri de douleur se répand dans la geôle tandis que les prisonniers jubilent en frappant frénétiquement les barreaux. Neith s’écarte de lui, tremblante de terreur elle remonte aussitôt les abîmes en se collant au mur dans l’espoir de revoir la lumière du soleil. Le nombre de marche semble infini et la fatigue rend ses pieds moins réactif, le sol semble boueux. Hors du bâtiment elle souffle un bon coup, les larmes lui montent aux yeux surtout en repensant à l’horrible calvaire qui aurait pu se produire loin sous terre. « Par tous les dieux! Aucun homme n’avait osé me toucher, c’est un cauchemar, Apophis sème la destruction dans mon existence. Je… je dois aller rejoindre père, lui saura quoi faire. Isis je te remercie pour ta protection ». Sans perdre un instant elle court en direction de la trésorerie de Memphis, le lieu de travail de son père. A Memphis la trésorerie est un immense bâtiment composé de trois chambres: deux maisons d’argent et une en or les surplombant grâce à des colonnes massives. L’argent récolte la moitié des impôts mensuel du royaume, un mélange de céréales et plantes accompagnées de pierre et métaux précieux. Lorsque le trésorier d’argent en chef, donc le père de Neith, vérifie l’exactitude des données, il en délivre une grande partie au trésorier d’or, tout comme son homologue d’argent. Ensuite le prince Nebenkharu, trésorier de la maison d’or redistribue l’impôt entre le Cartouche, la Haute et Moyenne-Égypte ainsi que les hauts fonctionnaires de BasseÉgypte. Le père de Neith fait partie de la plus haute juridiction du royaume malgré son seul statut de noble. Depuis son arrière grand-père la situation familiale est plus que confortable ce qui a permit à Neith de vivre parmi la population du sommet de la pyramide social. Cependant la situation qu’elle connait aujourd’hui est catastrophique, son monde s’écroule et c’est en courant avec toute son énergie qu’elle rejoint la trésorerie. Les pylônes de la trésorerie sont immenses, encerclés par des sphinx à tête de vache, en rapport à la déesse Isis, une allée amène directement aux maisons d’argent. Personne n’est présent comme si le bâtiment eut été abandonné et seuls deux gardes taciturnes protègent son entrée. Les sentinelles l’interceptent immédiatement malgré son statut, les lances croisées sont son seul obstacle. — Laissez-moi passer je dois rejoindre mon père Senneferi au plus vite. Les deux gardes s’observent puis refusent catégoriquement sans esquisser le moindre geste supplémentaire. L’allée dorée de la trésorerie, bordée de palmier, lui est restreinte. — Par Isis, laissez-moi retrouver mon père! La demoiselle se brûle la main en touchant la lance, elle savait très bien le risque qu’elle prenait pourtant sur le coup ce geste désespéré lui paraissait sans conséquence. — N’avez-vous pas honte d’ennuyer cette magnifique demoiselle, dit un homme marchant dans l’allée de la trésorerie. Cet individu est grand, maigre, les cheveux courts, et le visage bien conçu ayant autrefois conquis le coeur de Neith. Ses parures autour du cou ainsi que la clé Ankh pendouillant sur son ventre ne cesse d’émettre ce bruit de cliquetis infernale qu’il apprécie à chaque instant. Le surplus de sa toge grise glisse sur le sol en marbre toujours propre et scintillant au soleil. Le regard de Neith change et devient plus froid, plus acéré en voyant l’homme. — Ma douce Neith, j’ai toujours espéré te revoir malheureusement cela se produit au mauvais moment. — Foutu Antef! Dis leur de me laisser rejoindre mon père! Ton chef! — Par Thot, grande beauté calme toi, entendre ces insultes sortir de ta magnifique bouche me fend le coeur. Ton père n’est pas mon chef seulement mon homologue. Tu sais que je vis encore mal ton refus de m’épouser et depuis lors je cherche par tous les moyens de te conquérir. — Et bien cela n’arrivera jamais même si Osiris en personne me l’obligeait en échange de mon salut. Antef fait mine de se sentir touché par ces propos, la paume de sa main touche son front comme si d’un instant à l’autre son évanouissement était imminent. Toutefois son mauvais jeu d’acteur est forcé afin de torturer la pauvre Neith ne souhaitant que franchir la porte de la trésorerie. — Neith, allons dîner ensemble et passer une nuit dans mon appartement. Je suis certain que cela te détendrait… Elle crache sur sa toge cependant cela n’affecte en rien le moral de son interlocuteur. Il répond en observant la salive dégouliner de son habit: — Ta douce bave séchera au soleil ma chère. Comme je vois que ton état mentale te fait défaut de la même manière qu’à nos fiançailles je vais écourter cette entrevue. En ce qui concerne ton père cela m’attriste de te l’annoncer mais il n’est plus parmi nous. — Quoi! Hé reviens ici sale fouine! Où est-il? — Au dernières nouvelles il a été muté au nome de Kush régler ce problème d’impôt avec Taharqa. Au revoir ma jolie. Neith est effondrée, plus aucun membre de sa famille n’est présent à ses côtés. Kush est un nome au statut très spéciale dans le royaume, une sorte de cité Etat au lourd passé. « Si mon père y a été envoyé il risque sa vie en permanence mais plus terrifiant encore il nous aurait averti de ce petit contretemps. Je… je dois retourner chez moi et me calmer. Mon esprit n’est plus clair, un peu de repos me détendra… enfin je l’espère ». Le soleil se couche bientôt, quelques heures qui aurait dû servir à Neith pour se préparer à sortir cette nuit. Faire la fête à Memphis ou plus stupide de sa part rejoindre Shedet pour plus de réponse sur son frère. Toutefois ayant le moral plus bas que terre son coeur n’a pas la force de supporter un tel périple, sa seule destination est son appartement. Le dernier choc de la journée lui fait couler les larmes aux yeux en pénétrant dans sa demeure. Tout est retourné, dévasté par les soldats venus plus tôt à la recherche de fausses preuves. Le bassin est remplit d’eau putride mêlé à ses vêtements déchirés. Sa chambre est couverte de ses habits et bijoux dont la moitié est manquante. Les amphores sont brisées et l’autel de sa mère, objet qu’elle aurait tant voulu pulvériser, gît sur le sol avec un morceau du tabernacle éjecté près des sofas. Les tissus, rideaux et coussins sont transpercés comme des cadavres laissés pour mort. Un sentiment amer l’accable, le dernier coup de massue clôturant cette horrible journée. La main devant sa bouche, les larmes se perdent entre ses doigts, détruite par le chaos de son chez-soi alors que la beauté des lumières de la ville se reflètent entre ces murs.
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2023.06.28 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 40: Akhenaton IV l’hérétique

Bonne lecture.
Au royaume il existe un nombre, très difficile à déterminer, de dieux vénérés. Il appartient donc à qui le souhaite de s’adonner au culte principal d’un dieu. Pour Shedet c’est Thot: dieu de la sagesse, de la lune et des scribes. Pour Odion c’est Sekhmet la déesse protectrice du royaume à tête de lionne. Le prince Hor a choisit Horus dieu protecteur des pharaons en ne citant qu’un rôle parmi tant d’autres. Neith est dévouée la grande Isis, déesse régénératrice et protectrice des femmes et enfants. Cela ne les empêche pas d’adorer d’autres dieux et d’offrir des offrandes afin de connaître la félicité le plus longtemps possible. En revanche il existe dans le royaume un homme, prince et descendant d’un ancien Pharaon, si déviant dans ces pratiques qu’il fut qualifié d’hérétique et très peu apprécié au Cartouche. Akhenaton IV l’hérétique tel que l’a été son ascendant l’illustre Akhenaton I, ancien souverain durant la deuxième ère. Ses frères et soeurs le conspuent sauf une, Nefertiti V, elle aussi fille de Ramsès et de Nefertiti III descendante de l’ancienne épouse d’Akhenaton I. Ce couple d’hérétique vit au nome de Atoum, une région reculée du Sud cernée par le désert et relié au Nil par un seul bras. Personne ne voulait être voisin avec ce nome afin de ne pas offenser les dieux ce que Akhenaton II prit comme un défi. En cinq ans il érigea Atoum à la gloire du dieu Aton disque solaire en hommage à son illustre père. Une petite cité habitée par les Sittiu et un seul temple immense enlacé par le bras du Nil. Cet exploit architectural, non reconnu par ses pairs, a néanmoins demandé le sacrifice d’un nombre incalculable d’ouvriers Égyptiens et Sittiu. Aujourd’hui tous sont le bienvenu, l’accès au nome est libre et même les Sittiu peuvent s’y installer en échange d’un serment envers ce dieu. Il n’est donc pas anormal de voir l’une des plus grandes concentration de Sittiu même si au fond ils ne partagent les croyances. D’après certains témoignages, d’anciens esclaves condamnés et recherchés auraient fui dans ce nome et aujourd’hui leurs descendants prospèrent. L’actuel Akhenaton se rend souvent au Cartouche pour du commerce et récolter de l’argent mais lorsque les obligations sont levées il vit dans son nome qu’il tente de ne pas faire périr malgré la haine de ses frères et soeurs. Juste avant d’embarquer dans le bras du Nil menant à Atoum, le prince Hor croise une connaissance elle aussi en felouque. Peu de citoyen vogue dans cette partie de la vallée du Nil, l’immense portique arborant un disque solaire effraie les croyants. Sans gêne il percute l’embarcation de l’homme puis saute dessus en déclarant:
— Medjay Odion, je t’ordonne de m’aider.
— Prince Hor, dit le medjay en s’agenouillant, je suis navré mais sa majesté Nefertari, au nom de notre grand Pharaon, m’a fait demander dans ses quartiers. — Maudite soit-elle, grommelle le prince. Je ne te demande qu’une heure voire deux ensuite tu iras aider Nefertari autant que tu le souhaites. Le bras du Nil emporte les deux felouques en direction d’Atoum, la voile de l’embarcation d’Hor le bouscule violemment, heureusement le medjay attrape son bras avant le grand plongeon. D’un seul bras, Odion jette le prince sur sa felouque avant de les décoincer d’un coup de pied. — Reviens immédiatement medjay! Je ne t’ai pas autorisé à partir! — Messire je vous prie de pardonner mon audace, dit le medjay alors que sa felouque s’éloigne, une mission de la plus haute importance m’accable. En ce qui concerne votre affaire je vous conseille de ne négliger aucune piste. Soyez prudent majesté. — Par tous les dieux! crie le prince en frappant le mât de bois imbibé d’eau, aucune aide ne m’est prodigué, je me sens tel un roturier de Moyenne-Égypte. Même les Sittiu sont plus solidaire, quelle honte! Très bien, l’aide des dieux est la seule qui me soit et sera utile. Hor approche du nome grâce au fleuve sacré, la nausée commence déjà à le submerger. « Par tous les dieux, Horus, Amon et Osiris pardonnez moi de fouler ce lieu sale et impur. Accordez-moi la force de supporter cette hérésie ». Le bras du Nil est bordé par d’imposant sphinx en pierre blanche trônant sur un piédestal à l’effigie d’Akhenaton premier. Un visage long au trait prononcé indigne des Égyptiens. L’entrée de la cité est entourée d’un immense mur blanc ensablé à sa base. Des gravures ont été réalisé par le fondateur le dépeignant debout, les bras levés vers le disque solaire le dardant de rayons de soleil en forme de main. Une entrée au style exagéré dans le seul but que toute personne pénétrant, même temporairement, dans la région soient accueilli par le même objet. Après avoir franchi l’immense pylône de cinquante mètres de haut, sans surveillance, Hor est offusqué, c’est la première fois qu’il entre à Atoum et seules des rumeurs lui étaient parvenues. Chaque individu entrant à Atoum par le bras du Nil est accueilli par le temple et Aton: le disque solaire flottant au centre de la cité. Le dieu solaire est un globe aussi gros que cinq maisons, lévitant au-dessus d’un piédestal autour duquel les statues des fondateurs, Akhenaton et Nefertiti, lèvent leurs bras en direction du dieu. Aton ne brûle pas, il utilise le soleil pour briller d’une intensité similaire et ainsi darder de ses propres rayons la région. Le haut piédestal d’une soixantaine de mètres arbore une inscription hiéroglyphique presque impossible à ignorer: « Disque solaire Aton, tu engendres toute existence, tu es à l’origine de la force ». Il est dit qu’à Atoum le soleil ne se couche jamais, la nuit n’existe pas depuis la création du globe. Les habitants se cachent dans leurs habitations pour dormir et les animaux fuient le nome lorsque la nuit les manques. Aujourd’hui les citoyens d’Atoum, essentiellement les Sittiu, s’occupent de garder la cité propre et en bon état sous les ordres du prince hérétique. Akhenaton IV vit avec son épouse et sa dizaine de fille au sommet de son palais juché à la même hauteur que le dieu Aton. Hor emprunte un confluent du bras du Nil longeant le temple centrale sur son côté droit. « Par tous les dieux! Pourquoi Pharaon a-t-il laissé une telle hérésie se créée ici, certes personne n’y vient mais nous risquons d’offenser les dieux. La colère d’Amon détruira le royaume si personne ne fait rien. Ces sphinx et ce visage déformé me rendent malade heureusement que Akhenaton IV n’a pas perpétué ce style artistique dégoutant ». De nombreuses oies s’envolent lors du passage de la felouque, les lieux sont calmes seulement troublé par des prières faites par un prêtre et ses, rares, fidèles venus honorer le dieu disque solaire. Les Sittiu travaillent en silence ou se constituent une réserve de nourriture au petit marché. Les maisons de brique peinte en blanc sont empilées les unes sur les autres en forme d’escalier. Elles longent les hauts murs de la cité et le désert est visible au Sud car sans moyen financier la descendance d’Akhenaton II n’a pu poursuivre les travaux. La fortune de Nefertiti sert principalement à maintenir le nome en bon état. « Hérésie, tout n’est que blasphème partout où mon regard se pose. J’espère que les réponses à mes questions seront données, Shani me manque terriblement et je me refuse de croire qu’elle soit morte ». Après le temple d’Aton les visiteurs peuvent accoster derrière dans la ville de Amarna toujours en présence des sphinx hideux et des obélisques trônant fièrement dans la cité afin de capter les rayons solaires du dieu Aton. « Ce globe me rend malade, j’ai l’impression que ces rayons me touchent tel des mains. Le soleil ne procurent pas cette sensation étrange, Aton est-il réellement vivant? ». Les rues sont aussi colorés de blancs afin de refléter au maximum la lumière, les habitants eux ne semblent aucunement affectées par ce mode de vie. Au contraire les Sittiu semblent aussi heureux qu’au nome de la Vache Sacrée. Hor se dirige vers le palais aligné face au temple mais un prêtre l’intercepte. L’individu se prénomme Maryrâ. Moins grand que le prince, il porte une toge blanche et sa calvitie reflète si bien la lumière que Hor en est sonné un court instant. — Prince Hor ravit de vous voir fouler le sol de notre nome sacré, dit-il en effectuant une révérence la main droite sur le coeur. — Sachez que je ne suis pas venu par pur plaisir, je dois m’entretenir avec Akhenaton sans délai. — Maître Akhenaton vous attendait mais navré de vous décevoir, en ce moment même il est en proie à un sérieux contretemps; le prêtre se pétrifie de peur en voyant le regard meurtrier que lui lance le prince, je vous prie de me suivre, reprend-il paniqué. Hor suit avec dédain ce faux prêtre comme il l’appelle tout en observant attentivement le mode de vie des habitants. « Si il m’attendait c’est qu’il sait sûrement quelque chose, tient bon Shani ». Assez rapidement la lumière incessante d’Aton brûle les yeux du prince, il lui devient difficile de rester attentif. Le khôl autour de ses yeux ne produit plus l’effet escompté. — Dépêches-toi de m’amener au palais avant que je ne perde patience, ordonne le prince en se cachant les yeux de la lumière. — Bien altesse, souhaiteriez-vous une chambre pour dormir ce soir? — Tu crois vraiment que je vais dormir dans ce lieu impie? De plus avec votre globe il me sera impossible de fermer l’oeil. La remarque blessa le prêtre dans son orgueil, traiter le dieu Aton de simple globe est irritant pour ses oreilles alourdit de boucle doré. — Nos services sont tout aussi plaisant qu’au Cartouche majesté. Laissez-vous tenter, je vous assure que votre regard changera après une nuit. Puis-je vous rappeler que ce nome fut autrefois la capitale du royaume. — Alors pourquoi ne l’est-elle plus? Sans doute à cause de cette religion blasphématrice. Presse-le pas prêtre avant que je ne perde patience. En face des hauts escaliers du palais le prêtre s’arrête et déclare: — Messire voici le palais d’Akhenaton IV, je vous souhaite une agréable entrevue. — C’est une blague? Je ne vais pas monter cent mètres d’escalier, amenez-moi des porteurs ou l’ascenseur menant au sommet. — Je suis navré mais rien de tout ceci ne fonctionne… — Alors comment fait mon stupide frère pour rejoindre sa demeure? — Avec sa barque messire, elle le dépose directement au sommet, si vous le souhaitez mes fidèles pourront vous porter. Voir les hérétiques s’approcher de lui ne l’enchante guère, il craint qu’Horus ne le maudisse pour s’être laissé aidé par un blasphémateur. Sans un mot il gravit les marches laissant la population vaquer à ses occupations. Le prince rumine de colère « moi Hor, prince d’Égypte, je dois me coltiner ces marches comme un vulgaire laquais. Il me le paiera d’autant plus que je n’ai pas de temps à perdre ». A mesure qu’il grimpe l’escalier les rayons d’Aton crée en lui un certain malaise, il ressent plus fortement l’impression de se faire toucher et pousser par des mains. « Vivement que je te récupère Shani afin de partir d’ici… pourtant je sais au fond de moi que je ne te retrouverai pas. Non! Par Horus! Je ne dois pas perdre espoir ». Sa détermination s’accroît à mesure qu’il gravit ces hautes marches. Il découvre une grande salle du trône silencieuse alignée face à cette boule lumineuse. Les deux trônes sont vides et seul le scribe est présent assis en tailleur sur le sol à noter la présence du prince Hor tel une sentinelle. — Où est Akhenaton! — Prince Hor votre frère est occupé au Sud du nome pour une affaire urgente. Vous pouvez l’attendre… — Hors de question! Tu vas m’y amener immédiatement je n’ai pas de temps pour les caprices de l’hérétique. Des bruits de pas interrompt sa conversation, celle d’une femme, l’épouse d’Akhenaton et soeur du prince, Nefertiti. Grande femme à la silhouette fine elle est vêtue d’une longue robe rouge et noire, de bracelets scintillants et de sa fameuse coiffe rectangulaire bleu. Son visage est l’un des plus beaux du royaume ayant gardé toute sa splendeur tel que l’était celle de ses ancêtres. — Mon cher frère Hor, te voilà enfin. — Nefertiti, content de te voir, je dois parler au plus vite à ton mari le temps joue contre moi. — Je suis au courant, comme tout le monde dans le royaume, ajoute-t-elle attristé. Allez accompagne-moi même si tu as mal choisi ton moment pour nous rendre visite. « Sa voix tremble, eux aussi seraient-ils victimes d’une machination? De toute manière ce sont des hérétiques pas de grande surprise et cela ne m’intéresse guère ». Tous deux empruntent une nacelle à l’arrière de la salle du trône les faisant descendre au pied du palais avec le désert blanc en vue ainsi que le nome du trône d’Horus bien plus au sud disparaissant à l’abri des hautes dune de sable tout comme les bras du Nil évitant soigneusement cet endroit. Nefertiti brise son silence alors qu’elle observait un coin précis de son nome, le jardin royal présente à l’Est un attroupement de garde et de protecteur royaux à tête de sphère doré. — Comme je te l’ai dit tu es arrivé au pire moment petit frère. Un déséquilibré a tué des gardes Égyptiens et les a exposé de façon macabre dans notre jardin. — J’en ai beaucoup entendu parler ces derniers temps même si je n’y ai pas prêté attention enfin tant que cela ne me touche pas directement. Une idée du coupable? — Des rumeurs font état d’une nouvelle secte Sittiu mais les rumeurs s’accordent sur le fait que c’est l’oeuvre d’un romain. Odion le medjay vient tout juste de partir après avoir enquêté et reçut une convocation par Nefertari. Cela a beaucoup déplut à mon mari. — Il ne manquait plus que ça, je n’y crois pas à cette histoire de romain mais les théories se précisent dans ce sens. Jour après jour les catastrophes s’accumulent au royaume. — Je te préviens Hor, Shani n’est pas là; le prince tremble et serre fortement la rambarde de la nacelle, ses dents émettent un grincement. En revanche tu as raison mon mari sait où elle se cache… — Où est-elle? J’en ai assez de cette traque je veux… je dois la revoir. La nacelle achève sa descente tandis que le prince dévisage avec beaucoup de colère sa soeur toujours aussi stressée pour une quelconque raison. — Shani ta servante… va en parler avec Akhenaton il en sait plus que moi. Elle pousse Hor et fait aussitôt remonter l’engin mécanique en laissant le prince dans sa détresse mentale. « Par Horus, elle ne peut pas être morte, c’est impossible, toutes ces parties d’elle que l’on m’envoyaient je… je me refusais d’y croire en pensant à un subterfuge pour me faire abandonner mais non. Ses cheveux et son doigt ils étaient bien à elle. Akhenaton mourra aujourd’hui si il est complice de son meurtre ». Sans attendre il court rejoindre la portion du jardin présenté par Nefertiti. Une terre rectangulaire de plusieurs dizaines d’hectares offrant fruits et plantes médicinales même si le lieu sert surtout de décoration pour contraster avec le désert à proximité. Il ne faut pas longtemps au prince avant de découvrir une scène d’horreur en pleine verdure. Au milieu des arbres fruitiers et au-dessus d’un bassin circulaire irriguants de ses canaux les nombreuses variétés de végétaux, un cadavre d’Égyptien est pendu par les pieds. Sa tête est carbonisée car éteinte depuis plus de deux heures. Derrière, sur le piédestal d’un sphinx, une inscription en latin faite avec du sang est en partie effacée. Les gardes surveillent les lieux, recherchent des indices que le medjay aurait pu oublier tandis que le prince Akhenaton tente de sauver ses plantes en psalmodiant des prières au nom du dieu Aton pour obtenir protection. Cet homme, haut de deux mètres soixante-dix, au visage émincé et long effectue des centaines de pas les bras pleins de végétaux noirs. Le sang du cadavre a souillé l’eau d’un rouge très sombre, une mixture noirâtre à l’ombre et rouge vif au soleil. La substance tache un monceau de plante arraché par les gardes et sur le point d’être brûlé. « On dirait que le liquide rouge… dévore les plantes. Par Horus, quelle est cette sorcellerie ». Hor s’avance et se fait immédiatement intercepter par un protecteur royal dont la tête est celle d’une sphère flottante: — Hor ce n’est vraiment pas le bon moment pour m’ennuyer avec tes histoires, dit Akhenaton agenouillé à arracher les plantes contaminées. — Alors dis-moi ce que je veux savoir. Dis moi où se trouve ma servante! — Ce que tu veux savoir ou ce que tu veux entendre? Crois-moi la vérité te décevra jusqu’à ton dernier souffle. — Arrête de me faire perdre mon temps et raconte la vérité, c’est toi qui me l’a enlevé! — Oui c’est moi… Le prince Hor pousse les protecteur et se jette sur son frère en tentant de lui trancher le bras avec lequel Akhenaton dépose ses plantes, heureusement les réflexes de l’hérétique le sauve de justesse. Les protecteurs encerclent Hor avec leur lance. Désormais isolé de sa proie, impossible de bouger. Les plantes qui ont subis le coup se sont envolés en un nuage de poussière. — Bon sang Hor je n’ai pas le temps pour cela! Regarde! Cette pestilence se répand dans mon jardin; une mouche rouge aussi grosse qu’un pouce se fait écraser par Akhenaton, il en retire aussitôt sa sandale qu’il jette dans le tas de plantes. Cette chose, elle corrompt tout ce qu’elle touche… — Je m’en fiche, interrompt Hor la main sur son khépesh et toujours entouré de gardes, donnemoi les réponses que je cherche. Exaspéré, Akhenaton fait baisser les lances de ses gardes par un geste, il s’assied à l’écart de cette pestilence. L’une de ses filles, Mérytaton, princesse adolescente ainée de la fratrie lui apporte un verre d’eau frais. — Normalement j’attendais ta venue sur mon trône pour te torturer psychologiquement comme tu me l’avais fait il y a quelques années mais à cause de ce… ce romain ou détraqué ma journée est gâchée. — Père, un romain rôde dans notre royaume? — Oui mais pas ici ma chérie, il ne viendra jamais vous faire de mal, retourne dans tes quartiers et repose-toi. Ne mange rien de végétale, ni de viande ou de poisson en fait bois seulement de l’eau tant qu’elle est transparente. Dis à ton petit frère de venir m’aider. — Toujours rancunier à propos de ce dîner, déclare Hor affublé d’un sourire, ravit de l’entendre. — J’aurai ma revanche ne t’en fais pas pour moi. Oui c’est bien moi qui l’ai enlevé ta chère amante, mais ce que j’ai fais n’est pas le plus intéressant c’est plutôt qui me l’a proposé. La main du prince Hor se serre sur la poignée de son arme, son regard indique clairement qu’il s’apprête à faire un massacre. — En échange de quoi? Rend-la moi! Ton prix je t’en offrirai le double, non le triple… — Ce que je veux c’est te voire tomber, te voir devenir pharaon serait une catastrophe pour le royaume. Mais cette jalousie ne dois pas vraiment t’offusquer car chacun de nous, enfants de Ramsès, se déchire depuis des décennies pour ce maudit trône. Mes attaques visaient ta pyramide depuis des années mais un jour quelqu’un me fit une offre alléchante. Une tâche qui a abouti par la mort de Emheb et sa famille. — Je le savais, tu n’es pas aussi intelligent pour un tel plan. Qui t’a ordonné d’enlever Shani? Ton dieu Aton? Sale hérétique je sens qu’une malédiction plane sur moi rien que pour avoir foulé ces terres. Maintenant dis-moi qui t’a ordonné de me voler ma Shani! — Beneryb, rit aux éclats Akhenaton. Ta propre mère m’a payé pour te l’enlever! Les jambes du prince Hor fléchissent, la réponse est si absurde pourtant les éléments dans son esprit se mettent en place tel un puzzle dévoilant la machination « il ment, par Horus, il ment mère n’a pas pu me faire cela ». — Tu mens! — Par Aton, tu sais que je dis la vérité je le vois à ton comportement. Ton corps tremble car il reniait cette idée. Et oui prince de pacotille, ta propre mère t’a retiré ce qui t’étais le plus cher en ce monde. Hor frappe la terre meuble de ses poings, depuis sa rencontre avec Shani, Beneryb, sa propre mère, a toujours voulu l’en éloigner mais sans succès. « Si elle a agit de cette manière elle doit avoir une bonne raison. Elle a dû garder Shani en vie, avec des morceaux en moins mais toujours vivante c’est le plus important. Je…je dois aller la rejoindre et lui faire payer pour ces actes. Quel idiot je suis, c’est ma mère, comment pourrais-je lui faire du mal ». — Hé Hor! appelle son frère en claquant des doigts, il serait bien que tu partes maintenant j’ai du travail à accomplir tout comme toi je pense. De toute manière nous nous reverrons bientôt je le sens. Je n’en ai pas fini avec toi. La main du prince Hor se serre sur la poignée de son arme, d’un instant à l’autre. La colère le ronge comme un brasier, il s’apprête à le décapiter et tout cela sans le moindre effort. « Si je le tue je venge Shani mais je romps mon serment. Tuer ce frère m’éjectera de la succession cependant la rage qui me consume devient aussi intense que le soleil ». Un souvenir resurgit subitement dans son esprit, lui et Shani enfants, deux semaines après leur première rencontre. Hor était allongé dans les bras de sa jeune servante pour se reposer paisiblement l’esprit. — Shani j’ai une ambition, un rêve que je me dois d’accomplir pour le repos des âmes de ma famille disparut. — Quel est ce rêve mon prince? — Devenir Pharaon, je n’ai pas les mots pour l’expliquer mais je sais que je dois le devenir. Cependant… — Tu ne sais pas si tu réussiras, si la voie que tu emprunteras sera la bonne. — Comment le sais-tu? demande-t-il en se levant, je n’en ai parlé à personne sauf à mère. — Moi aussi mon prince je me sens investit d’une mission: t’accompagner sur ce chemin quoi qu’il arrive. Te soutenir afin que tu ne t’écartes pas de cette voie pleine d’embûche. Promets-moi, non jure le moi! Sur tout ce que tu as de plus cher que tu réaliseras ce rêve! ordonne-t-elle en prenant le visage de son prince entre ses douces mains. — Je le jure, je ferai tout pour ne jamais m’écarter de cette voie. Shani l’embrasse cependant cela n’a rien de charnel, cet acte à vocation de sceller ce pacte tel un sceau royal sur une enveloppe. La main du prince Hor se desserre, il se relève puis rejoint sa felouque en laissant Akhenaton l’observer avec mépris et arrogance. — Dommage je m’attendais à ce que tu t’emportes mais cela arrivera tôt ou tard. — Jamais, dit-il en le fixant de ses yeux perçants terrifiants, jamais je ne m’écarterai de mon chemin. Akhenaton prit peur en voyant son regard digne d’un aigle divin. Le plan de l’hérétique n’a pas aboutit et pour enfoncer le clou son jardin souillé disparaitra sûrement d’ici quelques jours. Au port d’Atoum, le prince Hor embarque sur sa felouque direction le harem afin de confronter son véritable ennemi, sa mère. Cependant un coffret l’attendait bien sagement près de la poupe.
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2023.06.27 08:02 Global_Relative_3177 Chapitre 39: La princesse messie

Bonne lecture
A Bast, en particulier dans le palais du nomarque, Miysis affiche continuellement un large sourire tandis qu’il parcourt les larges couloirs de son palais. Un sourire contagieux touchant toute personne le croisant. Débordant de joie après sa victoire sur Hardaï il offrit à Boubastis un large buffet ainsi qu’une journée de congé. Depuis son bureau ou plutôt depuis n’importe qu’elle position du nome, il est possible d’entendre les Sittiu s’amuser, chanter, danser et crier de joie lors du grand festin alors que le soleil est presque à son zénith. Miysis sait qu’il n’a pas le droit de congédier ne serait-ce qu’une seule heure de chantier mais il est prêt à affronter la colère du prince Hor arrivant d’un instant à l’autre sans invitation. En le voyant arriver au port, sa felouque à la coque bosselée, il ressent un mauvais pressentiment à son sujet. Le prince ne vient jamais de manière aussi sobre. Ce dernier descend sur le ponton privé du nomarque, chancelant et se protégeant les yeux de la vive lumière du soleil, il arrive à peine à se mouvoir comme un homme de sa stature le devrait.
— Mon cher Hor que t’arrive-t-il? Le prince s’écroule dans ses bras tel un fagot de bois, les servants aident en silence le nomarque à le placer dans sa chambre tout en apportant des boissons de son meilleur cru ainsi que les aliments les plus nutritifs. La table est garnie tandis que le prince s’endort depuis maintenant quelques minutes. Le nomarque est à ses côtés cependant il sait très bien ce qui arrivera dans peu de temps. Hor agite ses doigts puis ses bras avant de crier de terreur puis il se réveille en sueur, parasité par les tremblements.
— Incroyable Hor, tu fais encore ce cauchemar? Miysis verse un verre de vin qu’il tend ensuite au prince mais ce dernier le refuse le temps de reprendre sa respiration haletante alors que des gouttes de sueurs tachent les draps de soie rouge.
— Hor t’es-tu regardé dans un miroir? Tes yeux sont rouges, les cernes les entourant sont d’un noir plus intense que ton khôl. Depuis combien de nuit n’as-tu pas dormi? — Une dizaine je crois, il engloutit le verre de vin, je n’arrive plus à dormir. En fait je n’ai jamais réussi à dormir convenablement depuis la disparition de Shani. Je me suis pris une raclé par Hepoui, j’ai dû rester au temple d’Isis alors que Shani a besoin de moi. Mes bras sont engourdis et les médicaments contre mes insomnies m’ont peu aidé cette fois. Pour couronner le tout, j’ai reçu la veille un coffret avec l’index de Shani cette fois. — Par Bastet, quel monstre peut faire cela? Mais je croyais que depuis le temps tu avais réussi à combattre ta terreur… — Non c’était un mensonge, ce cauchemar revient sans cesse me hanter. Maudit sois-tu Seth! Depuis le jour de mes huit ans je ne ferme plus l’oeil, l’insomnie avait faillit me tuer plus d’une fois. En tirant le plateau de fruit dans un vacarme assourdissant, le nomarque donne une banane issue de son jardin. Le prince, aux bords des larmes et du désespoir, le voit sur le visage de Miysis, il l’apitoie grandement. Il pense même que le fonctionnaire regrette les jours d’inspections du chantier. — Alors tu n’as pas trouvé d’indice? — Je la recherche nuit et jour mais je n’ai plus aucune piste, je le jure sur le grand Horus que je la retrouverai même si… non je ne peux pas lui faire cela. Le prince s’assied, essuie les perles de transpiration sur son front avant de jeter le mouchoir sur sa droite, là où Shani était toujours présente pour ramasser ces divers objets. — Je ne te l’ai jamais demandé car, je dois te l’avouer Hor, je m’en fichais et surtout je pensais que Shani t’était sans intérêt. Un simple objet que tu allais jeter le jour de ton mariage. Toutefois en te voyant dans cet état je voudrais connaître cette réponse à une question que je me pose depuis des années, comment l’as-tu rencontré? — Aussi loin que je m’en souvienne elle a toujours été à mes côtés. Je lui ai même donné les meilleurs traitement afin que comme nous autres membre de la famille royale, elle puisse allonger son espérance de vie. De tous les évènements qui me sont arrivés je me souviens parfaitement du jour de notre rencontre, une rencontre fortuite qui n’aurait jamais dû arriver selon certain. Après la tentative d’extermination de ma famille il y a maintenant plus de trente ans, par la famille Soutekh, je faisais toujours ce cauchemar atroce. Ces hommes masqués en oryctérope du désert qui déversaient le sang de mes proches sur le sol de ma demeure au Fayoum. Les cris d’agonies et les rires de mes tortionnaires je les entends encore. Tout cela me poursuivait et poursuit dans mon sommeil et puis un jour, ma mère avait fait venir chez nous la famille Chaouabtis, des nobles sans trop d’importance car peu influent. Ce n’était qu’un rendez-vous futile pour une transaction de plante aux effets anti-dépresseurs. Par la grâce d’Horus elle était là, Shani, une petite fille du même âge que moi assistant tant bien que mal son père qui la méprisait sans grande raison. Son visage était calme, son sourire n’était pas forcé et malgré son faible rang elle me paraissait aussi gracieuse que la déesse Hathor en personne. Ma mère discutait avec son père et pendant ce temps Shani, qui avait quartier libre, s’approcha de moi dans le même état que je me trouve devant toi. Elle n’a jamais pu me l’expliquer avec des mots mais elle sentait qu’en me touchant elle me guérirait et c’est exactement ce qu’il se produisit. Au contact de sa peau je m’endormis paisiblement, ma mère me retrouvera inconscient et frappa Shani pensant qu’elle m’avait fait du mal, toutefois en perdant ce contact unique je m’étais réveillé en sursaut. Agressé de plein fouet par un cauchemar. Ma mère ne comprit que trop bien la nécessité de la présence de Shani à mes côtés. Etrangement je sentais que cela lui déplaisait fortement, que sa proximité avec moi en était insupportable mais mon bonheur lui importait plus que tout autre chose. Voilà, tu es l’une des rares personnes à connaître cette rencontre mais cela n’a plus d’importance. Le nomarque contemple son verre de vin, ses doigts tripotaient l’anse, il se lève et dévore l’une des pommes du plateau du prince. — En tout cas tes ennemis sont des gens qui te connaissent très bien, suffisamment pour te frapper directement au coeur. N’as-tu pas envisagé que Shani t’ait trahi? le regard du prince se crispa alors qu’une veine émerge du front. Tout le monde sait que tu la traites comme un objet, elle a très bien pu en avoir assez et te quitter pour un autre… — Retire immédiatement ces paroles! aboie-t-il en le tirant par la toge. Crétin! Par Horus, t’ai-je déjà demandé si Tadébastet t’avais été infidèle? Le visage de Miysis se raidit de colère face à ses paroles l’obligeant à reculer de quelques pas. Lever la main sur son prince gâcherait sa journée. Néanmoins après quelques bouffées d’air frais à son balcon il ajoute calmement: — Ce que je voulais dire c’est que Shani a dû au moins une fois te fausser compagnie, peut-être même sans que tu le saches. — Impossible! Elle est toujours en ma présence… ou alors… — Toute cette histoire me fait penser que ton ennemi sait ce qu’il fait et cela doit être l’un de tes frères ou soeurs les plus proches, voire une coalition. — Et qu’est ce qu’il te fait penser cela? demande le prince en grignotant une poire. — En ce moment tu ne t’intéresses même plus à ton nome. Par Bastet, l’avancement de la construction de ta pyramide tu ne me l’as même pas demandé. Cela prouve que Shani est un leurre, un subterfuge pour ralentir ton ascension. Qu’y a-t-il Hor? demande le nomarque en voyant son prince pensif. « Par Horus, Miysis a vu juste sur Shani ». Ce dernier se lève sans problème hors du lit puis se vêtit des ses armes et sa coiffe dorée en toute hâte. Miysis réitère sa question ce à quoi répond Hor: — Il y a deux mois, Shani s’était éclipsée lorsque j’étais au temple pour la momification de Simentou, d’après l’une de mes soeurs elle avait discuté avec Hathoriti. Je ne la croyais pas mais sans autre piste…je me rends tout de suite au nome de cette garce. Fait en sorte que les travaux avancent. — Par tous les dieux, je sens que ton histoire va mal s’achever. Le palais redevient silencieux avec les bruits des festivités au loin. En quelques heures Hor rejoint le nome du Veau Sacré, à l’hémisphère Nord du royaume. Contrairement à tous les autres nomes celui-là n’a pas de nomarque, la princesse Hathoriti, ou messie, ou encore la réincarnation d’Hathor, dirige en quelque sorte la région. Le Veau Sacré est une région couverte de terre fertile, deux villes entoure le palais lui-même encerclé par un mur vert. La demeure de la princesse est petite, presque insultante pour son rang mais le bâtiment en face, la maison de la guérison, est si vaste qu’il occupe les trois quarts de la structure. Les jardins, irrigués par le Nil formant une boucle dans le nome, n’ont pas pour vocation à embellir les lieux plutôt à fournir les plantes nécessaires aux soins. En effet ce nome ne génère que peu de richesse, juste assez de récolte pour nourrir sainement la population et l’impôt de Pharaon. Le reste des ressources provient de l’immense fortune de Hathoriti et de ses livraisons en plante médicinale. Hor emprunte, à bord de sa felouque, le bras du Nil l’emmenant directement au palais. « Crétin de Miysis, jamais Shani ne me trahirai, c’est une certitude. Je la connais parfaitement. Oublions cela, maintenant je dois m’occuper d’un autre problème, revoir cette femme m’exaspère au plus haut point cependant je le fait pour Shani. Si elle est présente en ces lieux, par Horus je jure de devenir un homme meilleur ». En passant près de Iounet-Netjeret bordant les eaux, Hor reste toujours autant surprit par la population « les Sittiu sont réellement aussi Égyptien que nous, jamais je n’en avais vu autant rejoindre un temple. Le mien à Bast se recouvrirai de poussière sans le travail des prêtresses. Néanmoins j’avais entendu dire que de tous les Sittiu présent au royaume ce sont les plus détesté, des apostats selon leurs mots. J’espère que Hathoriti est ici ». L’embarcation du prince s’engouffre dans le mur d’enceinte du palais. Les hauts murs verts bordés de plantes et d’arbres n’ont pas pour fonction de séparer mais plutôt de servir de lieu de repos aux Sittiu et surtout ceux malades. Hor rejoint la maison de la guérison, pas de garde seulement des protecteurs à tête de vache en veille mais recouvert de poussière, de lierre et de sable comblant les interstices du métal noir. A l’extérieur de la maison beaucoup de citoyens s’amusent et se prélassent tranquillement dans le jardin royal, tous ont des bandages mais sourient. Les enfants jouent à chat et Hor aperçoit dans le lot la princesse Héria. « Alors ces talents de guérisseuses sont toujours aussi impressionnant malgré son handicap, peut-être qu’elle pourra me donner un médicament pour mon sommeil. Non! Je lui en serais redevable, finissons-en au plus vite ». Près des grands pylônes menant à l’allée principale du bâtiment, Hor aperçoit Haânkhès, petite soeur de Hathoriti, devant son chevalet. La petite fille de douze ans habillée d’une ample robe rouge peint une de ses énièmes toiles. — Haânkhès où est ta soeur? — Un peu de calme grand frère, dit-elle en plongeant son pinceau dans le pigment bleu sur sa palette, ma soeur soigne un patient, elle arrivera bientôt pour chercher des bandages. Hor se calme, la curiosité l’oblige à observer la toile de la jeune fille toujours aussi concentrée lors de son travail. La peinture représente un aigle fondant sur sa proie, un cobra royal, alors que ce dernier tente de gober un oeuf présent dans le nid. Les serres de l’animal transperce le reptile interrompu durant sa basse besogne. Hor est surprit par un détail: — Attend un peu, je croyais que tu peignais toujours les yeux bandés et avec la main gauche. — C’est bien ce que je faisais mais grande soeur Hathoriti m’a empêchée de poursuivre de cette manière; la petite fille cesse de bouger le pinceau et regarde Hor droit dans les yeux, apparemment ce que je commençais à peindre était… pas joli. « D’après les rumeurs cette peste à des visions prémonitoires soufflé par un dieu mais ce sont des sornettes. Les grands devins ont maintes fois réfutés son travail. Bon moi je ne suis pas venu pour cela ». Hor inspire un grand coup puis hurle: — Shani! Montre-toi! Les patients allongés dans la cour se tétanisent car personne ne s’attendait à ce qu’un homme, et surtout de sa stature, ne s’abaisse à un tel comportement. Il réitère sa demande jusqu’à ce que Hathoriti sorte accompagnée de sa troupe de trois jeunes soeurs. Ce sont ces assistantes et élèves. Hathoriti est une jeune femme au visage resplendissant, les traits fins, la bouche souriante aux lèvres rouges et pulpeuses. Son nez parfaitement droit et fin ainsi que ses cheveux longs entremêlées autour de sa coiffe en forme de corne de vache entourent un disque solaire. Ses yeux sont clos car la pauvre femme fut atteinte d’une maladie congénitale, sa cécité n’a pas ternit sa popularité, au contraire certains lui donne des pouvoirs de clairvoyance très poussés. Tout le monde se prosterne face à Hathoriti, aussi appelée Hathor IV comme la déesse tant son comportement lui est similaire. Après une révérence face au prince avec sa longue toge de lin verte elle demande d’un air inquiet: — Que t’arrive-t-il mon prince? — Vous êtes aveugles pas sourde, vous savez très bien qui je viens chercher, Shani! Montre-toi! beugle-t-il en direction de la maison des soins. — Désolé de te l’annoncer mon prince mais ta servante n’est pas ici, je le jure sur Hathor. La nouvelle décompose Hor croyant au plus profond de son coeur qu’il reverrait Shani en ces lieux, « j’allais lui crier qu’elle ment mais je la connais, sa voix est pleine de vérité ». Ressentant sa forte déception, Hathoriti lui prend la main: — Allons nous promener en privé, veux-tu mon prince? J’ai à te parler. — Ne m’appelle pas mon prince! dit-il en repoussant sa main, et oui nous allons discuter je suis certain que tu as des secrets à m’avouer. Ensemble près du palais le couple marche main dans la main, une façon à Hor de la guider mais un moyen efficace pour Hathoriti de savoir ce qu’éprouve l’homme. La princesse ressent le rythme cardiaque d’une personne rien qu’avec un contact avec sa peau et en ce moment le pouls du prince l’inquiète. Evoluant sur un chemin de pierre entouré de verdure, de gazon rasé et de beau sphinx à tête de vache, la princesse supplie: — Je t’en conjure Hor calme-toi, ces mauvaises ondes détruisent ton corps; elle s’arrête et serre sa main tout en fronçant des sourcils, depuis combien de temps n’as-tu pas dormi? Et mangé convenablement? — Cela ne te regarde pas! dit-il en retirant sa main, maintenant tu vas me dire où est ma servante… — Je ne sais pas où elle est. Cela m’inquiète que tu ne l’ai pas retrouvé et encore plus que tu me soupçonne d’un acte aussi vil. — Ne joue pas l’idiote avec moi, je sais que tu attends que je me marie avec toi, cette union te profiterai même si je ne comprends toujours pas pourquoi. — Parce que je t’aime bien évidemment, enchérit-elle d’une caresse à la joue; Hor se fige même si il le savait déjà simplement le moment est très mal choisit. Ensemble Hor nous pourrons faire de grande chose, fonder une très grande famille et créer un royaume dans ce royaume. Un havre de paix et d’amour. — Moi tout ce que je veux c’est Shani, des démons ont osé me la voler et je dois les châtier. Du coin de l’oeil Hor observe la princesse mais rien de malicieux ne se dégage d’elle, sa pureté est aussi grande que l’est le mythe l’entourant. — N’as-tu rien d’autre à me dire Hathoriti? La déception gagne le visage harmonieux de la demoiselle répondant simplement: — Par Hathor, j’en conclus que je n’aurais pas ma demande aujourd’hui… — Arrête de me faire tourner en bourrique! vocifère-t-il en l’étranglant par le cou, maintenant dismoi de quoi as-tu parlé avec Shani! Je sais très bien que vous aviez discuté alors ne me mens pas sinon… Il relâche son emprise en entendant la princesse n’exprimer que des sons, « mince je m’emporte trop facilement, mes ennemis vont finir par se servir de cela contre moi. Non, ils l’ont déjà fait ». Hathoriti s’assied sur un banc alors que les protecteurs s’allumèrent dans le but de venir en aide à la princesse, d’un geste de main elle cessa les hostilités. — Cinq ans Hor, cela fait cinq ans que les protecteurs n’ont pas été activé dans ce nome. Te rends-tu compte de la noirceur de tes sentiments en ce moment? le prince refuse d’admettre sa faute, il se tourne vers le ruisseau coulant près des fleurs de pavot. Bref, il est vrai que Shani m’a parlé mais ce que je vais te dire ne te plaira pas. Ta servante était enceinte…de toi. Hor se fige, plus de respiration pas un seul mouvement ne l’anime. « C’est impossible! Cela n’aurait jamais fonctionné entre nous ». — Qui… qui est au courant? — Nous deux et les dieux enfin je l’espère pour toi. — Mais c’est impossible! chuchote-t-il complètement effrayé, tu sais très bien que nous ne pouvons avoir d’enfants avec des gens qui ne sont pas de notre sang! — Oui tu as raison, moi-même je ne l’ai pas cru ce jour-là, jusqu’à ce qu’elle me montre ceci. Comme je savais que tu viendrais un jour je l’ai précieusement gardé. Elle lui tend un ruban rouge déchiré, un tissu fin que les femmes s’enroulent autour du cou et se brisant au fil du temps si ces dernières sont enceintes. Hor le récupère de ses doigts tremblant, un sourire se dessine progressivement sur son visage. — Je vais être père! Enfin cela a marché! La malédiction est rompue! Te rends-tu compte? Cela me vaudra la place de Pharaon c’est certain… Hor remarqua l’anxiété palpable de la princesse, elle pose sa main sur celle du prince tenant le ruban. — Hor, ta servante elle m’a demandé des conseils pour tuer cet enfant. Cessant tout mouvement, la colère lui fait plisser son front, il s’aligne à la demoiselle et aboie: — Tu mens! Jamais elle ne me ferai une telle chose! — Crois-moi au début elle m’annonça toute la joie qu’elle avait éprouvée lors de cette révélation cependant… — Cependant quoi? Répond-moi, ne me cache rien! dit-il en la secouant par les épaules. — Elle était sujette à des cauchemars mais pas ceux dont on se réveille sans crainte. Elle m’avait dit qu’elle voyait du feu, des cris, des larmes et du sang se répandre sur le royaume. — Des histoires de bonne femmes plutôt, ce genre de prophéties beaucoup l’ont eu. Les Sittiu n’arrêtent jamais de raconter les mêmes sornettes pour nous faire peur. — Hor es-tu sûr qu’elle ne t’a pas trompé… — Retire ça tout de suite! crie-t-il en l’attrapant par la mâchoire. Jamais elle ne me ferai cela. Depuis notre rencontre nous ne sommes jamais séparé aussi longtemps. La princesse eut un sursaut de peur si fort qu’elle pensait sa dernière heure venue. — S’il te plaît calme-toi, par Hathor, j’adore quand tu me touches mais là tu deviens effrayant. Bref, si ce que tu dis est vrai, et je te crois, alors nous avons affaire à un tournant dans notre malédiction. Je dois t’avouer que sa nouvelle m’avait profondément énervée, la colère bouillonnait en moi en sachant qu’elle portait ton enfant… — Porte! Elle porte mon enfant, Shani est toujours vivante. — Oui porte, excuse-moi mais depuis qu’elle m’avait parlé je me suis inlassablement posé cette question. J’en ai presque perdu le sommeil: pourquoi nous ne pouvons pas enfanter avec des gens non royaux? — On s’en fiche, répond froidement Hor, de toute manière cela nous arrange, il ne faudrai pas que des roturiers s’accaparent le trône. Arrête de me faire perdre du temps avec ces questions et continue ton histoire. — C’est tout, il n’y a rien d’autre, Shani est très mystérieuse pleine d’élégance, une véritable perle rare. — Plus je t’entend et plus je pense que tu as trempé dans son enlèvement. — Je l’avoue j’en suis fortement jalouse mais seulement du fait que seule cette femme ait pu accaparer ton coeur. Par Hathor, jamais je ne lui aurai fait du mal. En revanche… — Quoi? dit Hor s’apprêtant à partir. — J’ai entendu des rumeurs au sujet de notre frère Akhenaton, ces exactions sont tournés vers toi depuis longtemps. Il s’est beaucoup intéressé à toi et notamment ce que tu chéris le plus au monde. L’un de ses hommes était venu me voir en me posant des questions précises à ton sujet. Hor je t’avais prévenu, ta pyramide attire trop les regards. Tu devrais cesser sa construction. — Quand j’aurai besoin de tes conseils je te ferai signe mais tu as peut-être raison. Akhenaton a souvent fait référence à moi d’après mes espions. Par Horus, pourquoi n’avais-je pas soupçonné plus tôt cet hérétique! Hathor poursuit avec hâte son prince afin de le raccompagner à sa felouque, malgré sa cécité elle se dirige parfaitement dans son jardin. Debout en face de lui alors qu’il commence à partir elle dit: — Allez remercie-moi! — Non hors de question de te faire plaisir; Hathoriti récupère la pagaie, très bien merci princesse dégénérée pour ton aide précieuse. Pas un mot à qui que se soit sur notre discussion. La princesse pose son index sur ses lèvres puis ajoute en lui rendant sa pagaie: — Quel étrange sentiment qu’est l’amour, n’est-ce pas? Il peut nous envoyer bien haut au Paradis mais est tout aussi capable de nous emmener profondément en Enfer. — Paradis et Enfer? Ces concepts Sittiu te sont montés à la tête à force de les côtoyer. — Je les trouve si beau et pure, pitié Hor ne commet pas de bêtise pouvant te faire tuer. Shani m’avait dit qu’elle souhaitait te voir atteindre ton rêve, moi aussi je souhaite t’accompagner sur ce chemin. Sans un mot ni même un signe de tête Hor s’en va rejoindre Atoum, le nome de l’hérétique.
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2023.06.26 08:04 Global_Relative_3177 Chapitre 38: Le Mont Cobra

Bonne lecture.
A travers le désert blanc au Sud du royaume, un homme a eu le courage, ou la folie, de le traverser. Un Sittiu, jeune et insolent refusant de travailler une journée de plus au mont Cobra, la fameuse mine de cuivre de Pharaon. Imberbe et couvert de suie il court à en perdre haleine dans la direction de Hardaï, de là il rejoindra clandestinement le nome de Kush pour s’y cacher. L’évadé monte et descend sans soucis les dunes de sable blanc en direction du soleil, puis se retourne après dix minutes de course. Personne ne le poursuit, seul le silence du désert presque sépulcrale l’accompagne. Fier de son exploit Elyo hurle tout en reprenant sa course:
— Adieu les rebuts de la mine! Et toi aussi maudit nomarque Oursou, que le Tout-Puissant abat le chaos sur toi et ta satanée fortune. Tes soi-disant dieux ne te sauveront jamais. Au loin le mont Cobra semble le surplomber malgré la distance le séparant, une vision d’horreur pour ce jeune homme ayant maintes fois miné ses entrailles. Ses mains et pieds sont robustes et les deux paires de sandales volées à l’un de ses congénères, plutôt ennemi, le protège du sable bouillant. Le soleil ne l’aide pas dans sa fuite mais son turban fait d’un short usé l’empêche de perdre la tête. A chacun de ses pas la gourde de fortune, fabriqué à l’aide de vieux vêtements de cuir, se cogne contre sa cuisse droite. Sans attendre il boit une gorgée de l’eau dérobée dans le tonneau servant à nettoyer les outils. Le goût est âcre cependant elle n’avait pas encore été souillée par les instruments de minage. Cinq litres c’est tout ce qu’il possède pour rejoindre Hardaï, son ancien foyer, à plus de cinq cents kilomètres. Une traversée du désert digne de l’enfer. Après une heure de marche la fatigue est intense, le climat est son ennemi juré. Il l’essore continuellement de chaque morceau d’énergie présent dans son corps. En se retournant la montagne noire est toujours présente, l’observant comme un colosse reptilien sans jamais faillir. Soudain Horus en personne le survole, ce magnifique oiseau d’or, fierté des Égyptiens, ne donne pas les mêmes sensations lorsqu’il huit très haut dans le ciel. « Mon Dieu, pense-t-il en accélérant le pas, si c’est pour moi qu’il crie alors je suis foutu ». Très rapidement des scorpions, filles de la déesse Serket, surgissent du sable, des insectes gros comme des chiens, dévoilant une carapace noir dure comme la pierre les rendant quasiment indestructible. Elyo panique en voyant le nombre de ces scorpions s’accroître à chaque seconde dont la queue, affublées de deux dards, pointe dans sa direction tel des lances. Le contingent se fait accompagner des serpents, filles de Ouadjet, à la tête aussi imposante qu’un chat. L’armée du désert pourchasse le pauvre Sittiu qui entend le bruit du sable se soulever par leurs nombreuses pattes. L’adrénaline le fait courir plus vite et surtout oublier la fournaise du désert, cependant le sable devient plus mou et le ralentit mais la perspective de devenir libre lui insuffle du courage. A l’aide d’un couteau fait d’une lame aiguisée depuis presque un mois il blesse à l’oeil un serpent s’approchant trop près de lui. Elyo escalade une dune et remarque que les animaux du désert s’éloigne aussitôt de lui. « Qu’est ce qui leur prend? Je m’attendais à ce qu’ils soient plus dangereux ». Le soulagement le fait rire pourtant une sensation étrange le parcourt progressivement. Un stress le submerge puis il se met à transpirer abondamment, ses doigts tremblent et il lui est de plus en plus difficile de gravir la dune. En atteignant le sommet malgré toute l’eau de son corps perdue, son calvaire débute. Un colosse masque le soleil. Odion le medjay se tient devant lui, munit d’une cape blanche le recouvrant intégralement sauf la tête et la poignée de son arme dans le dos. Le medjay croise le regard terrifié du Sittiu agenouillé sur le sable brûlant.
— Je ne m’attendais pas à trouver un resquilleur, dit Odion en contemplant la distance le séparant de la montagne. Depuis combien de temps t’es-tu enfui? Le Sittiu ouvre la bouche mais n’arrive pas à prononcer le moindre mot, il bouge ses jambes de quelques centimètres en arrière préférant affronter les piqures de scorpion. Par mégarde il déplace beaucoup de sable et dégringole la dune durement escaladée. Odion le rejoint en glissant lui aussi sans perdre l’équilibre.
— Tu as de la chance Sittiu une a ffaire de la plus haute importance m’accable en ce moment. Normalement je punis les ennemis du royaume mais tu peux te sauver si tu me réponds honnêtement; le Sittiu transpire sans discontinu et essaye par tous les moyens de parler. As-tu été en contact ou as-tu entendu parler d’un monstre vivant au pôle sud? La secte d’Apep t’a-telle abordée? As-tu entendu l’appel d’un homme étrange? Impossible pour Elyo de répondre. Il tente de s’enfuir à quatre pattes, piégé dans l’ombre du medjay qu’il n’arrive même pas à quitter tant son corps est paralysé par la terreur. N’ayant aucune réponse de sa part, Odion l’attrape au cou et le soulève d’un seul bras, en serrant sa main les cervicales du Sittiu craque. Le bruit fait écho à travers les dunes, Elyo est déjà mort, son corps jeté sur le côté servira de repas au vautour déjà en cercle dans le ciel.
— Crois-moi je t’ai fais un cadeau, si tu avais poursuivis plus loin Kébehsénouf le gri ffon t’aurait dépecé. Le mont Cobra observe le medjay, faite d’une pierre que l’on dit noircit par le soleil, elle n’en cache pas moins une rumeur aussi incroyable que légendaire. La partie droite de la coiffe du monstre pierre est fissuré en grande partie. Un pan entier est manquant et cela à pour origine, selon l’ancien vizir des nomes, le medjay Marek qui, pour épater son maître, a frappé de sa masse le géant de pierre. Personne ne sait si cette histoire est véridique, si cela est une combine par le vizir ou un acte réel. Odion lui-même n’a jamais su quoi en penser. « Il me reste encore du chemin avant d’atteindre le nomarque, ses informations ont intérêts à être véritables. Je doute qu’un romain puisse parcourir notre royaume aussi sereinement ». Le medjay sprint en direction de la montagne, l’austérité du désert ne l’affecte aucunement. Après vingt minutes de course, le medjay arpente enfin le sol plat et rocailleux de perOuadjet, capital du nome du mont Cobra. Une région dont le quart des métaux précieux du royaume sont extrait et exporté. L’air est saturé de poussière, le bruit de pioche et de chariot apportant les minerais percent les tympans et le soleil agresse de ses plus forts rayons la tête de ces habitants. Des criminels hommes et femmes Égyptiens et Sittiu peuplent la région. En face, le pôle Sud empêche quiconque de s’y échapper grâce à son haut mur de roche calcaire rosé. Le mont Cobra, la plus grande montagne du royaume, à l’Est, offre en son sein tout ce qui est de plus beau et de plus cher, néanmoins il faut se battre pour en obtenir le moindre gramme. Ce nome ne possède qu’une ville ou plutôt un camp que les ouvriers rejoignent chaque soir après une journée sous terre. Ces Sittiu sont totalement différent de tous les autres présent en Égypte pour la simple raison qu’ils proviennent de toutes les autres régions. La population faite de Basse, Moyenne et Haute-Égypte n’est qu’un regroupement des pires crapules du royaume dont même Maât n’en veut pas. La grande majorité sont des hommes criminels, le reste a été condamné avec des motifs très divers. Odion connait ce lieu, il y escorte tous les trois mois les prisonniers les plus dangereux puis les laisse aux soins du nomarque et ses scribes qui s’occupent de les surveiller continuellement jusqu’à la fin de leur incarcération ou plus fréquemment jusqu’à ce que mort s’en suive. Le palais du nomarque se situe à l’opposé du mont Cobra encerclant à l’Ouest le camp de travail mais dont la hauteur semble jalouser celle de la montagne. Afin d’éviter la poussière et la saleté autant que possible le palais est niché à plus de cent mètres, relié au sol par des marches creusées dans la falaise. Des machines solaires filtrent l’air et rafraîchissent les lieux en permanence créant un bout de paradis dans cet enfer. Odion, toujours caché dans sa cape rejoint la demeure du nomarque Oursou II réputé pour son goût insatiable de l’or. Chaque morceau de pierre de son domaine est couvert en partie ou entièrement d’or et de pierres précieuses, les poutres et colonnes brillent en harmonie avec le soleil. Le nome appartient à la princesse Hénouttaouy dont le commerce du cuivre, le plus rentable du royaume, fait d’elle l’une des personnes les plus riches des enfants de Ramsès. A l’entrée du haut escalier deux sphinx à tête de lionne, représentation de Ouadjet, hautes de trente mètres garde les lieux de leur regard imperturbable. Au sommet des escaliers l’eau du Nil, reliée par un canal souterrain depuis Hardaï, s’écoule en cascade ainsi que sur les deux côtés des marches. Des plantes exotiques ne poussant plus près de la montagne décorent les lieux, des palmiers, bananiers aux fruits succulent voisins des grenadiers . « Ce nomarque vit toujours comme les plus hauts dignitaires de notre royaume mais d’après le vizir cela est nécessaire afin qu’il ne se serve pas dans les caisses. Une vérification des comptes sera quand même nécessaire une fois ma besogne achevée. Mais pour le moment je ne dois pas perdre de temps inutilement, ma cible doit être proche ». En poussant les lourdes portes closes Odion est accueilli par des protecteurs royaux à la tête de cobra. Ils sont actif en présence des gardes Égyptiens sur le qui-vive mais tremblant dès que le medjay parcourt le couloir éclairé par des lampes. La pointes de leurs lances s’agite sous le stress, les jambes flageolent, Odion les dépasse sans prêter attention à eux. Il arrive enfin dans le bureau du nomarque dont ce dernier à clos toutes les issues comme le reste du palais. Il exécute les cents pas sous la lumière d’un lustre solaire. Dans sa piscine intérieur l’eau est coloré de sang, le bureau long de quatre mètres arbore une répugnante tête de cheval provenant du pôle Sud. La caboche est allongée, difforme, avec une gueule pleine de dents acérées. Le mur derrière arbore une inscription de sang en latin « Monstrum adest: le monstre est là. Encore du latin est l’orthographe me semble juste. Par Sekhmet, maintenant il s’agit de voir si le nomarque ment ». Le fonctionnaire obèse suant à grosse gouttes ralentis le pas puis s’écroule sur son sofa. La graisse de ses joues tremblent comme les vagues d’un fleuve agité.
— Med… medjay vous êtes enfin arrivé, je… — Racontez-moi ce qu’il s’est passé je n’ai pas de temps à perdre, grogne Odion. Une dernière chose si j’apprends que vous me mentez je le saurai et je vous couperai la langue. C’est compris?
ajoute-t-il en s’approchant de lui. La tête du fonctionnaire effectue plusieurs fois l’affirmation de manière exagéré puis il se lance difficilement dans son histoire. Odion perd patience et le gifle du revers de la main, le soufflet lui donne quelques minutes pour parler de manière convenable.
— Hier soir en rentrant au palais après mon inspection de la trésorerie, j’ai découvert un homme, il ne semblait ni Égyptien, ni Sittiu et cet intrus dînait sur mon bureau. Il mangeait le cadavre du cheval qu’il venait de tuer au pôle Sud, puis après s’être tranquillement lavé les mains dans ma piscine il me dit d’une voix calme « appelle le medjay, je l’attends au pôle Sud, là où la pierre décrit une flèche ». Ensuite il s’est enfuit avant que les gardes ne purent l’intercepter. Son regard et son sourire malsain me terrifie encore. En envoyant mon message je ne pensais pas que vous viendriez en personne, est-ce aussi grave que cela en a l’air? « Alors c’est un romain. Par Sekhmet, il a réussit à tuer un cheval du pôle Sud. Intéressant, est-ce un message indirect? De toute manière je sais désormais que le sous-estimer me serait peut-être préjudiciable ».
— C’est tout ce que vous avez comme information? demande le medjay en ignorant sa question; le nomarque acquiesce mais Odion n’est pas satisfait, alors pourquoi tremblez-vous? Saviez-vous que les personnes ayant ce comportement devant moi cache toujours quelque chose? le medjay sort un petit couteau de sa ceinture et plaque la pointe contre la commissure des lèvres du fonctionnaire. Quel est le détail que vous ne voulez pas m’admettre? Je connais le danger à la flèche, moi-même je ne m’y risque pas.
— Très bien je l’avoue! Depuis trois semaines des Sittiu s’évadaient mais pas en direction du Nord, ils rejoignaient le pôle Sud sans raison apparente. Comme je sais qu’il est impossible d’y survivre je n’ai pas fait de déclaration par manque de moyen; le couteau s’enfonce dans sa lèvre obligeant le nomarque à changer son excuse. Par flemmardise! Je l’avoue par flemmardise, je n’ai rien fait et aujourd’hui je crains pour ma vie… et celle du royaume de notre grand Pharaon évidemment. Odion range sa lame après avoir essuyé le sang sur la toge du nomarque. Il déploie un scarabée récoltant le sang sur le mur, après analyse le sang provient uniquement du cheval. Par chance une empreinte marquée dans le fluide est imprimée sur le bureau, « par négligence il l’a laissé ou alors est-ce un subterfuge? Mes analyses aux archives de Thot me le confirmeront ». Odion se tourne vers le nomarque après avoir récolté l’empreinte grâce à une feuille très fine. Il ordonne:
— Tu vas donner un congé à tes travailleurs et les restreindre dans le campement toute la journée. Je ne veux voir personne dehors durant ma présence dans le nome. Ensuite tu feras en sorte qu’aucun être vivant ne rentre ni ne sorte de la région sinon tu l’élimines, qu’il soit Sittiu ou Égyptien. Après cela je veux que tu postes tes gardes près du pôle Sud. Je veux qu’ils arrêtent tout individu présent aux alentours.
— Et pour ma sécurité? dit-il d’une voix tremblante. — Tu es au service du royaume et donc de notre grand Pharaon, ta vie lui appartient et ce sans hésitation. Tu vis ici comme sa majesté alors que tu n’es pas le millième de sa personne, grognet-il. Je ferais un rapport au vizir pour te faire remplacer, ton vice t’a complètement détourné de ta
mission. Une dernière chose, si tu ne respectes pas mes ordres je reviendrai couper tout ce qui dépasse de ton corps. Les pas du medjay font écho dans le palais alors que le nomarque se décompose sous l’effet de la nouvelle. « Si le romain est encore présent dans le pôle je dois très vite le mettre hors d’état de nuire. Malheureusement mon instinct et expérience de traqueur me font dire que mes espérances seront balayées. Ce romain me fait pressentir de sombre nouvelle pour le royaume ». A sa sortie du palais Odion appelle deux protecteurs royaux:
— Au nom de notre grand Pharaon vous devez m’accompagner. Les protecteurs se mettent en action puis suivent le medjay de près alors qu’il sprint en direction de la falaise menant au pôle Sud. La falaise surplombe Odion, un mur escarpé facilement grimpé grâce à sa musculature, « n’importe qui d’endurant pourrait venir à bout de ce mur cependant les dangers au-delà du royaume sont si meurtriers qu’ils dissuadent généralement les prisonniers à choisir cette issue. Si le nomarque a bien interprété ce qu’il a vu alors le romain a dû probablement les attirer, dans quel but? Les tuer? Les recruter? Avec l’aide des dieux je trouverai les réponses ». Au sommet de la falaise un paysage de pierre et de cratère accueille le medjay, le soleil semble frapper plus fort ce qui renforce la puissance des gardes dont les rainures dans le métal se teinte de blanc.
— Je sens une odeur étrange flotter dans l’air. Du sang, de la viande brûlée, le vent transporte cet arôme depuis le Sud-Ouest ce qui est bien la direction de la flèche. Le medjay s’agenouille près d’une trace de cendre noir, du bois a été dispersé ici afin d’y laisser une marque en forme d’épée. Il se retourne et déclare:
— Protecteur du mont Cobra et de notre royaume, vous devez patrouiller le long de la frontière et arrêtez quiconque traînant dans les parages quel que soit son rang ou statut. Je me dirige vers le Sud-Ouest là où des traces semblent mener à de l’activité humaine. Je vous souhaite bon courage. Les gardes se mettent en route et après une révérence du medjay, ce dernier court en suivant l’odeur de chair brûlée similaire à une piste laissée volontairement. Le sol est traître et la chaleur s’intensifie à mesure que le medjay progresse cependant ces conditions ne le gênent aucunement. Depuis ses dix ans il fut farouchement entrainé et formé au Kep pour devenir ce qu’il est aujourd’hui: un indestructible, soit l’un des grands protecteur du royaume. Les séances d’entraînements ont maintes fois faillit le tuer, les opérations chirurgicales l’ont rendu plus fort aussi bien physiquement que psychologiquement. La seule peur qui l’assaille est celle pour le royaume et son Pharaon. Les animaux sauvages aussi gros que des chiens s’enfuient dès son approche et les bêtes les plus imposantes surgissent pour tenter de le tuer notamment un cheval carnassier. La bête, à la langue pendante, les crocs acérés et l’oeil droit presque exorbité, se rue sur lui tout en pointant sa panoplie de bras lui sortant du dos. Odion esquive les griffes puis l’assomme d’un simple coup de poing laissant une marque sur la mâchoire de l’animal avec quelques dents crochues s’éparpillant sur le sol asséché. Il extirpe une dent du carnassier plantée dans sa main avant qu’elle ne cicatrise aussitôt et c’est sans crainte qu’il poursuit sa course. « Cette bête pourrait terrasser dix soldats de Basse-Égypte sans problème alors comment les évadés ont-ils pu rejoindre cette zone, je ne vois pas de trace de cadavre ». Après quinze minutes de sprint et de long saut au-dessus de crevasse, Odion à parcouru vingt kilomètres dans le pôle sauvage du royaume avant de s’arrêter vers ce qui semble être son objectif. Au loin, un poteau a été érigé avec le cadavre d’un homme, le corps à l’envers et la tête carbonisée. Une marque montrant la présence d’une sorte de grotte. L’amas de rocher forme une flèche pointée vers le ciel, Odion envoie un scarabée en reconnaissance le temps d’arriver sur les lieux. Il pourrait annoncer sa trouvaille aux soldats mais cette mission est trop confidentielle et il ne veut pas prendre le risque de voir le romain s’enfuir. Le camp est accessible via un trou dans le sol, à l’intérieur, des toiles noires forment des tentes mais a peine visible car protégé de la chaleur au sein d’une crevasse. « C’est ici, il est là… non il était là. Le scarabée ne reviens pas. Je ne sens pas sa mauvaise aura seulement des traces ». Odion s’y jette sans hésitation puis rejoint les tentes entourant un feu de camp ayant servit il y a quelques heures. De la viande brûlée d’une tortue est encore présent sur une pique en bois. Le scarabée éclaireur ne revient toujours pas chez son propriétaire et du bruit encercle progressivement le medjay. Des silhouettes se dessinent sur des corniches, des hommes et quelques femmes le regardent tel des hyènes surprenant un intrus dans leur grotte, seul le medjay baigne dans le soleil.
— Prisonnier! déclare-t-il en observant attentivement leur apparence. Au nom du Pharaon je vous arrête, rendez-vous et par la grâce des dieux aucun mal ne vous sera fait. Des Sittiu, au nombre de douze, accompagnés de quatre Égyptiens dévoilent leur apparence à l’aide de torche. Ils le toisent d’un air fier. Tous sont maigre, le regard vide pourtant leurs visages décrivent une joie intense. Un dernier homme Sittiu, assez vieux, saute pour rejoindre le medjay, un personnage grand mais chétif dû aux travails harassants de la mine. D’une voix calme il déclare:
— Medjay nous t’attendions comme nous l’avait prédit Mors. Je suis son porte parole désigné. — Mors? Le romain qui vous a attiré ici? — En effet. Il s’est adressé à nous au mont Cobra afin de nous recueillir pour accomplir sa
mission divine. Chacun d’entre nous a rejoint cette terre stérile pour nous préparer. « Quelque chose cloche, il ne tremble pas et ne sue pas malgré ma présence, son élocution est parfaite. C’est la première fois que je vois cela. Serait-il sous hypnose? ».
— Très bien, je vous conseille de tout me raconter, ordonne le medjay, si les informations me seront utile je vous libérerai des mines de Pharaon. Dans le cas contraire j’abattrai ma colère sur vous tous, sans exception.
— Mors est le sauveur que nous attendions, il est capable de faire sortir le monstre qui est en nous. Une créature que tout homme possède en son coeur et que nous réfrénons. Son enseignement nous délivrera du joug grâce à la porte qu’il ouvrira. Mors va libérer le royaume que tu chéris tant, cette terre sombrera dans le chaos avant de renaître, tous mourrons dans… La tête du Sittiu est séparé de son corps d’un seul coup de Khépesh. Le sabre du medjay est long de deux mètres et demi, pesant une quarantaine de kilos et dont la lame brille de mille feux comme si un fragment du soleil y avait été planté. Odion n’a laissé aucune chance à l’homme car ce dernier s’apprêtait à ingérer une mixture dans une coupole de pierre, un liquide noirâtre y baignait. « Les autres ne bronchent pas malgré la mort de leur compagnon. Dans son regard je voyais bien une sorte transe, il avait été drogué durant des jours. Je sens que mon arme me sera utile ».
— Medjay! dit une femme Sittiu tenant une coupole dans sa main, prépare-toi à subir notre courroux. — Mors va nous libérer, scandent en boucle les autres prisonniers. Les voix se turent après que chacun burent la même mixture avant de laisser tomber les coupoles en pierre. Tous gémissent, la peau rougit et gonfle tandis que de la vapeur d’eau s’échappe des ports de leurs peaux incandescentes. « Jamais je n’ai vu un tel phénomène, il consomme toute l’énergie présente dans leur corps, ce qui signifie que c’est le dernier assaut de leur misérable vie ». Odion se met en garde avec son khépesh. — Au nom de notre grand Pharaon et de notre royaume, je me dois de vous éliminer. Les prisonniers n’ont plus rien d’humain, les quatre Égyptiens se tordent de douleur puis meurt sous l’effet de la mixture mais les onze autres Sittiu se jettent sur Odion. L’un donne un coup de poing mais le medjay pare le coup avec son sabre, surprit par la force du coup il recule d’un demi-mètre tandis que le poing du prisonnier brûle sous l’effet du khépesh. « Normalement personne ne serait capable de me faire reculer, ni même de toucher mon arme brûlante comme un millier de brasier. Je ne dois pas les sous-estimer ». Les morceaux de peau du combattant cuisent sur la lame, le medjay tranche en deux le prisonnier tandis que trois autres l’attaque en même temps. Il réitère son geste découpant net ses ennemis avec cette odeur de viande cuite parfumant la grotte. Une femme Sittiu poignarde le dos du medjay mais ce dernier ne bronche pas, il attrape la tête de son ennemi et l’éclate au sol. « Par tous les dieux, c’est avec ses ongles qu’elle m’a blessés, leurs cheveux et ongles poussent comme si le temps s’accéléraient en eux ». La plaie dans le flanc droit d’Odion cicatrise aussitôt, il contemple ses assaillants et déclare: — Vous six! Cesser toute résistance et déposez les armes, jamais vous ne me battrez. — Nous le savons, répond une femme Sittiu. — Mors nous avait prévenus, dit un homme Sittiu. — Lui-même avoue sa faiblesse par rapport à toi, ajoute une autre femme Sittiu, il attend encore. — Qu’attend-il? Que la porte s’ouvre? Quelle est cette porte? — Il te le dira en personne, répond un autre homme Sittiu, bientôt tu le rencontreras. Tous l’attaquent en lui fonçant dessus mais le medjay ne bouge pas, il reçoit de plein fouet les attaques des ongles tranchants des Sittiu. Son corps laisse échapper un torrent de sang mais pas au point d’y succomber. Le medjay déclare: — Votre force n’est pas à son potentiel maximum, je le ressens, ce monstre dont vous me parlez a causé votre perte. Un enchainement de coups de poings et de sabre déciment les rangs ennemis. Les corps sont découpés, écrasés par sa force surhumaine tandis que ses blessures cicatrisent à nouveau. Le silence s’installe tandis que le medjay contemple le carnage. Tous sont morts. « La mission est un échec, pense-t-il en rengainant son arme dans le dos, néanmoins le mystère s’éclaircit et j’ai un nom: Mors. Sa mixture et sa force de persuasion sont les plus redoutables que j’ai croisé durant ma vie. Je dois à tout prix le retrouver ». Odion récupère tout fragment de chair, de sang et de mixture sur les cadavres. L’ensemble est transporté par des scarabées et un aigle de quatre mètres d’envergure se posant au sommet de la grotte après son appel. Tous ces échantillons et un corps iront rejoindre la prêtresse Hetpet V, servante de la déesse Isis et assistante attitré du medjay. Les autres corps sont brûlés jusqu’à devenir poussière, le medjay rejoint ensuite le nome du mont Cobra afin d’interroger les prisonniers.
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2023.06.25 08:03 Global_Relative_3177 Chapitre 37: Révolte

Bonne lecture.
La douleur torture Shedet, alors qu’il tente de se relever sans aide Caleb et Tova reprennent leurs esprits. Le flash de Nysoutnéfer a causé plus de dégâts que prévu, même Geburah, la main sur ses yeux peinent à s’en remettre.
— Où il est? crie-t-il en e ffectuant des moulinets dans le vide. — Geburah calme-toi, le bossu est partit, informe Caleb. Chef tu vas bien? Je t’entendais crier mais impossible de bouger. Le visage de Shedet semble redevenir plus normal après cet épisode de rage incontrôlé, la douleur à ses mains en devient insupportable. « Cette hyène va me le payer, je le jure sur Amon et tous les dieux existants. Au moins j’ai pu lui faire mal, très mal après l’avoir entendu perdre ses moyens. Toutefois j’ai peur, jamais une telle rage ne m’avait submergé et pour un simple objet ». Tova se dirige vers le déchu, toujours sonné mais juste assez lucide pour sortir des clés de sa poche. Elle s’agenouille sous la table et libère Shedet de ses chaînes, le bruit métallique résonne avec fracas sur le sol. Le déchu ressent à nouveau le sang circuler dans ses pieds cependant ses mains sont toujours bloqués, empalées sur cette table en bois rugueuse. Caleb intervient et commence à extirper les couteaux.
— Non pitié arrête, pleure Shedet. Plus de torture je vous en prie.
— Je fais quoi Tova? On va pas le laisser ici? Tant pis, de tout manière il perdra connaissance si la douleur est trop forte. — Ne fais pas ça! dit Tova en lui prenant la main, le pauvre souffre déjà. On ne peut pas lui infliger autant de souffrance . Geburah s’était agenouillé en silence, les mains toujours sur les yeux, il ne semble pas écouter la conversation ou du moins pas l’entendre. — Si on le laisse comma ça il va se vider de son sang et perdre ses bras, dit Caleb en montrant les mains, regarde elles commencent à blanchir. Les deux Sittiu débattent tandis que Shedet, épuisé par la perte de sang, subit la scène comme dans un rêve. Pour renforcer son argument, Caleb lui raconta la mésaventure d’un ouvrier ayant subit les mêmes blessures en appuyant sur le fait qu’aujourd’hui cet ouvrier est un invalide. — Très bien, interrompt Tova, mais fais-le. Je n’aurais pas le courage de lui faire plus de mal. Sans un mot, ni d’avertissement quelconque, Caleb saute sur la table, bloque le bras de son chef avec son pied puis tire de toutes ses forces pour retirer ses entraves. Tova enlace la tête du déchu hurlant avant de perdre connaissance, la douceur de la demoiselle a abrégé son calvaire. En ouvrant les yeux, Shedet se retrouve plongé dans l’obscurité, vautré sur le sol. A chacune de ses respirations la poussière l’étouffe, le contact avec la terre humide lui donne des frissons. Impossible de bouger, son regard porte vers ce qui ressemble à des barreaux en fer noir. « On dirait la prison. Tout n’était qu’un rêve? Si je pouvais bouger mon bras je vérifierai ma marque sur le torse mais c’est peine perdu. J’ai l’impression d’avoir mes deux yeux mais difficile à dire, je vois à peine devant moi. Je suis épuisé, j’ai faim, froid et la mélancolie est tout ce qui trotte dans ma tête lorsque j’utilise ma mémoire ». Un tintement métallique le fait sursauter, d’après lui cela ressemble à une pièce d’or tombée sur le sol. Après quelques minutes de silence le bruit réapparait, le son en devient strident. — Qui est là? demande faiblement Shedet. Aucune réponse seulement le tintement prolongé et strident de cette pièce chutant sur le sol. — S’il te plait arrête, cette migraine va me tuer. Un doux rire accompagne un énième tintement, celui d’une jeune femme. — Tuer? Tu as survécu à l’enfer depuis ton incarcération, ne t’en fais pas cette pièce ne va pas te tuer. — Qui es-tu? Le silence s’installe tout comme une brise glacial le torturant à petit feu. Impossible de bouger pour Shedet toujours vautré sur le ventre avec ces barreaux noirs devant lui. — Ne fais confiance à personne. — Quoi? Je ne comprends pas. — Ne fais confiance à personne, répète cette voix féminine sur un ton autoritaire. Tu n’as pas d’allié dans ce monde, aucun être ne t’aidera sans mauvaises intentions. — Inutile de me le répéter, j’ai vécu à Bast assez longtemps pour le comprendre. Surtout depuis que ce maudit officier s’est servit de moi, grogne Shedet. — Ne fais confiance à personne sauf toi, réitère la voix dans un dernier souffle. Shedet, seul au milieu des ténèbres reste pantois face à cette conversation, si son corps n’était pas aussi épuisé il aurait poursuivit la conversation. — Chef, chef réveille-toi, ordonne une voix masculine. Shedet ouvre les yeux, toujours assis sur cette chaise mais complètement libre de ses entraves. « Alors c’était un rêve? Durant un instant j’ai cru m’être réveillé d’un cauchemar toujours en cellule, abandonné sur le sol après m’être fait torturé. J’ai mal aux mains mais au moins je suis libre ». — Enfin, déclare Caleb, tu vas pouvoir observer le spectacle. — Quel spectacle? dit Shedet en observant ses mains couvertes de lin. C’est quoi ce bruit dehors? Le son d’une foule atteint ses oreilles comme si une fête de village se déroulait pendant son calvaire. Les lueurs des torches illuminent les murs de brique des maisons Sittiu, des ombres aux poings levés se dessinent sur le sol sableux. Des chants sont scandés mais difficile pour Shedet de les percevoir, une migraine l’assaille. — Le peuple de Hardaï se rebelle chef, tous les habitants encerclent le palais du nomarque. Geburah est partit prêter main forte. Tova est toujours présente, assise à ses côtés pour le soulager de la douleur grâce à une décoction de plante. De temps à autre elle lui touche le front du revers de la main toujours affublé d’un tendre sourire. Shedet, trop exténué et assommé par cette drogue, ne peut que l’observer sans émettre de mécontentement. — Mais la sécurité, les chacals mécaniques et les protecteurs, que font-ils? Ils ne protègent pas le nomarque? — Non c’est terminé pour lui, d’après Hod le vizir des nomes a envoyé un émissaire. Ah oui! Il y a aussi un faucon énorme qui a largué un objet sur la place centrale et après tout s’est éteint. Tu aurais dû voir ça chef, j’ai bien cru que la région allait être détruite. « Il me parle sans doute du dieu Khonsou, seule divinité capable d’un tel acte. Néanmoins il ne peut désactiver les protecteurs, donc si ils ne protègent plus le nomarque c’est finit pour lui. Il est foutu, à la merci des Sittiu. Que se passe-t-il dans ce nome? Cette ambiance que j’avais ressentie au village était donc bien réelle ». Shedet tente de se lever, sa carcasse lui semble peser le triple de son poids habituel. Tova lui vient en aide mais il rugit comme un animal, le déchu rejoint seul l’entrée. En passant la tête hors de la demeure la ferveur de la population l’agresse. Situé à plusieurs centaines de mètres, des chants belliqueux contre Chepseset sont clamés. Les torches virevoltent tandis que la foule tente de pénétrer l’immense porte de granit sûrement bloqués de l’intérieur. — Que se passe-t-il ici Caleb? demande Shedet appuyé contre un mur. — C’est finit pour le nomarque, répond Caleb les yeux un peu engourdis, cette nuit est sa dernière nous devons juste l’empêcher de s’enfuir. « J’espère que la garde royale ne va pas intervenir sinon le sang va couler ». Le groupe rejoint la foule animé d’un désir de vengeance. Hommes, femmes et enfants se rassemblent pour mettre fin à ces années de supplice de la part d’un fonctionnaire sadique. Shedet observe attentivement les Sittiu d’un air assez inquiet. « Ils ont encerclés la moindre sortie, la moindre terrasse bloqués par un volet de sécurité et tout cela en à peine une heure. Le nomarque est forcément terré à l’intérieur et si l’idée saugrenue de voler en felouque lui venait à l’esprit il serait aussitôt pulvérisé en plein vol. Je ne vois pas Nysoutnéfer, serait-il caché dans le palais aussi? ». Shedet rejoins Hod positionné en hauteur sur une caisse contenant des fleurs de lin fraichement récoltés. Il commande les opérations d’une main de fer en veillant à ce que personne ne quitte son poste. — Qu’est ce que tu fabrique Hod? s’insurge Shedet, si tu fais une rébellion tout le monde ici présent sera massacré. — Une rébellion? le jeune Sittiu descend et ajoute d’un sourire, alors il ne vous a pas prévenu? — Qui m’aurait prévenu? un chat se frotte à ses mollets le faisant sursauter d’un bond, mais c’est le chat de Miysis! Que fait-il encore ici? — Je suis l’espion de Miysis, déclare Hod. Hé Gomer! Reste concentré c’est pas le moment de faire l’andouille, crie-t-il à l’homme sur la terrasse. — Alors c’était toi l’espion? s’étonne Caleb en venant d’arriver, je pensais que c’était Rachel la lavandière. — Tu étais au courant qu’un espion de Miysis se trouvait ici et tu ne m’as rien dit! s’énerve Shedet. — Me grondes pas chef, c’était des rumeurs que mon cousin m’avait dit quand il était ivre. Jamais j’aurais pensé que c’était le Sittiu le plus populaire du nome. Hod surveille à nouveau l’état des opérations, le déchu est abasourdit par cette nouvelle, il commence à mettre en place les éléments du puzzle. « Saleté de nomarque, alors il m’a bien envoyé ici en connaissance de cause. Cela veut aussi dire qu’il me surveille en permanence, pas par ses chats c’est certain mais par qui? Geburah semble énervé, ses poings sont serrés et son visage laisse apparaitre des veines sur le point d’exploser. Serait-ce la fuite de la hyène qui le met dans cet état? ». — Depuis quand es-tu au service de Miysis? demande Shedet. — Environ un an et demi ou deux ans, il m’avait contacté quand j’étais venu vendre une cargaison de lin et en a profité pour m’engager. « Exactement ce que m’a fait Chepseset, tous les nomarques jouent donc à ce jeu de pouvoir et moi qui pensait avoir affaire à des nobles hautains et fainéants ». — Ça a dû être stressant d’être espion et de garder ce rôle chef, dit Caleb, Miysis est quelqu’un qui ne plaisante pas avec l’échec. Enfin quand sa position est en danger. — Non pas vraiment il était très sympa et nous couvrait de cadeau, c’est quelqu’un de très efficace surtout avec la contrebande. — Tu vas où Geburah? demande Caleb. — Dénicher le nomarque, grogne-t-il. — Pour avoir tout le mérite, rit Shedet. — Me parle pas sur ce ton ou… Une felouque volante survole le nome avant de s’arrêter au-dessus du palais, un objet massif chute au niveau du toit. Soudain un éclat lumineux s’échappe du palais avant de s’éteindre lorsqu’un fracas assourdissant mit fin aux chants de la foule. — C’est quoi ce truc? dit Hod, un nouveau dieu qui vient du Cartouche? — On aurait dit une bombe, déclare Caleb en observant la felouque. Qu’est ce qui te prends chef? On dirait que tu as vu un fantôme. — Ce n’est pas un dieu, c’est le medjay Odion. Regardez la coque de sa felouque il y a le sceau de Pharaon. Pour votre bien je vous conseille de ne pas croiser le protecteur du royaume. Shedet s’apprêtait à s’enfuir mais une barque royal apparait dans le ciel nocturne, sa lumière illumine les nuages comme un petit soleil. « Par Amon, je n’aimerai pas être à la place de Chepseset ». La barque reste en position stationnaire au-dessus de la ville, impossible d’atterrir sans pulvériser Hardaï. Une felouque assez large s’extirpe du monstre volant avec à son bord plusieurs personne. Une lumière aveuglante éclaire le palais faisant fuir les Sittiu hors des murs comme des cafards. L’embarcation rejoint Hod et Shedet alors qu’un boucan infernale semble se produire au sein du palais du nomarque. — Beau travail Hod, applaudit l’homme descendant de la felouque, tu es certain d’avoir bloqué toute les issues? — Miysis? s’étonne Shedet. — C’est nomarque Miysis, rétorque-t-il, respecte l’étiquette le déchu. Tient maintenant que j’y pense tu as réussit à survivre à tout ce bazar. — Alors c’était vrai, vous m’avez envoyé en chair à canon… Un homme se détache de l’ombre de la felouque, se mouchant dans un tissu il répond: — Le nomarque Miysis t’a privilégié plutôt. Shedet s’agenouille aussitôt en ordonnant aux autres de faire de même, le vizir des nomes s’est déplacé en personne. Les Sittiu restent de marbre face à l’approche du fonctionnaire mais effectuent le mouvement comme à l’accoutumé. — Inutile de respecter l’étiquette, déclare le vizir, pour le moment ce qui m’importe est la capture de ce rat de Chepseset et de la hyène. — Nysoutnéfer s’est échappé grand vizir, répond Shedet toujours agenouillé, néanmoins je pense qu’il se terre dans le palais avec Chepseset. — Nous n’allons pas tarder à le savoir, dit le vizir au sourire narquois, j’ai envoyé Odion le dénicher. L’attitude de Miysis change aussitôt, le déchu observe ses genoux trembler tandis que quelques gouttes de sueur dégouline sur le sol. — Que vous arrive-t-il nomarque? Un problème avec ma décision? — Non c’est simplement que je n’ai pas été prévenu de ce contretemps…enfin je veux dire la présence du medjay. — Odion doit se rendre au mont Cobra alors j’en ai profité pour quérir son aide, qui sait si ce dégénéré de Chepseset nous a tendu un piège. Soudain une série d’explosion retentit au palais achevé par une dernière plus imposante. La façade s’écroule, les pylônes éclatent en morceau et les nombreuses statues décoratives se pulvérisent sur le sol. Les Sittiu paniquent et s’éloignent près du vizir et de sa felouque, la fumée recouvre entièrement le palais. « Le medjay a dû recevoir de plein fouet l’explosion… serait-il mort? ». Alors que la fumée se dissipe, les lampes solaire de la barque royale se braquent en continu sur le palais. Tout à coup un objet ressemblant à un corps est jeté hors du bâtiment, une sorte de toge fumante gît sur le sol sous les regards attentifs de tous les spectateurs. Un lourd débris bloquant l’entrée du palais est soudainement poussé avant de s’écraser au bas des escaliers, le medjay apparait les bras saignants. Odion rejoint le vizir tandis qu’une allée se forme, tous s’écartent de son passage, terrifié et tremblant de tous leur être. — J’ai accompli ma mission vizir, déclare Odion en lui donnant le pendentif du nomarque Chepseset, je vous conseille de rapidement l’amener à un prêtre. Dans dix minutes il mourra sans soins. Le vizir claque des doigts, un prêtre, assis dans la felouque depuis le début rejoint le corps du nomarque. Shedet, sur le côté et agenouillé comme tout le monde, observe le guerrier d’un oeil attentif. « Incroyable, par Thot, le sang le recouvre presque intégralement et pourtant je ne vois pas l’ombre d’une blessure. Ses capacités de régénération sont bien supérieur à ce que prétendent les rumeurs ». — Cette chose gisante sur le sol c’est le nomarque? demande le vizir complètement abasourdit, je pensais que c’était un leurre, un mannequin pour une diversion. — Quand j’ai pénétré sa demeure Chepseset s’était entouré d’explosif mais il n’avait pas prévu que j’arriverai sans doute grâce aux rumeurs me concernant en ce moment. Malheureusement il eut le temps de déclencher les bombes avant que je n’intervienne mais comme vous le voyez c’est lui qui souffre le plus de cette décision. Que vous arrive-t-il nomarque Miysis? Le danger est écarté inutile d’avoir peur, ajoute Odion sur un ton presque agacé. — Par Bastet, je suis simplement heureux de la tournure des évènements, balbutie Miysis. — En tout cas vizir vous avez votre exploseur de temple mais pas son commanditaire Nysoutnéfer dit la hyène. Impossible de le trouver, il a dû s’enfuir et je parierai que sa destination est le nome de Kush. — Sois sans crainte, je dépêcherai dans quelques heures une escouade pour le retrouver. J’avertirai aussi le vice-roi. — Dans ce cas plus rien ne me retient à Hardaï. Le medjay se retourne mais un détail le surprend, lorsqu’il observe Shedet son visage se crispe d’étonnement mais d’après la course qu’il entame aussitôt une affaire plus urgente l’incombe. « Un peu plus et j’ai cru qu’il m’arrêterai, maintenant que j’y pense pourquoi je ne suis pas dans le même état que Miysis? Je ne tremble pas, je n’ai pas eu peur comme si le medjay était un individu normal. Par Thot, inutile de me tracasser cette histoire est enfin terminé ». Le calme revient progressivement dans le village même si les Sittiu sont plus jovial et impatient de fêter la chute du tyran. Quelques fois des cris jaillissent de la foule parmi les compliments lancés à Hod. Ce dernier est satisfait tout le contraire de Shedet aux mains meurtris par les plaies. — Je veux des explications! exige le déchu en s’approchant de Miysis affalé sur le débris d’un bloc. Son allure est pitoyable, le col de sa toge rouge est imbibé de sueur, sa perruque gît à coté complètement ratatiné par l’humidité de son front. Ses genoux s’entrechoquent encore pendant que Shedet lui parle. — Par Bastet, laisse-moi le temps de récupérer; le nomarque l’observe d’un regard assez stupéfait. Le medjay ne t’a rien fait? — Pourquoi? Devait-il m’arrêter? — Sa présence a une nouvelle fois faillit me tuer mais toi tu n’as rien? Tu es un déchu tu as forcément fais quelque chose de répréhensible. D’ailleurs je sais que durant ta promotion de scribe tu m’as dérobé des sacs de grains ainsi que des coussins. « Par Thot, comment le sait-il? Misère je vais avoir de gros ennuis ». — Cela m’est égale, ajoute Miysis, tu as réussi contre-attente à me donner ce nome alors je laisse passer cet affront. — Donner? — Je veux dire sauver le royaume de ce terroriste, si je t’ai envoyé ici et pas un autre c’est uniquement parce que tu es un déchu. Tu as survécu maintes fois à la mort . Ne me regarde pas comme un ennemi, si tu te préoccupes de l’état de tes mains sache qu’elles recevront les meilleurs traitements. Maintenant laisse-moi je dois récupérer. « Foutu nomarque, vous méritez un interrogatoire complet avec le medjay. Le jour où j’en aurai l’opportunité je vous enverrai dans la gueule du loup ».
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2023.06.21 08:07 Global_Relative_3177 Chapitre 33: Le nome per-Osiris

Bonne lecture.
La correspondance avec Emheb l’ancien ami d’Hor, et désormais noble déshonoré par le Pharaon il y a de cela quelques jours, a mené le prince dans le nome de Djédou, ou per-Osiris. Son voyage s’achève bientôt à sa capitale, la ville de Andjet. Alors que son bateau vogue en direction du port, entouré de citoyens Égyptiens, le prince fixe le décor en somnolant de temps à autre. Cette modeste capitale est tout ce qu’il y a de plus ordinaires en Moyenne-Égypte, ni riche ni pauvre, une balance quasiment parfaite. Les nomes de la vallée du Nil sont des régions paisibles habitées uniquement par des Égyptiens. La majorité de cette partie du royaume est rurale avec des exceptions comme Abdjou, des petites cités formant son véritable côté urbain. Andjet ressemble à toutes les autres villes présentes au bord du Nil, des petits villages bordés par le fleuve sacré, des champs agricoles. Les maisons en brique de pierre très vastes, six fois celle d’un Sittiu et haute de deux ou trois étages. Les décorations intérieur se composent de gravures sur les murs, de mobilier en bois, ou en cèdre pour les plus fortunés et de textile variés. Chaque Égyptien qui se respecte colore de mille feux ses pièces notamment le salon où les invités doivent s’extasier et ainsi alimenter la convoitise entre voisin. Les portes sont faites de bois épais importé de Basse-Égypte contrairement au Sittiu dont l’entrée de leur logis n’est qu’un simple tissu même si la raison d’une telle différence n’est pas forcément monétaire. Le bétail est une autre marque de richesse, les vaches, les moutons et porcs forment la base d’un élevage. Le boeuf est plus difficile à acquérir et, provenant principalement de Basse-Égypte, ce sont majoritairement les nobles et riches qui en dégustent. La pêche est aussi une activité appréciée mais peu rentable surtout lorsque l’on peut s’offrir les cargaisons toutes prêtes depuis certains nomes. Hor arrive enfin près de la ville d’Andjet. Les citoyens déposés descendent tranquillement de l’embarcation à voiles solaires, certains sont des fermiers tirant fermement la bride d’une vache achetée il y a peu. Des femmes rentrent les bras chargés de marchandises ou de sac plein à craquer de vêtement, sûrement de Memphis. Le prince à la surprise de voir un jeune homme rentrant de son service de la caserne militaire de Memphis affublé, sur son épaule, d’une ceinture à la boucle plaquée or. « Que de souvenir, pense Hor lorsque la ceinture l’éblouit ». Le ponton métallique se déploie dans un port propre comme un temple. La terre orangé ne se soulève pas et le soleil darde de ses rayons les belles maisons de la ville de Andjet. Un peu loin sur sa droite le prince aperçoit des crocodiles se prélasser au milieu des feuilles de papyrus frémissant au gré des vagues sous l’ombre des palmiers. Le bourbier est proche de la longue route empruntée par les citoyens provenant d’autres régions. Le palais du nomarque est à l’opposé, construit il y a longtemps sur le Nil et dont le fleuve passe sous les arches du pont en marbre le séparant de la ville. Marchands et habitants se rencontrent à Andjet, les paysans eux retournent dans leur champs après avoir effectué des courses ou achetés des outils dans le nome voisin. Ayant trop attiré l’attention au Harem avec son affaire, Hor souhaiterai confronter son frère par surprise. Portant une cape blanche le recouvrant intégralement ainsi que la tête, le prince avance parmi la foule venue garnir leurs paniers de vivre et d’objets du quotidien. L’air frais apporté par le Nil calme ses nerfs et le doux bruit des citoyens remplacent l’affreux tintamarre dont à l’habitude le prince à Bast. Les marchands sont rafraichis par une ventilation à énergie solaire et le même système se retrouve partout dans le nome avec quelques charrettes tractées sans bétail. Certains habitants possèdent des vêtements animés de motifs en tout genre. La technologie y est beaucoup plus présente qu’en Basse-Égypte mais limité par le seul critère de fortune de la ville, l’équipement solaire est très chère à entretenir surtout pour des paysans ou artisans. Le confort est donc principalement en maison et au niveau de la sécurité bien plus sérieuse qu’à Bast par exemple. Hor observe les gardes Égyptiens fidèles à leurs postes ou effectuant des rondes d’un pas régulier « bien, je sens que personne ne sait pour ma présence. Je rejoins discrètement le palais et ce nomarque m’amènera à ce chien de Ouserpehti même si je dois le torturer. Personne ne vole impunément ma propriété ». La marche, au milieu des passants, emmène Hor sur la rue principale, l’avenue du temple Bousiris où fut érigé un obélisque sur la place centrale, son socle de six mètres de diamètre ne le rend pas très impressionnant, sa hauteur est à peine d’une quinzaine de mètres avec un pyramidion en or dont l’éclat varie au fil de la course du soleil. Le temple dédié à la divinité locale, Andjéty, un dieu embaumeur et assistant d’Osiris, n’est pas clinquant. De la pierre sans réelle valeur arbore des motifs hiéroglyphiques en revanche le nombre de fidèle le visitant, offrande en main, dépasse de loin celui de Bast. « J’avais oublié à quel point tout est si humble dans la vallée du Nil, mes constructions sont à la limite de l’exagération dans mon nome et surtout pour des Sittiu dont la religion est complètement différente. Par Horus! Ce n’est pas le moment de rêvasser j’ai des choses plus importantes à accomplir ». Une jeune femme le bouscule sans malveillance puis ramasse ses bananes tombées sur le sol sans que le prince ne daigne l’aider. Il ne fait que la regarder en pensant à Shani lorsque ses yeux se posent sur sa chevelure brune. « Non ce n’est pas elle, par Horus! Je commence à perdre l’esprit, vivement que je la retrouve et lui inflige une grande correction pour m’avoir fait autant déplacer ».
— Pardonnez-moi messire je suis tête en l’air en ce moment et… Elle remarque les sandales très chic de Hor. Des sandales en cuir d’éléphant noir brodées d’or et à la semelle capable de marcher sur l’eau. L’air ahurie, elle s’exclame:
— Où avez-vous eu ces sandales? Hor s’enfuit, malgré ses précautions il avait oublié l’écart de richesse entre cette région et la sienne, difficile pour lui de se fondre complètement dans la masse. Le palais du nomarque est à porté de vue, un édifice plus grand que les autres sans réelle prétention, le grenier et la trésorerie sont collés à lui tandis qu’un temple secondaire est situé sur la rive opposé au Nil. Le tout est entouré d’une muraille en brique de grès haute de cinq mètres, une frontière physique séparant l’administration des citoyens. Paradoxalement les nomarques de Moyenne-Égypte, sauf celles près des villes, sont plus pauvres qu’en Basse-Égypte. Cela est dû à la richesse développée dans le nome qui est bien moins supérieur et surtout à cause de l’impôt royal. Les habitants doivent choisir entre une vie paisible et simple ou alors à une existence de dur labeur comme pour les Sittiu. De plus l’Etat se charge gratuitement de la sécurité de la région, tout comme les dieux. Les préparatifs à la fête de Khoïak avancent toutefois ce qui emplit de joie chaque habitant est la récolte abondante. Tous clament leur amour pour le dieu Osiris ayant épargné cette année bon nombre de ses sujets de la maladie. « J’avais complètement oublié cette fête, cela ne changera rien quoi que connaissant Ouserpehti il doit être en train de peindre ». Au programme des festivités chants, danses, réunion de famille et banquets fastueux autour d’une statue d’Osiris piégé dans un sarcophage comme le décrit si bien la légende. Une pièce de théâtre doit aussi avoir lieu afin de commémorer la défaite du fléau par Osiris. Au pied de l’escalier long de trente mètres menant au palais, Hor se fait arrêter par les deux gardes. Celui de droite déclare:
— Interdiction de rejoindre le palais sans rendez-vous ou autorisation…
Le prince retire sa cape et dévoile dans un même temps son pendentif en forme de faucon. — Pardonnez mon impudence prince Hor, dit le garde en s’inclinant tandis que l’autre l’imite aussitôt, je vais aller prévenir le nomarque Chéchi de votre arrivé. — Tu oserais faire patienter un prince? déclare Hor aux gardes pétrifiés de peur, où est mon frère Ouserpehti? — Seul le nomarque le sait prince Hor. — Par Horus, soupire-t-il, où est le nomarque? Le garde affirme que le fonctionnaire travail dans son bureau, sans perdre de temps le prince emprunte les marches mécaniques, elles s’illuminent d’un jaune doré intense puis font gravir lentement le prince. Impatient, il entame une course puis parcourt d’un pas vif les couloirs nacrés du palais. Les rideaux vert pâle virevoltent autour des colonnes couvertes de hiéroglyphes, le soleil accentue davantage l’éclat des couleurs mais Hor a vu plus beau. Il fonce en direction du bureau dont la porte est grande ouverte. A travers les terrasses il est possible d’apercevoir Qimen, la ville opposée à Andjet — Où est Ouserpehti! crie Hor en pénétrant en trombe dans le bureau. Chéchi le nomarque sursaute si fort qu’il en fait tomber son papyrus et le brise en morceau sous son mobilier. C’est un homme d’une quarantaine d’année maigre et frêle, son attitude peureuse inspire le dégout à Hor. — Prince Hor ravit de recevoir ta visite en cette journée de festoiement, bégaie-t-il. — Réponds à ma question! — Dans son tombeau derrière le palais, informe Chéchi le front luisant de sueur. — Tombeau? Serait-il enfin mort? jubile le prince. — Non mon prince simplement en train de le décorer. — Appelle-moi encore une fois mon prince et je te tranche la langue. Amène-moi à son tombeau je dois lui parler. Allez plus vite que ça! Le nomarque récupère son pendentif en forme de barbe postiche verte, il demande ensuite au prince de le suivre de la manière la plus poli possible. Très rapidement la marche emporte Hor dans le sous-sol du palais puis débouche sur un long couloir aux murs gravés de hiéroglyphes et surtout de dessins relatant les exploits du prince Ouserpehti durant son existence. Evidemment certains pan sont encore vierge, le plâtre sera bientôt posé. Quelques morceaux de dessins font référence au livre des morts afin de guider l’âme du défunt dans l’au-delà. Les lumières éclairent parfaitement le lieu comme un soleil en plein jour. La longue route s’achève sur une grille en fer qui sera remplacé après la mort du prince par un bloc de granit de plusieurs tonnes. Depuis sa position le prince entend Ouserpehti fredonner une mélodie ponctué de frottement. « Si je ne dit pas de bêtise en ce moment je me trouve sous le Nil, ce crétin dilapide sa fortune pour sa mort. Mais bon il n’est pas le seul de mes frères et soeurs à faire cela et de toute manière tant que cela ne m’affecte pas c’est son problème ». Le nomarque insère verticalement son pendentif dans une serrure dont les rainures s’illuminent avant de disparaitre et se propager sur les barreaux de la grille. Le hiéroglyphe du cartouche dévoilant le nom du prince Ouserpehti se colore d’un jaune doré bien plus lumineux que les lampes alentours. La grille s’abaisse devant l’antichambre du tombeau. — Maintenant laisse-moi, ordonne Hor en le poussant. — Mais je dois… le nomarque se tut après avoir vu le regard meurtrier du prince puis après une révérence déclare, si vous avez besoin de mes services n’hésitez pas à me voir. Seul avec Ouserpehti dans ce tombeau, le prince Hor s’avance et découvre une salle mortuaire criante de couleur et de gravure parfaitement réalisées. Sans doute les plus belles mais aucune chance que Hor l’avoue ni même le susurre. La première salle est une antichambre destinée à recueillir les futures offrandes, de l’autre côté un petit escalier mène à la salle où se trouve le grand tombeau en albâtre n’attendant que le sarcophage en cèdre du prince. Ouserpehti est debout à gauche du sarcophage. Ce prince, de deux mètres et demi, maigre sans pour autant paraitre faible, porte une longue toge verte brodée d’or et de motifs animés de son nom. Ses épaules supportent une serviette pleine de plâtre. A la lumière d’un large braséro, l’hôte est debout à fredonner bruyamment tout en réalisant ses gravures avec une concentration et précision digne d’un dieu. — Je savais que tu allais venir me rendre visite mon cher petit frère, dit Ouserpehti en effectuant la gravure de l’oeil de la déesse Hathor sur le mur, cependant il a fallut que tu viennes me déranger durant ma séance de méditation. Se tenant sur la gauche d’Ouserpehti, le prince Hor le regarde d’un air méprisant. — Alors c’était vrai tu as bien commandité mon assassinat. — Foutaises, je me fiche complètement de ta vie, affirme Ouserpehti en affûtant sa petite lame contre une pierre à aiguiser. — Mensonge ou pas en tout cas tu es impliqué car tu correspondais avec Emheb. Maintenant avoue tout! — Du calme Hor, dit Ouserpehti en récupérant un outil plus fin, tu te trouves dans mon tombeau fait preuve d’un peu de respect. Comme beaucoup d’Égyptien je commerce ou commerçait avec Emheb, il me livrait des pigments. Maintenant au sujet de cette histoire d’assassinat as-tu seulement des preuves de ce que tu avances? Tu te laisses comme toujours emporter par tes émotions. — Inutile d’en avoir, je sais que tu contrôlais la famille d’Emheb comme espion et aussi que tu fricotes avec Bentanat, l’une de mes ennemis. Notre soeur aurait très bien pu t’inciter à m’éliminer pour se voir monter dans le classement et ainsi s’accaparer plus de richesse. Ouserpehti soupire puis récupère une lame incurvée lui permettant de sculpter la lèvre inférieure de sa gravure. — Je contrôle Emheb comme tu contrôle la famille de Miysis, déclare-t-il en essuyant la crasse du mur avec sa serviette, et pour ce qui est de notre soeur cela n’a rien de sentimentale ou n’importe lequel de tes fantasmes conspirationnistes. C’est plus une muse, oui une muse me permettant de me vider l’esprit à chacun de nos batifolages. Autre chose? — Ne te fiches pas de moi! Je sais très bien que tu es coupable sinon ma mère ne t’aurai pas désigné… — Hor par pitié, soupire-t-il en lui faisant face, dis-moi réellement ce qui t’amène en ces lieux. Des assassinats ce n’est pas le premier que tu subis et encore moins le dernier. Crache le morceau sur tes motivations que nous écourtions cette entrevue futile. — Je te l’ai dit, je suis venu te demander des comptes, avoue tes crimes, rend-moi ma servante et le jugement se déroulera sans encombre. Le visage de Ouserpehti s’illumine après ces paroles alors qu’il nettoie, minutieusement avec un chiffon, le menton de la déesse Hathor fraichement sculpté. — Et bien voilà, c’est pour ta servante que tu es venu; Hor s’approche subitement, l’écho de son pas résonne dans la chambre funéraire. Je t’arrête tout de suite mon frère, si je suis au courant pour elle c’est uniquement parce que tu as commis l’erreur de le crier au Harem. Maintenant laisse-moi. « Par tous les dieux je ne réussirai jamais à lui faire cracher le morceau, comment avait fait Hathoriti pour l’énerver il y a six mois? ». Les yeux toujours fixés sur sa sculpture, Ouserpehti déclare: — Mon frère mal aimé, sache que la course au trône ne m’intéresse guère. Tout le monde sait que j’y ai renoncé depuis plusieurs années et tu devrais faire de même crois-moi; il récupère une pince pour extraire des clous récemment planté dans la gravure. Le royaume finira par s’écrouler avec cette histoire de succession et je suis prêt à le jurer sur les dieux que notre père bien aimé en est conscient. — Tu dis cela car tu sais que tu n’as aucune chance de l’emporter. Ramsès a encore du temps à vivre et d’ici là les choses peuvent encore changer. — Arrête mon frère, tu ne penses pas un seul mot sortant de ta bouche. Le successeur sera Amonherkhépeshef ou Mérenptah et si ce n’est pas l’un des deux alors ce sera un des autres fils de notre belle-mère Nefertari. Tes actes te trahissent frère Hor, si le trône te préoccupait tant tu ne serais pas ici à pleurer ta servante mais à Bast auprès de ta pyramide. Le poing du prince Hor se serre tant la colère l’étouffe, Ouserpehti sait où frapper avec les mots tout comme il le fait avec ses oeuvres d’art. — Je vais t’avouer un secret, depuis que j’ai abandonné l’idée de monter sur le trône ma vie s’en porte bien mieux. La constante appréhension de me faire assassiner a disparu, d’ailleurs je ne me souviens plus de cette sensation. Un conseil frère Hor retire-toi de cette vaine course au trône et préoccupe-toi de choses plus intéressantes comme l’art, la chasse ou ta servante, ajoute-t-il en souriant face à lui. — Où est-elle! hurle-t-il avant de s’éloigner d’un bond alors que la main gauche d’Ouserpehti le touche au visage. — Toujours aussi dégouté par ma main. Pitoyable cet élan d’émotion, certaines fois j’oublie que tu as quarante années de vie dans notre royaume. Aie un peu honte bon sang, ce comportement puéril était utile au Kep mais aujourd’hui il faut faire preuve de jugeote. Hor se retire de quelques pas tandis que son frère reprend sa gravure au niveau du cou de la déesse. — Où est-elle? redemande-t-il calmement. — Aucune idée, maintenant dégage avant que j’appelle le protecteur royal. Ton assaut est non seulement un grand manque de respect mais aussi une déclaration de guerre entre nos clans. Cette perte de temps inutile s’accentue lorsque Ouserpehti poursuit sa besogne comme si Hor n’était plus présent, « il commence à m’énerver mais si je le tue je n’aurais pas de réponse et je serai évincé de la compétition ». Hor s’approche des gravures fraichement réalisées sur la droite de son frère, ce dernier commence à détourner le regard sur Hor de peur qu’il n’abîme son chef d’oeuvre. — Si tu brises ou érafles le moindre centimètre carré de ce mur je te le rendrais au centuple sur ta pyramide, déclare Ouserpehti en poursuivant son chef-d’oeuvre. « L’attaquer physiquement n’aurait aucun effet, j’accumulerai du retard… par Horus je m’en souviens maintenant! ». Les mains dans le dos Hor observe avec attention les murs puis déclare en se redressant: — C’est assez moyen. — Tu ne serais pas capable de réaliser un simple cercle pauvre frère et tu penses avoir du goût en matière d’art. — Pardonne-moi mais je pense que ton sixième doigt devient une gêne, avant de venir je m’attendais à plus beau. Même ton nomarque tressaillait de terreur en parcourant le long couloir. — Mon sixième doigt est un don des dieux, se vante Ouserpehti, grâce à lui je peux effectuer des oeuvres plus précises et ainsi me parer sereinement pour l’au-delà. Mes peintures ne pas aussi moche que cette sale peste de Haânkhès. Ouserpehti lui montre à nouveau sa main gauche affublée de son fameux sixième doigt entre le pouce et l’index. Il est capable de le mouvoir indépendamment des autres ce qui rend son travail d’autant plus incroyable, sa précision en est décuplée. « Répugnant! J’ai honte pour lui mais de toute manière tant qu’il ne me touche pas avec je suis calme. Je crois qu’il est temps de réveiller le soldat qui sommeil en lui cependant je dois me préparer à son assaut ». — Moi je trouve que ton art dévie Ouserpehti, pauvre de toi, tes personnages humains sont disproportionnés. Encore quelques années et tu auras le même style que notre frère Akhenaton. L’ambiance change aussitôt, le scalpel dans la main de l’artiste éclate en trois morceaux avec un bruit sec renforcé par l’écho. Son regard se fige, son front se plie, armé de sa dague courbé qu’il sort de sa ceinture il hurle: — Retire ces paroles immédiatement! Je le jure sur Osiris que tu ne reverras plus le soleil. — Pas avant que tu ne réponds à ma question: où est ma servante? — Aucune idée et de toute manière tu ne quitteras pas ce tombeau! Ouserpehti effectue un enchaînement de coups verticaux et horizontaux avec beaucoup de dextérité, si bien que Hor n’a point le temps de dégainer son khépesh. Parant avec ses avantsbras Hor sent sa chair se taillader cependant la douleur ne l’incombe pas, ses entailles se cicatrisent aussitôt mais le sang jaillit sur le sarcophage blanc. Avec son bras gauche il frotte le mur et, tel un rouleau de peinture, encrasse la belle gravure fraichement colorée de son hôte. — Saleté tu vas me le payer! hurle Ouserpehti en le frappant cette fois d’estoc. Je n’ai pas peur de te tuer puisque ma course pour le trône est terminée, tout le contraire de toi. Ouserpehti insère sa dague dans le ventre d’Hor avec sa main droite et empoigne le visage avec la gauche. Son sixième doigt tente de lui crever l’oeil gauche. « Misère, je pensais que toutes ces années loin du Kep l’aurait affaiblit mais il faut croire que la rage le revigore ». Hor à l’impression qu’une grosse mygale lui tripote le visage toutefois malgré la blessure au ventre, ses mains, contrairement à son adversaire, sont libres. D’un coup il dégaine son khépesh en passant son bras droit entre ceux de Ouserpehti et profite de la surprise pour lui trancher nettement l’avantbras gauche. Le sang repeint le mur ainsi que le sarcophage. Tous deux sont épuisés mais Hor est en possession de l’avant bras de son hôte. — Si tu penses que cela me fait peur tu te trompes! beugle Ouserpehti alors que la chair morte de son amputation s’écroule pendant que des tissus sains se régénèrent. J’irai voir la prêtresse Hetpet et elle me le rattachera. — Ah oui, répond souriant Hor malgré son essoufflement. Il place le morceau de viande au-dessus du braséro, la peau commence à brûler. — Qu’est-ce tu fais? hurle l’artiste, retire-le immédiatement! — Alors dis-moi où est ma servante! Fais vite ou je veillerai personnellement à ce que l’on te greffe une main avec cinq doigts. — Maudits sois-tu! aboie Ouserpehti toujours mis en joue par le khépesh de son adversaire. Très bien! aboie-t-il en voyant ses doigts noircir, c’est Hepoui qui l’a enlevé et emmené dans son nome! Maintenant rend-moi mon bras! L’odeur de chair brûlée avait emplit la pièce durant ses aveux. Hor, satisfait de sa réponse, jeta l’avant-bras dans le braséro puis sortit rejoindre ce fameux nome en sachant pertinemment quel danger l’attend. A mesure qu’il s'éloigne du tombeau, l’écho du couloir achemine les menaces de l’artiste: — Osiris m’en est témoin tu me le paieras! De retour au port, Hor paie grassement un marchand de plantes médicinales pour acquérir sa felouque, un modèle rapide idéal pour les longs trajets. — Prince Hor, appelle une voix de petite fille, prince Hor c’est toi? Il se retourne, le pied déjà à bord de l’embarcation et découvre une petite paysanne aux cheveux châtains tressés affublé d’une frange. Sa longue robe rose en lin est tachée de boue à sa base. Elle se déplace pieds nus sans le moindre mal. — Je n’ai pas le temps de jouer petite ni pour t’emmener de l’autre côté du Nil. — Non je vais pas vous embêter, dit-elle d’une voix innocente, j’ai trouvé ton coffret avec ton nom à côté du port. Le bout de papyrus m’a dit de te le donner si je te voyais. J’ai attendu deux heures comme une grande. Elle donne le coffret en cèdre pas plus gros qu’une main, sur le couvercle est effectivement inscrit le nom du prince en hiéroglyphes, gravé grossièrement avec un outil. Son coeur palpite dès l’ouverture et la stupeur s’empare de lui. « Une mèche de cheveu! Ce sont les cheveux de Shani j’en suis certain! » — Qui t’a donné ça! aboie-t-il en attrapant le coude de la petite. Cette dernière pleure avant de s’enfuir aussi loin que possible du port. Le prince est sonné par cette découverte et brièvement il se sent puéril d’avoir agressé une gamine sans raison. « Le ravisseur se fiche de moi! Si c’est Hepoui qui te retient Shani attend moi, je le découperai en morceau ».
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2023.06.18 08:33 Global_Relative_3177 Chapitre 30: La cité des morts

Bonne lecture.
La pause déjeuner intervient au bon moment, Shedet s’est rendu dans sa tente le visage pétrifié par la terreur. Assis à l’abri derrière les rideaux d’étoffes bleus au motif de tête de chacal le cachant du monde extérieur, le déchu tente de reprendre son souffle. « J’ai l’habitude de frôler la mort mais ici il y a quelque chose de malsain, les rumeurs étaient-elles vraies? Ce nome est-il maudit depuis que le nomarque Chepseset a changé de divinité? ». Des ombres jaillissent sur les rideaux de la tente, des silhouettes fines portant un objet sur leur tête, pour le déchu cela ressemble aux démons dont la caboche est affublé de cornes. Quatre créatures se dessinent entièrement sous son regard terrifié. Les doux rires le réconforte lorsqu’en passant sa main, une des danseuses apparait avec ses collègues les bras garnis de fruits et une autre de viande de boeuf.
— Messire, j’espère que nous ne sommes pas en retard? dit Kaneferet dont la chevelure tressée se balance sur sa robe de lin rouge. — C’est à cause de Ânkheseniset, dit Géméhtoues juste derrière dont les fines et longues jambes bronzées se dévoile en première, cette gourde a oublié le vin. — En réalité j’ai pris la mauvaise amphore, rétorque Ânkheseniset dont les bras sont tatoués d’encre d’or et le visage percé de bijou du même métal, la hyène m’avait ordonné de prendre l’autre amphore. Apparemment le vin blanc est un mauvais accompagnement pour cette viande. « Nysoutnéfer a changé le vin! Par Amon, l’aurait-t-il empoisonné? Ces filles ne semblent pas complice mais difficile de démêler le vrai du faux avec ces demoiselles. Elles peuvent se révéler être d’excellentes comédiennes lorsque l’on y met le prix ». D’un regard fixe semblable à celui d’une proie, Shedet les observe pénétrer dans la tente et débuter le service. Chacune dispose les plats, Ânkheseniset le vin et Senbet commence à débuter sa douce mélodie à la harpe. L’ambiance est paisible. Pourtant Shedet reste à l’écart, son bras le lance d’une douleur aigüe à intervalle régulier, son esprit vacille, son coeur s’anime de soubresaut. — Tout va bien messire? demande Kaneferet tout en lui posant le plateau de boeuf à ses pieds. — Buvez Shedet cela vous donnera meilleur mine, propose Ânkheseniset en lui tendant le verre. Le breuvage de couleur beige est le premier que Shedet a vu de toute sa vie, même l’arôme, lorsque le liquide tournoie dans le verre transparent, ne lui inspire guère confiance. — Avez-vous plutôt du vin rouge comme j’en commandais. — La hyène m’a interdit d’en prendre messire, informe Ânkheseniset en posant le verre, il m’a défendu de prendre le fût sans quoi j’allais avoir de sérieux problèmes. Le regard de la demoiselle n’exprime aucune malice cependant Shedet n’en croit pas un mot. Leur présence parfumant agréablement la tente ne lui convient plus. — Messire vous semblez souffrant, vous commencez à suer, dit Géméhtoues avant d’entamer sa danse. — Dois-je appeler la hyène? demande Ânkheseniset. — Non pas la hyène! s’écrie Shedet, je suis… je suis contaminé par une maladie, vous devriez partir. Les ouvriers ont aussi des symptômes étrange sur le chantier. Senbet provoque un faux accord avec sa harpe, les autres demoiselles s’éloignent aussitôt, chacune se collent contre l’entrée en tissu. — Pour votre bien vous devriez partir. En faite inutile de revenir, demandez au nomarque votre paiement. Je n’ai plus besoin de vos services. — Très bien, dit Géméhtoues, les filles il est temps de partir. Que la déesse Isis vous rétablisse messire, ajoute-t-elle d’une révérence avant de quitter la tente. Les autres demoiselles s’éclipsent de peur d’attraper le même mal que le déchu, Ânkheseniset en profite pour dérober le vase en albâtre. Le calme s’installe tandis que Shedet frissonne, sa température corporelle chute malgré l’écrasante chaleur mais le plus difficile à supporter reste sa vision. Elle se trouble, s’agite comme lors d’un tremblement de terre, il tente de se relever mais s’écroule aussitôt. Le venin de la vipère à cornes agit progressivement. « C’est impossible, j’ai été mordue plusieurs fois par des vipères durant mon enfance à Per-Sobek, je devrais être immunisé. Peut-être que toutes ces aventures m’ont grandement affaiblies ». L’entrée subite de Caleb le fit sursauter puis tomber à la renverse. — Chef, dit-il en passant sa tête à travers le tissu, tu es partit en courant sans sonner la reprise mais t’en fais pas, tout le monde a reprit le travail. Tu vas bien chef? — Oui j’ai quelques vertiges… — Après la façon dont tu as crié dans le temple ça m’étonne pas. — Iloan, celui qui s’est fait mordre, dort profondément en ce moment, informe Geburah en arrière. Sa tête est affublée d’un voile bleu en forme de turban, rien de décoratif seulement pour masquer son identité et couvrir les plaies encore saignantes. — Qu’est ce tu fiches ici? s’énerve Shedet tout en se tenant le bras, retourne travailler! Non en fait viens par ici, toi qui aimes le vin j’ai un verre pour toi. Il lui tend le breuvage en évitant de toucher la moindre goutte, Geburah, d’abord suspicieux, récupère le verre et avale le contenu sans sourciller. Le vin blanc est son alcool préféré. Shedet l’observe comme un rat de laboratoire, notant dans son esprit le moindre geste suspect, la moindre réaction à un quelconque poison mais rien n’arrive. — Un peu acide comme vin mais il a bon goût par rapport à Bast; Shedet l’observe d’un regard méprisant, oh c’est bon l’égyptien tu sais très bien pour la contrebande. — Allez fiche le camp, dit Shedet en reprenant le verre. — Mais je dois veiller sur ta sécurité… — Tu te fiches de moi? Je te rappelle que si je t’ai choisi c’est pour que tu travailles entouré d’inconnu loin de tout repère, ajoute-t-il en riant. Geburah se fige de peur et n’ose plus parler, son voile se déchire un peu lorsqu’il le noua un peu plus fort autour de son front. — Eh oui Geburah, je suis au courant, ses Sittiu tu les hais et cela est réciproque. Malheureusement pour toi tu vas devoir travailler main dans la main avec eux; le Sittiu souhaitait affirmer son désaccord profond mais Shedet à le dernier mot. Allez! Fiche le camp! Dépêches-toi sinon tu recevras des coups de fouet. Attends Caleb pas toi, tu restes à mes côtés. Geburah grogne de fureur mais se résigne à rejoindre le chantier avec beaucoup de discrétion. Quand à Caleb il attend sagement les ordres. — Que dois-je faire chef? — Toi…tu vas être mon assistant et porte éventail droit. Caleb acquiesce, il connait la marche à suivre. Munit du grand éventail en plume de paon en main, son geste déclenche une brise légère dans la tente. Il s’apprêtait à parler mais Shedet lui coupa l’herbe sous le pied. — Je t’ai choisit parce que Geburah je ne lui fais pas confiance et je veux qu’il souffre sur le chantier. Et Iouferséneb m’est aussi appréciable qu’une sandale trouée. Donc il ne me reste plus que toi qui a déjà fait ses preuves. Par Thot, maintenant que j’y pense où est Iouferséneb? — Je suis ici scribe. Les deux hommes se retournent puis aperçoivent Iouferséneb se tenant aussi droit que possible au seuil de la tente. Il observait silencieusement la scène sans que personne ne le remarque. Son teint blafard et ses yeux rougit par le mal qui le ronge le rendent pitoyable. — Par Amon, tu es encore vivant? — Vous allez le répéter encore combien de fois, halète-t-il, ne vous inquiétez pas pour moi et confiez moi une tâche. — Incroyable, rejoindre la douât te fait-il si peur que cela t’empêche de mourir? Ou alors seraitce que tu as objectif très important à accomplir. Bon rejoins les autres et aide autant que tu le peux. L’autre déchu rejoint le chantier d’un pas boiteux, son attitude est pire qu’à leur arrivé. Ses chances de survie sont quasiment nulle. — Caleb il faut que tu me le surveilles… — Désolé chef mais à ce poste ce sera difficile, par contre je l’ai déjà vu travailler dès notre premier jour et il n’a rien fait de spécial à part agoniser. — Mais où se rend-il le soir? D’ailleurs quand il est à Bast où se cache-t-il pour dormir? — Aucune idée je me préoccupe pas des égyptiens sans vouloir te vexer. Shedet se mit à réfléchir, depuis son arrivé il s’est rendu compte que sa visite du nome s’est restreinte au palais et ses alentours. Même dans le bâtiment du nomarque seule sa chambre et les archives lui sont autorisés. Durant la fin d’après-midi, alors que Shedet remplissait le papyrus, il prit une décision. Le venin ne fait plus effet et selon lui le moment est venu d’éclaircir certains point sur ce nome. — Caleb, sonne la fin de journée. Le Sittiu dépose l’éventail contre le mur puis s’exécute, d’un seul souffle il fit rugir la corne arrêtant instantanément le bruit des burins et marteaux dans le temple. Lorsque les ouvriers sortirent Shedet les accueillit devant sa tente. — Vous avez bien travaillé maintenant rentrez chez vous, dit le déchu tandis qu’il prépare le sac de céréales. Le groupe de travailleur se réjouit en acclamant le scribe dont les compliments, même si il ne le montre pas, lui font de l’effet. La distribution enfin achevé Caleb demande: — Je peux rentrer maintenant? — Oui mais je t’accompagne, tu dois me faire visiter le village. Je sens que mes réponses s’y trouvent. — Et ton rapport? Tu dois le rendre si je ne dis pas de bêtise. — Inutile parce que la hyène le falsifie, j’en suis même certain, marmonne-t-il. Bon allez je veux voir Hardaï. Une moue défigura le visage de Caleb néanmoins il se fit violence pour ne pas esquisser la moindre remarque déplacée. Contre toute attente pour Shedet, Hardaï est un village similaire à ceux de MoyenneÉgypte. Les maisons de briques de terre sont hautes d’un ou deux étages pour les plus chanceux. Des commerces, des bars et même des salles de jeux. Le village décrit une forme presque rectangulaire, plus de cinq mille habitants composent la population et d’après Caleb d’autres Sittiu vivent dans des bourgades au Sud du nome. Sur la place centrale circulaire un obélisque de quinze mètres se dresse en face de la stèle des lois. « Cette pierre n’a rien de spécial, même l’obélisque et les statues des dieux Anubis et Qébéhout me semble normales. Le village n’a pas l’air de subir une malédiction ». En parcourant les rues de son regard un élément retient son attention. — Caleb pourquoi il y a des pierres entre les maisons. Le Sittiu, qui frappait du pied les pierres pour passer le temps, répond: — Ce sont des pierres tombales. — Comme celles de votre nécropole? — Oui mais ici ils ont décidé de les faire plus grosses et surtout proche des maisons. Sacrilège, maugrée-t-il. — Mais Pharaon à toujours donné des parcelles pour vos nécropoles, enfin cela je l’ai su il y a peu. — Comme je te l’ai dit chef, les Sittiu de ce nome ont une conception différente de la mort. Pour eux les défunts doivent être entourés d’êtres chers. — Tu n’as pas l’air d’accord? Evoquer ce sujet enrage le Sittiu, ces dents se serrent et le déchu semble entendre des insultes. « Encore cette histoire de mort, en tout cas je trouve la décoration sinistre surtout en sachant qu’il y a des corps sous chacune de ses pierres taillées ». Le duo remonte la rue principale Nefertiabet, ancienne princesse et épouse d’un nomarque. L’allée est bordée de maisons colorées de bleu ainsi que de sphinx à tête de chacal. En passant devant les magasins, Shedet se rend compte que non seulement les étales sont vides mais les propriétaires se sont absentés. Pas de miche de pain à l’odeur alléchante comme à Boubastis, seulement des miettes que les rats les plus chanceux récupèrent. Caleb à l’arrière ne cesse de frapper du pied les pierres dont l’écho se répercutent dans la rue. — Arrête de faire du bruit! ordonne Shedet, d’ailleurs maintenant que j’y pense pourquoi il n’y a pas de bruit? A Boubastis vous beuglez toujours à la nuit tombée, ici il n’y a pas un chat. Les habitants n’ont-ils aucun coeur? ajoute-t-il en riant. Caleb l’observe d’un air circonspect sans émettre le moindre rictus. — Je ne comprends pas la blague enfin si s’en était une. — Ils sont sans émotion donc ils n’ont pas de coeur, le coeur est le siège de la vie. Laisse tomber. — Pour nous Sittiu le siège de la vie c’est l’âme. Shedet détourna la tête, aucune envie de débattre sur ce sujet et surtout trop préoccupé par ces énigmes. — En tout cas cela n’explique en rien ce manque de vie dans ce nome. Tu m’avais bien dit qu’une centaine de Sittiu vivaient dans ce quartier? Ils devraient être dehors à profiter de la fraicheur de la nuit. — Ça c’est parce que le nomarque Chepseset n’aime pas le bruit, il n’autorise l’ouverture que d’un seul bar et exige que les habitant restent chez eux. Sinon un protecteur royal massacre quiconque foule le sol du village. En plus il y aurait une bête féroce qui traîne au Sud du royaume en ce moment. Pour faire respecter sa loi, le nomarque a déployé des chacals mécaniques. Ils surveillent les rues munit d’une lampe sur le front. Si par malheur un citoyen se fait arrêter les chacals le dépècent. Avant le rôle incombait aux gardes mais depuis la prise du pouvoir de Chepseset tout a changé dans cette région. — Pas de distraction, ni aucune sortie la nuit! Et moi qui pensais que Miysis était un homme sans pitié. Alors que les deux hommes parcourent les rues vident, certaines fenêtres dévoilent des femmes et enfants épiant le déchu comme une bête mythique. Au bout de la rue, et sans doute du village puisque les champs de lin débute, une maison deux fois plus grande que les autres laisse échapper un enfant. Le marmot sprint dans la rue mais sa tête se cogne à la hanche de Shedet toujours surprit par la rapidité de l’action. — Fais attention! aboie Shedet en sentant sur son bras droit la chevelure d’ébène du gosse. Il pousse l’enfant qui tombe sur le dos comme un fagot de bois, son visage se crispe tandis qu’il essaye de se relever. — Evan reviens ici! s’empresse une jeune femme Sittiu en sortant dans la rue. Messire pardonnez-le, cet enfant est très agité en ce moment. Shedet ne répondit pas un mot, son oeil est figé sur le gosse qui le regarde d’un air apeuré. Le même regard que lui avait lancé le jeune profanateur du temple de Abdjou. — Rentrez-vite mademoiselle, informe Caleb, on ne pourra pas vous protéger si le chacal vous repère. Chef nous devons partir il n’y a rien à voir ici. Chef? Malgré les tapes à l’épaules Shedet ne bronche pas, le souvenir tragique de son emprisonnement, de son jugement et sa déchéance lui revinrent en mémoire d’un seul coup. Les tourments que son corps a subit réapparaissent, l’horrible sensation de son oeil qui s’infectait dans son crâne, la douleur dans sa cheville et la solitude. Caleb tire son chef hors des rues en direction du palais, son esprit redevint clair et sans le savoir il était déjà au pied des marches du haut bâtiment. Caleb rejoignit son lit au village tandis que Shedet marcha jusque dans sa chambre, le regard fixe et l’esprit figé par ses souvenirs. Le travail de scribe devient plus ennuyeux que ne le pensais Shedet, ou alors cela est le fait d’exercer le métier en Basse-Égypte. Depuis le lever du soleil il ne fait rien à part observer le bon déroulement du chantier. Lorsqu’une bavure se déclenche il doit intervenir. L’euphorie le gagne un temps mais la durée est courte, ensuite il rejoint sa tente où il attend de nouveau qu’un événement se déclenche. Alors que Shedet souffle d’exaspération Caleb demande: — Excuse-moi mais pourquoi tu me fais pas travailler? — C’est bien ce que tu es en train de faire. — Je veux dire avec les autres d’ailleurs, depuis hier je me demandais la raison pour laquelle tu m’avais choisit. Geburah je crois comprendre mais pour moi c’est un mystère. Shedet, toujours allongé déguste une grappe de raisin et répond en deux bouchées: — En voyant le piteux état de Iouferséneb je me suis vu en lui et cette vision s’est connecté avec celle où tu m’avais aidé dans la ruelle et dans le gouffre du désert. Sans toi je serai mort ou à l’agonie. — Très bien je comprends? tant que tu me paies je me plaindrai pas. — A t’entendre je n’ai pas l’impression que tu travailles pour toi, n’ai-je pas raison? — C’est exacte, je me brise le corps chaque jour pour mes enfants, j’espère leur fournir un avenir radieux. Tu vois le… — Ça ne m’intéresse pas. Continu de battre l’éventail, l’air se réchauffe. Shedet se tourne et attends avec impatience la fin des travaux même si il est conscient que cela n’arrivera pas de sitôt à ce rythme. « Aussi jeune que moi et il a déjà des enfants. Heureusement que je n’ai pas suivi cette voie il y a deux ans sinon dans quelle galère j’aurai mis mon épouse avec ce statut ». Shedet sursaute à l’annonce de son porte éventail: — Chef! La hyène arrive. — Crétin tu aurais pu me le dire plus tôt. Le jeune déchu s’étire, se tapote les joues puis fait face à son homologue au regard médisant. — Bon, je vois que le déchu a réussi à tenir sa journée. — Les travaux avancent à un meilleur rythme mais je crois que quelqu’un a attiré des scorpions, ajoute Shedet en observant attentivement son comportement. — Par Anubis, j’espère qu’il ne vous ait rien arrivé, dit Nysoutnéfer affublé de son rire. — Moi non néanmoins un ouvrier est à l’arrêt et comme j’ai carte blanche je l’ai laissé rentrer chez lui. Quoi, cela ne vous fait rien? Miysis m’aurait privé d’une partie de mon salaire pour cet acte. — Rappelez-vous déchu, je vous ai dit que l’avancement importe peu tant que les résultats seront là. A propos de Miysis, mon nomarque souhaite s’entretenir avec vous. La nouvelle lui parvint comme un son strident, le nomarque Chepseset, Shedet l’a rencontré une fois, une fois de trop selon lui. « Il va sans doute me parler de ma réaction au sujet de la trésorerie. Par Thot, qu’est ce qui m’a prit de réagir aussi brutalement ». Dans les couloirs nacrés du palais, sous les regards des statues d’ardoise du dieu Anubis et Qébéhout. Shedet suit la hyène dont les respirations haletantes sont tantôt malaisantes, tantôt effrayantes. « Je donnerai n’importe quoi pour partir d’ici mais avec ma marque sur le torse je reste une cible pour les gardes. Misère, si je ne l’avais pas cette foutu marque Amenta j’aurais quitté la région depuis plusieurs lunes. Sois maudit Miysis ». A mesure que le déchu s’approche du bureau du nomarque Chepseset, la tension monte, ses pieds trébuchent et la sueur, dû en partie à la chaleur, l’oblige à s’essuyer le front en permanence. — Je vous en prie, dit Nysoutnéfer en ouvrant la lourde porte grâce à son pendentif. Shedet lui répondit par une moue, le bureau se découvre. Illuminé par le soleil, le vernis du mobilier réfléchit la lumière. Au centre le gros bureau du nomarque, bien moins grand que Miysis mais assez pour que deux familles l’utilisent en repas. Sur sa gauche Shedet est accueilli par le nomarque Chepseset, assit sur l’immense et long sofa violet formant un arc de cercle autour d’une table basse en cèdre. Le fonctionnaire mangeait des gâteaux accompagnés de verre de thé avant le déjeuner. Il balaye son regard sur Shedet, de haut en bas comme le ferai un guépard avant de sauter sur la gazelle la plus faible du troupeau. « Par Amon il va recommencer ». Le nomarque est jeune, vêtu d’une ample toge bleu clair sans décoration, il se présente au déchu aussi sobrement qu’un paysan. — Un gâteau? demande Chepseset sans quitter du regard le déchu. — Non merci, d’ailleurs je vois que je vous embête alors je m’en vais… — Un instant! Nous avons des choses à nous dire enfin surtout moi. Shedet se figea alors qu’il tournait les talons, il ressent le regard imperturbable du nomarque. Au lieu de rester immobile comme un piquet au centre de la pièce il se dirige cette fois vers l’un des palmier planté à même le sol. « Avec cette plante entre moi et lui je serai peut-être libéré de son regard, pense-t-il en faisant mine de le contempler ». — Je vous écoute, dit Shedet en palpant l’écorce de l’arbre. — Apparemment tu aurais eu des problèmes sur le chantier, des accidents et événements étranges en tout genre. J’espère que cela ne te décourage pas, tu sais que Miysis a besoin de cet argent, ajoute le nomarque en dévorant une datte au miel sans détourner le regard. — Eh bien, non, ou peut-être oui car ma vie fut maintes fois en danger… — Mais tu es toujours debout le déchu, regardes-toi tu as survécu en Basse-Égypte et aujourd’hui tu survis face à ce chantier maudit. Mes Sittiu en sont peut-être la cause, avec le lin je n’ai aucun problème mais lors des constructions les contretemps s’enchaînent dix fois plus. Le ton de sa voix est agressif, une voix qu’il accentue avec des gestes fermes sans détourner un seul instant le regard sur Shedet. « J’ai l’impression de communiquer avec une statue et pour ne rien arranger la hyène est derrière moi, à respirer avec ce rire qui ne me donne qu’une envie, l’étrangler ». — Bon je dois vous laisser une grosse journée m’attend et je ne voudrai pas mettre en colère Anubis et sa fille. — Un instant! le déchu se fige au centre de la pièce en ressentant le regard de Chepseset le traquer, j’ai une proposition à te faire et des plus sérieuses. Viens t’asseoir. — Inutile je ne suis pas fatigué… — J’insiste viens t’asseoir. Sans savoir comment, Shedet obéit sans protester, il se retrouve les fesses posés sur le sofa en face du nomarque et de ses yeux bruns tachés de vert qui ne clignent jamais. — Mon assistant Nysoutnéfer m’a fait part d’un désagréable moment que vous avez passé ensemble. Je m’en excuse. Shedet se tourne vers la hyène, cette fois il somnole mais semble écouter d’une oreille attentive la conversation. « Je suis seul avec ce type qui me donne qu’une envie me jeter par la fenêtre ». — C’est déjà oublié, bredouille Shedet. — J’ai aussi entendu dire que tu as bien profité des plaisirs de mon palais. Même les quatre Égyptiennes souhaitent revenir à tes côtés si cela t’intéresse encore. Shedet l’affirme d’un geste timide de la tête tout en cherchant de la main un gâteau ou quelque chose à se mettre sous les doigts pour pallier au stress. — Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je te fais une offre: trahi Miysis. Donne-moi l’un de ses secrets les plus compromettants et je jure sur Qébéhout que le nome sera ton paradis, ton Cartouche. Je connais la réputation du nomarque de Bast, c’est un radin et profiteur qui n’a pas hésité à t’envoyer toi et pas un autre de ses scribes pour cette tâche dangereuse. Il ne mérite pas ta loyauté, en réalité il ne mérite plus son poste de fonctionnaire. L’offre fige le déchu alors qu’il grignotait une figue, « trahir Miysis d’accord mais je n’ai pas d’information à lui donner. Je ne savais même pas que cet amoureux des chats avait un secret ou plutôt un capable de le faire tomber, sinon je l’aurai utilisé ». — Navré de vous décevoir nomarque mais les biens matériels ne m’intéressent plus tant que cela. Même les Égyptiennes sont devenues un plaisir futile. Inutile de me les ramener d’ailleurs. En revanche il y a un bien un souhait qui me délierai la langue: ma citoyenneté. Redonnez-la moi, enlevez-moi cette foutue marque et je vous offre Miysis sur un autel. — Sans aucun remords? — Sans aucun remords, sourit Shedet.
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2023.06.17 08:27 Global_Relative_3177 Chapitre 29: La vie de rêve à Hardaï

Bonne lecture.
Dans une chambre somptueuse du palais de Hardaï, Shedet se réveille pour la première fois depuis sa déchéance dans un lit douillet, beaucoup trop d’ailleurs. La dureté du palmier et la peur de tomber avant de se faire dévorer dans son oasis secrète a modelé son sommeil, sans doute de manière irréversible. Etant un scribe, presque, officiel Shedet a accès aux privilèges tant désiré durant toutes ces années. Toutefois sa rencontre la veille avec le nomarque Chepseset lui trotte dans la tête. Vêtu d’une longue toge de soie bleu presque violette, le fonctionnaire l’avait accueilli assis sur son fauteuil avec un air de dédain. Il portait une perruque courte et était maquillé de fard ainsi que d’un mélange de baie pour ses lèvres apparemment toujours gercées par l’air de son nome en cette saison. Les doigts en éventail, les coudes sur les accoudoirs en forme de chacal et les jambes l’une sur l’autre, Chepseset arborait un regard calculateur sur le déchu. Il accompagnait son attitude malsaine avec un sourire très faux presque niais qui lui déformait le visage certaines fois. Son scribe, et accessoirement prêtre, Nysoutnéfer se tenait à côté de Shedet et ce dernier sentait aussi un regard observateur lentement le parcourir. Shedet était réellement mal à l’aise et pas le bienvenu, pourtant le nomarque lui donna sa meilleure chambre, les plats les plus nourrissants ainsi que quatre femmes Égyptiennes venues spécialement de Ouaset pour lui tenir compagnie. C’est donc ainsi que ce présente le scribe Shedet durant le chantier. Entouré de demoiselles lui décortiquant des crevettes importées du nome du Taureau Recensé et des fruits rapportés du grenier du nomarque. Deux autres femmes dansent pendant que l’une joue de la harpe couvrant le bruit horripilant des Sittiu hurlant et détruisant sans cesse du matériel.
— Chef! dit Caleb tout essou fflé en pénétrant dans la tente, la grue a cassé et la corde s’est rompue. — Encore? soupire Shedet toujours entouré de demoiselle, et bien répare-la contremaître. — Il nous faut aussi des outils de meilleurs qualités et des soins pour l’ouvrier qui s’est ouvert le torse dès que la corde l’a fouettée. La simple évocation d’une blessure aussi grave coupa l’appétit du scribe, il dépose sa juteuse grenade, lui paraissant désormais sanguinolente et déclare: — Vous me fatiguez, c’est la troisième fois en deux heures que tu viens me solliciter. Le temple ne s’achèvera jamais à ce rythme. Dire qu’à Bast ils auraient achevé un dixième du travail, marmonne-t-il en dévorant une poire. Caleb s’apprêtait à parler mais la présence de toutes ces femmes ne lui inspirent guère confiance. Il tourne les talons tandis que la musique et les dansent reprennent. La journée s’achève et les travaux sont encore loin d’être terminé. Les ouvriers ont passé la journée à se soigner et réparer les équipements, apparemment, de mauvaise qualités ce dont doute Shedet puisqu’en tant que scribe il avait lui-même vérifié le matériel. Ses trois compagnons se portent mal en point. Geburah a été malmené par une bande rival, Iouferséneb n’a pu faire grand chose à cause de son état de santé et Caleb a joué, contre attente pour le déchu, son rôle de contremaître très à coeur. Toutefois ces broutilles ne l’intéressent guère, en route pour le palais du nomarque et ainsi achever son rapport, Shedet termine sa journée le sourire aux lèvres. Près de la salle des archives Shedet congédie enfin les quatre demoiselles le collant depuis le début de la journée. Sa peau est parfumée de leurs lotions de fleurs et de plantes exotiques. — Désolé mesdemoiselles mais seuls les scribes peuvent entrer dans cette pièce. Attendez-moi dans la chambre et commandez tout ce que vous souhaiter à mon nom, dit-il en les embrassant une à une. Cependant son sourire niais, et parfumé de groseille par les lèvres de ces demoiselles, disparaît dès la seconde où il aperçoit le scribe Nysoutnéfer à l’attendre assis sur une chaise. En sautant de sa chaise l’image d’une hyène lui apparait plus clairement. — Scribe de Bast comment vous sentez-vous, dit la hyène en le rejoignant, j’espère que votre journée s’est bien déroulée, ajoute-t-il de son rire sinistre. — Oui ne vous inquiétez pas pour moi; son papyrus holographique se fait arracher des mains. Il semblerait néanmoins que les ouvriers ne soient pas qualifiés. Peut-être devrai-je en faire venir de Bast… — Hors de question, interrompt-il d’un ton sec, le chantier se terminera en temps et en heure selon la volonté des dieux. On ne vous demande pas de délai seulement des résultats. « Etrange je n’ai jamais entendu de telle sornette, les scribes ont toujours un délai à respecter ». Shedet demande: — A ce rythme je serai encore présent le mois prochain, m’assurez-vous que je serai payé pour mes services? — Assurément. Avez-vous compris votre rôle dans ce nome? interroge-t-il en récupérant un autre papyrus de l’étagère. — Plus ou moins, en réalité non. Le nomarque Miysis m’a obligé à venir sans quoi j’aurai été écartelé. A cela Nysoutnéfer répond par son petit rire devenant de plus en plus agaçant pour le déchu, son dos courbé effectue de léger soubresauts. — Vous êtes ici car Néferrenpet, notre bon vizir des nomes, veut s’assurer qu’il n’y ait pas de dégâts supplémentaire sur nos temples. Il a donc fait appel à un scribe spécialiste des chantiers, ce dont nous ne sommes pas munit. Le nomarque Miysis vous a donc vendu un temps pour effectuer cette tâche. « Cela n’a aucun sens, pourquoi moi alors que j’ai peu d’expérience. L’un des nombreux maître scribe aurait été plus efficace. A moins que Miysis ne se sert de moi comme de la chair à canon. Foutu nomarque! ». Nysoutnéfer se sert un verre d’eau frais provenant d’une amphore en ardoise, ses gestes sont lents et aucun n’est inutile, tout est comme pré-calculé dans son attitude. — Les coupables de la destruction ont-ils été identifiés? demande Shedet. — Mieux que cela ils ont même été arrêtés et exécutés. Votre travail consiste seulement à réparer ce qui a été détruit. « Dommage j’aurai voulu les voir et les faire souffrir, peut-être même les interroger pour trouver la personne qui a détruit ma vie ». Shedet se sent un peu épuisé tant par la discussion que par la présence de ce scribe et de son rire insupportable. — Messire Shedet je vous trouve un peu las, allez rejoindre votre chambre et ne vous gêner pas pour faire comme chez vous. — Non j’ai encore quelques questions, dit Shedet la voix un peu tremblante en se tenant le front, je me dois d’accomplir mon travail de scribe. Si vous m’autoriser autant de distractions j’aimerai alors aussi obtenir de meilleurs outils pour les ouvriers. — Je vous le répète messire le délai n’a aucune importance. Rappelez-vous, vous êtes ici au frais du nomarque Chepseset et du royaume. Le nomarque Miysis gagne de l’argent pour chaque jour que vous rester dans notre nome. L’attitude de la hyène devient plus évasive, voyant son invité mal en point il lui sert un verre d’eau. Le déchu refuse d’un geste poli mais Nysoutnéfer insiste et, pendant que Shedet engloutit l’eau fraiche, la hyène chuchote: — Je sais à quel point le métier de scribe pour un nomarque tel que Miysis est… comment dire, misérable; il se rehausse sur la pointe des pieds et chuchote, si l’envie de vous servir dans les coffres vous venait à l’esprit, pour un éventuel…dédommagement, libre à vous de faire. Nysoutnéfer se redresse du mieux qu’il peut cependant la vue du visage de Shedet, l’oeil effaré, le terrifie. — Comment osez-vous! s’insurge le déchu, comment osez-vous déshonorer la fonction de scribe en m’incitant à voler l’or de notre grand Pharaon! — Je ne faisais qu’un… test, panique la hyène affublé de son rire cette fois saccadé, je voulais savoir à quel genre d’homme j’avais affaire. Je vous pensais de nature voleur. — Et bien moi je pense qu’il est temps de nous séparer, répond Shedet en tournant les talons, votre suggestion a aggravé mon mal de crâne. De retour dans sa chambre, l’esprit totalement confus, Shedet n’arrive pas à apprécier la présence divine des demoiselles. Assis sur son lit pendant qu’elles animent la soirée, le déchu les observe avant de vociférer: — C’est bon partez! Je dois me reposer pour le travail de demain. — Mais et notre paiement? demande agacée Senbet la joueuse de harpe. — Servez-vous dans la pièce et ne revenez plus. Sorcière, maugrée-t-il. Les demoiselles emportent autant d’objets de valeur que le peuvent leurs bras luisants sous l’éclat des lampes. Aucun au revoir ni de remerciement la seule chose qu’elles laissent sont leurs odeurs flotter dans l’air comme les rideaux de sa chambre virevoltant par la brise. « Cette sale hyène! Pour qui me prend-il? Parce que je suis fils de paysan alors je suis forcément un voleur! Un opportuniste comme ces chiens de Sittiu! Il a cru bon me corrompre… me corrompre? ». Ce mot le laissa pantois un instant, il se remémore aussitôt la réaction du scribe lors de sa fureur. « Il n’avait pas peur de moi mais plutôt de ma réaction, il s’attendait à ce que j’accepte, que je me serve dans l’or de Pharaon. Etait-ce réellement un test, un piège ou un élan de générosité? ». A ce mot, et en repensant à la tête de Nysoutnéfer, un rire lui fendit les côtes, impossible que la générosité soit un sentiment qu’il connait sans doute même le nomarque. Désormais le déchu en est intimement convaincu, ce nome cache un secret très embarrassant. Aussi étrange que cela puisse paraître Shedet n’a pas visité le temple. Depuis son arrivé les loisirs et frivolités l’ont empêché, avec succès, d’effectuer son travail. Sur le chantier les Sittiu sont tous présent prêt à poursuivre la partie Est du temple de Qébéhout, déesse et fille du grand Anubis. Shedet se place sur l’estrade, il observe patiemment les visages des ouvriers, des têtes d’hommes n’ayant pas l’habitude des chantiers comparé à Bast. « Cette chevelure noire et ses yeux bleus sombre me rendent toujours aussi malade mais je n’ai pas le choix. En tout cas ils sont bien mieux vêtu que ceux de Bast ». Shedet déclare: — Aujourd’hui nous allons nous attaquer à la salle hypostyle ainsi que le pilier centrale. La cargaison de pierre et de ciment est prête à être utilisé, il ne reste plus qu’à vous secouer. Shedet observe d’un regard méprisant les ouvriers, « la moitié semble endormi et il y a toujours celui-là, le chef de groupe, bien entouré à l’allure de chef comme Geburah l’était ». Le déchu saute de l’estrade, papyrus holographique en main, il rejoint le chantier en même temps que les ouvriers. Certains le dévisagent croyant qu’il se joindra au travail, d’autres l’ignorent et quelques uns paraissent livide. « Ces marches jusqu’à un chantier me rappelle tant de mauvais souvenir mais bon, je dois vérifier si Caleb disait vrai ou si c’est aussi une ruse de leur part pour paresser ». Pour atteindre le temple les croyants, ou dans ce cas présent ouvriers, doivent traverser l’allée Yineput. Une route pavée de pierre blanche cernée d’eau sur laquelle des hautes statues de la déesse Anupet, une femme à tête de chacal, se tiennent debout. Faites de pierre noir elles tiennent des Ankh en or créant un net contraste de couleur surtout lorsque les rayons matinaux les dévoilent. Leurs ombres décrivent une flèche tandis que le soleil apparait en face derrière le temple à moitié pulvérisé. L’eau provient du bras Nil, elle n’effectue aucun mouvement, plane comme une feuille ou la plus poli des roches tout en reflétant parfaitement l’image du temple. Un peu plus loin, l’allée donne accès au jardin, simple décoration dans laquelle des statues en pierre grise de la déesse Qébéhout vêtue d’une robe de lin, surveille les visiteurs entourée de gazon fraîchement tondu et imbibé de la rosée matinale. L’air est parfumé de celle du lin cependant à mesure que Shedet s’approche du temple c’est celle de la poussière et du plâtre qui agresse son nez. L’édifice religieux est de forme rectangulaire dont l’accueil se fait par une entrée entourée de deux grandes statues de la déesse Qébéhout, l’une à la tête de serpent et l’autre de droite est pulvérisée. Seules ses jambes et le bras droit tenant la lance sont rescapés du massacre. Celle de gauche porte la coiffure Afnet ainsi qu’une robe fourreau beige faite de lin. Dans leur main proche de l’entrée, ces colosses tiennent une lance dont la pointe est celle d’un cobra. Chacun des ouvriers prend place au poste décerné par Shedet. La salle hypostyle est sévèrement endommagée, chose qu’il n’a pas pu voir depuis sa tente. Cette salle créée jadis par un ancien nomarque possédait un toit fermé et vingt colonnes de vingt mètres garantissant une pénombre à toutes heures du jour. La petite statue de la déesse repose dans la chambre suivante et par chance elle ne fut pas atteinte par la catastrophe. Aujourd’hui dix-sept colonnes ont survécu, le reste nécessitera quelques blocs à acheminer, un travail risqué. Shedet lève les yeux au sein de la salle, la lumière pénètre par le plafond dont la moitié a été pulvérisé, une portion du mur menace de s’effondrer et les hiéroglyphes couvrant les colonnes sont devenues illisibles par la suie et les fissures. « Tant de travail pour réparer ce lieu sacré et moi qui me prélassait comme un idiot dans la tente. Je fais honte à la profession de scribe mais je peux encore me rattraper ». L’écho d’une dispute parvient à ses oreilles suivit de coups sec et de gémissements. — Hé! Que se passe-t-il? crie Shedet en rejoignant l’attroupement. Au sein du cercle de combat Geburah, à terre, se fait malmener par trois hommes dont le fameux chef de bande. La vue de cette scène fait jubiler le déchu. Ce dernier s’apprêtait à les encourager mais son devoir de scribe le rattrape. — Il a tenté de tuer l’un d’entre nous, dit le chef des Sittiu. — Ouais regardez! montre l’agresseur de gauche en tendant une pioche de cuivre tachée de sang. — C’est faux, proteste Geburah, l’outil est tombé depuis le ciel. Tous se mettent à rire, l’écho des voix en devient presque insupportable, Shedet s’essuie une larme à l’oeil puis déclare: — Allez remettez-vous tous au travail. Toi le meneur du groupe, quel est ton nom déjà? — Hod messire, je ferai tout ce qui est possible pour achever le temple, notre honneur est en jeu. On doit prouver à ce mécréant de Bast que nous aussi on sait reconstruire. Hod se démarque des autres par sa posture droite et son ton claire lorsqu’il prend la parole. Plus jeune que Shedet d’environ cinq ans, il n’en reste pas moins respecté des autres même par des hommes qui auraient pu être son grand-père. Ses yeux bleus sont nuancés de vert quant à son visage il est certain que les femmes ne doivent pas le rejeter. Malgré sa pauvreté ses habits sont cousu d’un lin grisâtre très solide et rêche au toucher lorsque Shedet entre en contact par mégarde. Ce dernier ressent une aura particulière face à ce jeune, aucune animosité particulière n’emplit son cerveau. — Très bien Hod, solidifiez le mur comme je vous l’avais demandé et ensuite vous vous attaquerez au plafond. Et si jamais ce chien t’importune encore je te donne tous les droits pour le châtier. Shedet sourit à son ancien bourreau dont le corps est entièrement couvert de poussière et de boue, c’est avec un regard féroce et les dents serrées que Geburah rejoint son poste. Le temple, désormais animé du tintement des outils en cuivre sur la pierre, reprend forme d’heure en heure. Shedet flâne autour du bâtiment d’un regard très observateur, bien plus sérieux qu’à l’hôtel Ouas. Il mène son enquête près des murs brûlés par le souffle de l’explosion. « Les pierres peuvent s’exprimer me répétaient souvent mon maître et c’est pour cela que l’on grave des hiéroglyphes. Elles témoignent sans relâche du passé. Ici je ne trouve rien de compromettant à part de la suie sur les lieux supposés de l’explosion. D’après mes renseignements, le medjay Odion n’est pas venu faire son enquête, chose étrange puisqu’il s’occupe de protéger le royaume. Au vu de sa réputation je préfère qu’il ne vienne pas. En tout cas qu’a-t-il de si important à faire en ce moment? ». Le déchu s’approche une nouvelle fois du lieu de l’explosion tandis que les ouvriers finissent de nettoyer la place, travail qu’ils ont dû effectuer en priorité sous les ordres de Nysoutnéfer. En s’agenouillant près d’un coin, Shedet découvre au niveau du sol des traces d’une boue visqueuse, noircit par les flammes. « Est-ce une trace de l’explosif? Je n’y connais absolument rien, en tout cas depuis le début une chose me dérange. Par rapport au temple d’Abdjou qui m’a explosé en pleine figure celui-ci n’a pas réellement subit de dégâts. Une semaine voire deux de travail acharnée et tout sera terminé. Le temple d’Abdjou était en si piteux états que le nomarque a presque faillit le raser et en construire un autre ». — Messire, interpelle Hod, les gars ont terminé de nettoyer et maintenant ils s’attaquent au mur. Le déchu répond par un simple hochement de tête, il se relève et lui fait face d’un air exaspéré par ses recherches infructueuses. — Quand vous êtes venu ici après l’explosion, as-tu remarqué quelque chose d’étrange dans le temple? — Non rien de spécial, de la fumée, du feu, et des corps. Des choses qu’on retrouve après une explosion. — Et des enfants? interrompt Shedet. — Non des ouvriers adultes, des hommes disparus il y a trois semaines et qui ont réapparut comme par magie. — Hod on a trouvé quelque chose, interpelle un ouvrier essoufflé, oh scribe je vous avais pas vu. — Montre-moi cette découverte sur le champ, ordonne Shedet. Le trio pénètre dans la partie Ouest de la salle hypostyle, la zone la plus éloignée de l’épicentre. Dans le mur, un large renfoncement vers le sol, crée par l’expulsion d’un débris de roche, attire les regards apeurés des ouvriers. — Laissez-moi passer! dit Shedet tout aussi intrigué par la fente. Qui l’a découverte? — Moi messire, dit un ouvrier, je m’appelle Iloan. Le jeune homme est petit, chétif, affublé d’un visage presque crétin surtout avec le sourire qu’il arbore avec ses dents gâtées comme si il avait découvert une mine de lapis-lazuli. — Est-ce la vérité? N’aurais-tu pas cassé ce mur et accusé l’explosion pour couvrir ton mensonge? — Mais non pourquoi je ferai ça, dit-il la voix tremblante. — Parce que moi aussi j’ai déjà couvert mes erreurs de cette manière, informe Shedet en s’agenouillant près de la crevasse. Apportez une torche. Iloan s’exécute en la pointant dans l’obscur trou. « C’est profond d’un demi-mètre, cette fente ressemblerait à une cachette pour la contrebande, en tout cas je l’aurai utilisé de cette manière; de ses doigts il palpe l’intérieur. Le trou a été creusé, je sens la pierre poli. Qu’est ce que c’est que ce truc? ». Le bord de ce qui ressemble à une boîte en bois imbibé d’eau se dévoile avec la lueur de la torche. L’odeur y ressemble, les deux hommes s’approchent afin de discerner plus de détails, les ouvriers à l’arrière retiennent leur souffle comme si un corps avait été découvert. — Arrête de trembler, vocifère Shedet à Iloan, je n’arrive pas à voir. Et vous derrière retournez au travail! Alors que le déchu empoigne la torche un sifflement survient, un son familier à Shedet qui lui glace aussitôt le sang. Deux vipères cornues jaillissent simultanément du trou et, avec leurs crocs acérés, mordent avec autant de force que possible les avant-bras des deux hommes. Ces derniers se roulent à terre, les ouvriers aident en priorité Iloan tandis que Caleb décapite la bête attachée au bras de Shedet. La vipère cornue est de couleur jaune pâle, sa tête affublée de deux cornes au-dessus de ses yeux la font ressembler à un être démoniaque et ses écailles coupantes, s’étendant sur le corps long de deux mètres, sont aussi dur que la pierre. — Chef vous allez bien! s’écrie Caleb en observant la plaie. — Oui ça va! grogne-t-il, ce n’est pas la première fois que qu’une vipère me mord, j’y survivrai. L’autre homme n’a pas plus de chance, il s’évanouit en quelques minutes suant à grosses gouttes, ses congénères paniquent en l’emportant hors de la structure. — Messire! hurle Hor, est-ce qu’on peut emmener notre ami chez un médecin! D’un signe de main plutôt nonchalant Shedet accepte, ce dernier s’ouvre la plaie et recrache le poison afin d’éviter toute mauvaise surprise. — C’est comme dans la prophétie, déclare un ouvrier figé sur place, notre heure va arriver. Quelques ouvriers surenchérissent ses paroles en se remémorant une sorte de texte. — Que raconte-t-il Caleb? — J’ai entendu dire qu’il y a deux ans, les habitants de ce nome ont découvert leur stèle de loi vandalisé par des écrits fait de sang. Au sol il y avait un symbole, qu’ils décrivaient comme démoniaque, parlant de plusieurs fléaux qui allait s’abattre sur eux. Le temple qui explose et la morsure d’une vipère cornue en faisaient partie. — C’est vrai que je ne m’attendais pas à tomber sur une vipère cornue ici, d’habitude elles vivent près du Nil et sont plutôt timides avec les gens. Bon sang mais qu’est ce qui se passe dans ce nome! Cette histoire de fléau trotte dans la tête du déchu dont la sueur dégouline progressivement.
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2023.06.15 08:01 Global_Relative_3177 Chapitre 27: Le Vizir Rahotep

Bonne lecture.
Dans le salon d’une villa au sein du Cartouche, la voix colérique d’une femme trouble soudainement le silence paradisiaque des lieux.
— Es-tu sûr de ton enquête Medjay? demande la princesse Qedmeret sur un ton agressif, mon fils n’aurait jamais l’audace de trahir notre famille. La princesse, âgée d’une cinquantaine d’année n’a d’apparence que celle d’une jeune demoiselle dans la fleur de l’âge. Habillée d’une robe jaune dont quelques bandelettes sont reliées aux bras, ses parures ornent sa grande chevelure brune enroulé autour de deux cornes d’ivoire. Agenouillé face à elle, le medjay Odion déclare:
— Princesse Qedmeret les éléments de mon enquête concordent avec ma théorie en revanche je ne peux me permettre de suivre votre fils, se serait un affront envers sa personne. De plus une autre affaire requiert davantage de mon temps.
— Misérable medjay, tu ne sers à rien. Ma famille pourrait tomber à cause de cette peste de Anoukis et tu prétends avoir des affaires plus urgentes! Odion ne laisse paraître aucune émotion, telle une statue de granit, son corps n’esquisse aucun mouvement inutile. La tête toujours baissée il reprend:
— Si je peux me permettre un conseil, princesse Qedmeret, vous devriez simplement discuter avec votre fils et le convaincre de cesser de tourner autour de la princesse Anoukis. — Ce serait plutôt à toi de me fournir ton aide sinon à quoi te sers ton titre de protecteur du royaume? Ton frère Marek aurait déjà résolu mes problèmes à l’heure qu’il est. Toujours aucun signe de tracas provenant du medjay, son attitude professionnel en est si déroutante que la princesse Qedmeret hausse la voix. Cependant le medjay lui coupe l’herbe sous le pied sur un ton respectueux: — Navré de vous décevoir princesse mais aucun crime ne fut commis à l’encontre de votre fils. Je n’ai découvert aucun chantage, ni menace et encore moins de trace de sorcellerie. Mon verdict est simplement que votre enfant, si je puis me permettre, est amoureux. — Mais il n’a que dix-huit ans! dit-elle sur un ton effaré, je ne peux le laisser se faire corrompre par une sorcière. Retourne l’épier et recherche encore toute trace de sorcellerie. Malheureusement pour elle un ibis au pelage vert sombre apporte de son bec fin et noir, une nouvelle au medjay. L’oiseau gracieux, serviteur du dieu Thot, se retire aussitôt sa tâche accomplit. D’après le visage satisfait du medjay, lorsque son regard parcourt le papyrus holographique, l’information qu’il attendait est enfin disponible. — Princesse Qedmeret, dit-il en se levant, pardonnez mon départ brusque mais une mission urgente requiert mon attention. — Je suis bien plus importante que n’importe quel missive et surtout si elle vient d’un misérable noble, dit-elle outrée. — Princesse Qedmeret cette missive concerne votre père notre grand Pharaon. Je me dois d’accomplir en priorité ses demandes. Le calme de la villa reprend son cours une fois le medjay partit, la princesse, toujours en colère, projette par la fenêtre l’amphore à proximité contenant le vin de prune. Assis tranquillement dans la bibliothèque du dieu Thot, à Memphis, les recherches d’Odion sur les romains se poursuivent. Seule personne au dernier étage du gigantesque temple du savoir, son unique compagnie est celle d’un faucon messager patiemment assis à dévorer un lapin apporté par le medjay. Avec ses serres le rapace déchiquète le rongeur, l’écho emplit la pièce nacrée tandis qu’une machine range, dans le bon ordre, les papyrus utilisés un peu plus tôt par des prêtres du temple de Khonsou. Odion examine avec dépit les écrits reçus des grecques, ou plutôt les Athéniens, qui ont enfin consenti à envoyer des informations sur les coutumes guerrières des romains. Évidemment ce service ne fut pas gratuit et en échange le vizir des armées paya avec une cargaison d’arme solaire. Cela fait une semaine que rien ne s’est produit ou plutôt rien ne sortant de l’ordinaire. Le caractère secret de sa mission ralentit davantage son enquête, les nomarques coopèrent peu de peur d’être désigné complice et aussi de recevoir la visite du medjay. Odion ne peut compter que sur lui-même. « Par Sekhmet, je n’apprends rien de nouveau seulement quelques bribes d’informations. D’après les archives les speculatores sont capable de se fondre dans le paysage en se cachant parfaitement même dans les lieux inconnus mais cette information est trop vague. Le jeûne d’un mois est une faculté qu’il n’utilise qu’une seule fois; ses yeux parcourent le papyrus holographique, les speculatores sont des maîtres d’armes mais ils utilisent désormais des projectiles non létaux capables de mutiler. Le Mars et la Foudre sont toujours des armes d’assassinats de prédilection, je doute qu’ils l’aient utilisé à l’hôtel à moins que le modèle fut plus récent et donc discret. D’après les écrits du grecque, les espions romains sont censés se suicider si la mission échoue or ce monstre est encore en vie, at-il un autre objectif à accomplir? A part réduire nos rangs en massacrant la population je ne comprends pas son intérêt à moins que l’hôtel ne fut une simple étape. Non je n’arrive pas à croire cette hypothèse, je ne sais même pas si je dois me fier à ces écrits. Je commence à douter de la véracité de nos informations aux sujets des romains tant ils sont en contradiction avec la réalité. Ces histoires de speculatores ne sont que des ignominies, des récits pour effrayer les gosses. Ma cible est sûrement un Égyptien ou un Sittiu qui aurait découvert un héritage perdu dans l’un des deux pôles et s’en sert à des fins malhonnête pour effrayer notre grand Pharaon ». En s’approchant de la haute étagère un doute subsiste. « Et si ce n’était qu’un Sittiu? Non comment aurait-il pu écrire en latin, même les hauts fonctionnaires du royaume ne connaissent pas cette langue. Néanmoins la secte d’Apep a pu dénicher un secret provenant du pôle Sud ou de la cité de Kush… ». Des bruits de pas alertent le medjay, connaissant ce rythme et le son de ses sandales caractéristiques il rétracte son papyrus avant de le déposer contre les autres formant un tas. — Medjay Odion puis-je te parler? demande calmement une voix d’homme. — Grand Vizir Rahotep, que me vaut l’honneur de cette visite? Le chancelier exprime un visage serein, son regard observateur balaye la pièce vide et propre de toute poussière grâce aux travail de la déesse Seshat. Habillé d’une peau de jaguar aux couleurs bien chatoyantes qui surmonte une toge grise, son lourd pendentif en forme d’oeil Ouadjet ne cesse de se balancer contre le large collier en or entourant son cou. — A t’entendre j’ai l’impression que tu attendais l’arrivée de quelqu’un d’autre. — Non je suis surpris de vous savoir à Memphis hors de la cour de Pharaon. — Sache que je ne suis pas greffé à sa cour, dit le Vizir d’un ton moqueur, j’ai su que tu te trouvais en ces lieux alors je suis simplement venu savoir comment se déroule ton enquête. En temps normal le medjay est hiérarchiquement au-dessus des vizirs mais pas celui-là. En théorie le Vizir Rahotep est de même rang que lui cependant son autorité s’exerce sur la famille royal. Ce fils de la plus haute famille noble d’Égypte use, et abuse, de son intelligence, son expérience et même son charme pour obtenir ce qu’il désire. Cependant cela n’entache pas ses qualités de dirigeant et, en cent cinquante ans de règne, Rahotep peut se féliciter de ne jamais avoir été réprimandé par son souverain. Il sert ce dernier depuis son accession au trône. — Pardonnez-moi Vizir, dit Odion d’un air plutôt agacé, mais cette affaire est bien la plus difficile à laquelle j’ai été confronté. Les éléments se contredisent sans cesse et les hypothèses me semblent plus irréelles les unes que les autres. — As-tu une piste solide? Que racontent les témoignages? — Mes nombreuses visites chez une dizaine de nomarque n’ont rien données. Ils ne sont plus aussi coopératif qu’autrefois mais je les comprends, les rapports qu’ils reçoivent sont déconcertants. Les scènes de crime le sont davantage. Les rares témoins affirment avoir vu un Égyptien, d’autres disent que des Sittiu se regroupent et certains évoquent une bête à l’apparence humaine venant d’ailleurs. — Si tu penses à la nationalité du criminel, tes doutes sont fondés, les phrases en latin que tu as fait parvenir aux archives sont de qualités discutable. Hérodote a lui-même affirmé cela lorsque je les lui ai présenté en prétextant à un message découvert dans des ruines. « Ce lézard est déjà au courant, mais comment? Je sais très bien que ces espions pullulent dans le royaume mais à ce point. En tout cas mon hypothèse sur le romain est celle que je préfère le moins, difficile pour un habitant de cette troisième lune de venir jusqu’ici. Malgré tout je reste ouvert à cette éventualité ». — Je recherche sa trace chaque jour en vain, mes scarabées ne le trouve pas et les systèmes de sécurité aux frontières de chaque nome n’ont rien détecté. Même les dieux ne m’ont été d’aucun secours. C’est comme si un esprit se baladait dans le royaume. J’ai donc tourné mes recherches sur une contre-mesure et cela m’a aussi confirmé l’existence d’un système capable de rendre invisible aux yeux de notre sécurité. — Intéressant, et tu as raison. L’un de nos éminent cerveau était capable d’une telle prouesse, quoi d’autre? Odion fronce les sourcils, personne ne lui avait parlé d’un tel individu et surtout d’une contremesure aussi efficace. — La victime de l’hôtel était bien le fils du trésorier, on le surnommait aussi le successeur d’Imhotep; le medjay prend subitement un ton plus agressif, alors pourquoi faire passer son assassinat pour un accident? Pourquoi autant de cachoteries sur cette enquête? Dès que j’avance sur certaines hypothèses je m’aperçois qu’une manœuvre a été orchestré à mon insu. — C’est fâcheux, très fâcheux, marmonne le Vizir. Agacé par l’attitude mystérieuse et étrange du Vizir, le medjay bombe le torse et demande d’une voix grave en s’approchant de lui tel un fauve: — Puis-je vous poser une question Vizir? ce dernier acquiesce assez soupçonneux, cette mission en êtes-vous réellement informée? — Evidemment je suis le Vizir, Pharaon a chargé tous ces sujets les plus proches de se concentrer sur l’affaire. Si nos informations sont différentes c’est uniquement parce que tu te rends sur le terrain. — Pourtant sur le terrain je suis le seul face à cette menace sûrement venue d’un autre royaume. Je vous le redemande est-ce bien un romain que je traque? Ne serait-ce pas un ancien noble d’une famille déchu souhaitant se venger de la famille royale? Si ce successeur d’Imhotep a été tué, la situation est plus grave que prévu. — Je te le répète, c’est forcément un romain que tu traques et non un citoyen de notre royaume. Un silence s’installe, le medjay essaye de déceler le vrai du faux dans le comportement du chancelier, le medjay reprend: — Les membres de la secte d’Apep seraient tout aussi bien capable d’une telle cruauté… — Les membres de cette secte, interrompt Rahotep, sont a effectif très réduit aujourd’hui, certes il reste la cellule à Kush tout comme le fils de Agag mais crois-moi lorsque je te dis que la menace du romain est bien supérieur. Un second silence prend place, la ventilation masque le grognement guttural du medjay. — Medjay calme-toi, ajoute le Vizir en voyant le poing d’Odion se serrer, tu savais dès le départ que l’enquête serait complexe mais Pharaon t’a choisit en personne pour cette tâche. Si tu baisses les bras tu jetteras l’opprobre sur ta famille. Tes talents, ta force bestial et ton entrainement sont bien suffisant pour éliminer cette force maléfique. Odion n’est pas convaincu par sa réponse, depuis le début de la rencontre il sent que l’homme recherchant le plus d’information dans cette affaire est le Vizir. L’attitude de ce dernier ne le ravit en aucun cas toutefois par respect pour son poste il se ravise de le faire dégager. Rahotep observe la pièce avec attention, il lit les noms inscrits sur les étagères: Rome, Grecque, Histoire du royaume, etc… le medjay l’observe d’un air circonspect. — Que de souvenir medjay lorsque je regarde l’état de cette pièce. — Que voulez-vous dire? Ces archives sont vieilles d’environ cinquante ans et vous en avez presque le triple. — Autrefois le royaume n’était pas confronté à tant de problèmes ou plutôt rien de ce genre. — Pourtant l’histoire de l’Égypte s’est écrite dans la chair et le sang, quatre ères ont dû se crée avant d’arriver à la paix et prospérité que nous connaissons. — Tu as raison medjay, dit-il sur un air presque mélancolique, notre grand Pharaon Ramsès est un pilier, la colonne vertébrale de notre patrie. Je me souviens encore de son père, Séthi premier, qui a dû se démener pour laisser un héritage prospère à son fils. A cette époque je venais de prendre mes fonctions et d’abandonner à jamais ma capacité de procréation. Avoir un seul souverain pendant presque deux cents ans est une première mais une aubaine pour le royaume. — J’ai entendu dire, interrompt le medjay, que le nombre de Pharaon listé dans nos papyrus n’est pas le bon, qu’il en manque une partie. — Cela est vrai mais tu évoques des souverains éphémères ou des usurpateurs n’ayant aucune place dans nos mémoires. Pour en revenir à ce que je disais à l’époque les problèmes du royaume se limitaient au royaume. — Il n’y avait pas Rome? demande Odion presque naïvement. — Il n’y avait même pas la Grèce, rétorque le Vizir d’un sourire moqueur, ces deux nations étaient faibles. Sur le chemin de la construction alors que nous nous avions déjà dompté le Nil et l’or débordait de nos trésorerie. — C’est toujours le cas, affirme le medjay en rangeant les derniers papyrus trainant sur le bureau, le soleil illumine nos terres fertiles et le fleuve sacré abreuve nos bêtes et nos citoyens. Pharaon veille toujours à cet équilibre. — Pourtant dès le début de son règne Rome n’était qu’un murmure, une chose fragile, une poussière sur la troisième lune. Cependant sa croissance durant ce siècle fut exponentielle mais elle est encore loin d’égaler la nôtre. « Je sens un léger tremblement dans sa voix, cette phrase l’inquiète plus qu’il ne le fait croire. Etant un medjay je suis au courant, pas à son niveau, mais suffisamment pour savoir qu’aucune autre nation n’est encore apte à nous défier. Alors pourquoi a-t-il peur? La présence de cet intrus, ce soi-disant romain est-elle si grave? Non, je suis certain qu’il n’est pas romain ». En faisant dos à l’étagère après avoir rangé sa place Odion pose une dernière question: — Et la quatrième lune Vizir, qu’abrite-t-elle selon vous? Un frisson parcourt Rahotep de la tête au pied, de son regard, toujours incisif, il déclare: — Rien. Rien qui ne pourrait nous mettre en danger. En tournant les talons une goutte de sueur perla du front au nez avant de s’écraser sur le sol.
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